Vu, I, sous le numéro 09DA0 1081, la requête, enregistrée le 21 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE LENS, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est 99 route de la Bassée, Sac Postal 8 à Lens Cedex (62307), par la société SPPS Avocats ; le CENTRE HOSPITALIER DE LENS demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0700809 du 20 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à Mme A une somme de 125 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de sa non réintégration pendant la période du 23 décembre 1996 au 1er juillet 2006, et à titre subsidiaire, de réformer ledit jugement en limitant à 11 225 euros le montant de l'indemnité à verser à l'intéressée au titre du préjudice lié à la perte de rémunérations et à 15 000 euros le montant de l'indemnité à verser au titre du préjudice lié à la minoration de ses droits à pension ;
2°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu, II, sous le numéro 09DA01112, la requête, enregistrée par télécopie le 24 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 27 juillet 2009, présentée pour Mme Jacqueline B, demeurant ..., par Me Rapp, avocat ; Mme B demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0700809 du 20 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Lens à lui verser une somme de 125 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de sa non réintégration pendant la période du 23 décembre 1996 au 1er juillet 2006, en condamnant ledit centre hospitalier, à titre principal, à lui verser une somme de 239 201,43 euros en réparation du préjudice lié à la perte de rémunération et une somme de 201 600 euros en réparation du préjudice lié à la minoration de ses droits à pension, et, à titre subsidiaire, à lui verser une somme de 187 471 euros en réparation du préjudice lié à la perte de rémunération et une somme de 201 600 euros en réparation du préjudice lié à la minoration de ses droits à pension, avec capitalisation annuelle des intérêts ;
2°) de condamner le Centre hospitalier de Lens à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, modifiée, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers ;
Vu le décret n° 89-241 du 18 avril 1989 portant statuts particuliers des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Maryse Pestka, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Segard, avocat, pour le CENTRE HOSPITALIER DE LENS, et Me Mostaert, avocat, pour Mme B ;
Considérant que Mme Jacqueline B, auxiliaire de puériculture au CENTRE HOSPITALIER DE LENS, qui avait été placée en position de disponibilité pour élever son enfant à compter du 1er janvier 1980, puis en position de disponibilité pour convenances personnelles à compter du 9 septembre 1990, a, le 30 juin 1993, sollicité sa réintégration à compter du 9 septembre 1993 ; que, par un arrêté du 8 décembre 1993, elle a été maintenue en disponibilité au motif qu'il n'y avait pas de poste vacant au tableau des effectifs ; qu'elle a réitéré sa demande de réintégration en juillet 1994, en 1995, en juin 1997, en juin 1999 et en juin 2000, et s'est à chaque fois heurtée au refus de l'administration, qui lui indiquait toutefois qu'elle serait contactée si une opportunité de réintégration se présentait ; qu'à la suite d'une nouvelle demande présentée en mars 2006, elle a été réintégrée dans les effectifs du CENTRE HOSPITALIER DE LENS à compter du 1er juillet 2006 ; que, par un courrier du 17 novembre 2006, Mme B a demandé à l'établissement hospitalier le versement de la somme de 440 801,43 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la perte de rémunération et de la minoration de ses droits à pension liées à son maintien forcé en disponibilité pendant la période du 30 juin 1993 au 1er juillet 2006 ; que, suite au rejet de cette demande préalable, elle a formé un recours indemnitaire devant le Tribunal administratif de Lille qui a partiellement fait droit à sa demande et a, par un jugement du 20 mai 2009, condamné le CENTRE HOSPITALIER DE LENS à lui verser une somme de 125 000 euros en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de sa non réintégration pendant la période du 23 décembre 1996 au 1er juillet 2006 ;
Sur la jonction :
Considérant que la requête n° 09DA01081 du CENTRE HOSPITALIER DE LENS et la requête n° 09DA01112 de Mme B présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE LENS :
Considérant qu'aux termes de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988 susvisé relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitalier, dans sa version applicable au présent litige : Deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours, le fonctionnaire doit solliciter soit le renouvellement de sa disponibilité soit sa réintégration. (...) / (...) la réintégration est de droit à la première vacance lorsque la disponibilité n'a pas excédé trois ans. (...) / Le fonctionnaire qui ne peut être réintégré faute de poste vacant est maintenu en disponibilité jusqu'à sa réintégration et au plus tard jusqu'à ce que trois postes lui aient été proposés / (...) ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 18 avril 1989 susvisé portant statuts particuliers des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : Le corps des aides-soignants comprend les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture (...). Les aides-soignants exerçant des fonctions d'aide-soignant ou d'auxiliaire de puériculture collaborent à la distribution des soins infirmiers dans les conditions définies à l'article 2 du décret n° 93-345 du 15 mars 1993, modifié, relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier (...) ; qu'en vertu de l'article 3 du décret n° 93-345 du 15 mars 1993, applicable jusqu'au 16 février 2002, l'infirmier peut assurer les soins qui relèvent de sa compétence avec la collaboration d'aides-soignants ou d'auxiliaires de puériculture dans la limite de la compétence reconnue à ces derniers du fait de leur formation ;
