Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 13 avril 2011, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803808 du 4 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 7 avril 2008 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille rejetant la demande de M. Sylvain A d'agrément en qualité d'aumônier bénévole des services pénitentiaires, a enjoint au directeur de procéder au réexamen de la demande de M. A dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de M. A devant le tribunal administratif ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Trizac, avocat, substituant Me Goni, pour M. A ;
Considérant que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES relève appel du jugement du 4 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Sylvain A a annulé la décision du 7 avril 2008 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille lui refusant l'agrément en qualité d'aumônier bénévole des services pénitentiaires ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes des stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé, ou de la morale publiques, et à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'en outre, il résulte des dispositions des articles 1er, 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 susvisée, en premier lieu, que les associations revendiquant le statut d'association cultuelle doivent avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte, en deuxième lieu, qu'elles ne peuvent mener que des activités en relation avec cet objet telles que l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi que l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte et, en troisième lieu, que le fait que certaines des activités de l'association pourraient porter atteinte à l'ordre public s'oppose à ce que ladite association bénéficie du statut d'association cultuelle ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article D. 432 du code de procédure pénale : Chaque détenu doit satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle. / Il peut à ce titre participer aux offices ou réunions organisés par les personnes agréées à cet effet ; qu'aux termes de l'article D. 433 du même code : Le service religieux est assuré, pour les différents cultes, par des aumôniers désignés par le directeur régional qui consulte à cet effet l'autorité religieuse compétente, et après avis du préfet / (...) ; que les articles D. 434 à D. 439 du même code précisent les conditions dans lesquelles les aumôniers agréés et leurs auxiliaires sont autorisés à intervenir en milieu carcéral, pour organiser des offices et des réunions ou pour s'entretenir, sur place ou par voie épistolaire, avec les détenus ; qu'aux termes de l'article D. 404 du code de procédure pénale : Sous réserve des motifs liés au maintien de la sécurité ou au bon ordre de l'établissement, le chef d'établissement ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné ou à son tuteur. Toute autre personne peut être autorisée à rencontrer un condamné, s'il apparaît que ces visites contribuent à l'insertion sociale ou professionnelle de ce dernier ;
Considérant, en premier lieu, que la demande d'agrément afin d'exercer les fonctions d'aumônier bénévole des établissements pénitentiaires, présentée par M. A, devait être instruite au regard des dispositions des articles D. 433 et suivants du code de procédure pénale, dès lors que l'association Les Témoins de Jéhovah de France bénéficiait du statut d'association cultuelle régie par la loi du 9 décembre 1905 susvisée, et que, d'autre part, l'intéressé s'était vu reconnaître la qualité de ministre du culte ayant les compétences requises pour apporter une assistance spirituelle et religieuse aux détenus et célébrer les offices religieux, par attestation du 23 février 2006 de cette association ;
Considérant, en second lieu, que si la liberté de culte en milieu carcéral s'exerce sous réserve des prérogatives dont dispose l'autorité administrative aux fins de préserver l'ordre et la sécurité au sein des établissements pénitentiaires, aucune disposition législative ou règlementaire ne conditionne la désignation d'un aumônier à un nombre minimum de détenus susceptibles de recourir à son assistance spirituelle ; que, dès lors, en invoquant de façon générale, ainsi que cela ressort du recours ministériel, l'insuffisance du nombre de détenus se revendiquant de la confession des témoins de Jéhovah, pour refuser de délivrer à M. A un agrément en qualité d'aumônier, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille s'est fondé sur un motif qui n'était pas de nature à justifier légalement une telle décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision litigieuse ; qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES, à M. Sylvain A, et au défenseur des droits ;
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N°11DA00555