S'agissant du principe de la responsabilité :
Considérant, d'une part, que Mme B, placée en position de disponibilité depuis le 1er janvier 1980, ne pouvait se prévaloir, en 1993, des dispositions du 2ème alinéa de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988 précité en vertu desquelles la réintégration est de droit à la première vacance lorsque la période de disponibilité n'a pas dépassé 3 ans ;
Considérant en revanche que, si les dispositions du 3ème alinéa de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988 précité n'imposent pas de délai pour procéder à la réintégration d'un fonctionnaire qui, à l'issue d'une période de disponibilité ayant excédé trois ans, ne peut être réintégré faute de poste vacant, l'autorité dont relève ce fonctionnaire doit néanmoins réintégrer celui-ci, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable ; que le tableau des effectifs du centre hospitalier fait apparaître qu'entre le 9 septembre 1993, date à laquelle expirait la disponibilité pour convenances personnelles de Mme B, et le 1er juillet 2006, date à laquelle il a enfin été procédé à sa réintégration, 20 auxiliaires de puériculture et 25 aides-soignants ont été affectés dans l'établissement ; que le tribunal administratif a pu considérer à bon droit que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée de la disponibilité de l'intéressée, le délai raisonnable pour procéder à sa réintégration devait être regardé comme expiré à la date à laquelle les neuvième et dixième vacances d'emploi au cours de la période considérée ont été comblées, soit à la date du 23 décembre 1996, date à laquelle il résulte par ailleurs de l'instruction que trois auxiliaires de puériculture avaient été affectés au sein de l'établissement ; que Mme B bénéficiait d'un droit à réintégration à compter de cette date, et qu'en refusant d'y procéder jusqu'au 1er juillet 2006, le CENTRE HOSPITALIER DE LENS a commis une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;
S'agissant des éléments de nature à l'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité :
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE LENS, dont la responsabilité était engagée à compter du 23 décembre 1996, ne peut utilement soutenir qu'il doit être exonéré de tout ou partie de ladite responsabilité aux motifs que Mme B ne s'est pas présentée à un entretien auquel elle avait été convoquée en 1998, qu'elle n'a pas continué à demander sa réintégration entre le mois de juin 2000 et le mois de mars 2006, et qu'elle a indiqué, par un courrier du 8 juillet 2001, qu'elle ne se sentait plus apte à exercer une activité en service de soins ; que, par suite, Mme B est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que, dans les circonstances de l'espèce, il y avait lieu d'exonérer le CENTRE HOSPITALIER DE LENS de 10 % de sa responsabilité ;
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices de Mme B :
S'agissant de l'exception de prescription quadriennale opposée par le CENTRE HOSPITALIER DE LENS :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ; que lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur la réparation d'une mesure illégalement prise à son encontre et qui a eu pour effet de le priver de fonctions, comme dans tous les cas où est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance, qui permet, en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, de déterminer le point de départ à partir duquel court le délai de la prescription de la créance, doit être rattaché, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel la décision a été régulièrement notifiée ;
Considérant que la date de notification des refus de réintégration opposés à Mme B à compter du 23 décembre 1996 n'est pas établie ; que, dès lors, l'exception de prescription quadriennale opposée par le CENTRE HOSPITALIER DE LENS aux demandes d'indemnisation de Mme B sur le fondement de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 précitée doit être écartée ;
S'agissant du préjudice lié à la perte de rémunération :
Considérant que Mme B a droit, en réparation du préjudice financier causé par l'absence de rémunération qu'elle a subie entre le 23 décembre 1996 et le 1er juillet 2006, à une indemnité correspondant à la différence entre, d'une part, le traitement qu'elle aurait perçu au CENTRE HOSPITALIER DE LENS, à l'exclusion des indemnités afférentes à l'exercice effectif de ses fonctions, et, d'autre part, les ressources dont elle a pu disposer au cours de la même période et qu'elle n'aurait pas perçues si elle avait été réintégrée ; que, contrairement à ce que soutient Mme B, c'est à bon droit que le tribunal administratif a comptabilisé, au nombre desdites ressources, celles qu'elle a perçues au titre de l'allocation adulte handicapé, qu'elle n'aurait pu percevoir, compte tenu du plafond de ressources auquel elle est soumise, si elle avait été réintégrée au sein de l'établissement hospitalier ; qu'en revanche, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER DE LENS, c'est à bon droit que le Tribunal n'a pas déduit des droits à réparation de Mme B les sommes qu'elle aurait pu percevoir selon lui du régime d'assurance chômage ; qu'en effet, d'une part, il est constant que Mme B n'a pas perçu d'allocations de chômage sur la période en cause et, d'autre part, le centre hospitalier ne saurait s'exonérer de l'obligation qui lui incombe de réparer le préjudice qui trouve son origine dans son comportement fautif en prétendant que partie de cette charge aurait dû être supportée par le régime d'assurance chômage ; qu'il résulte de l'instruction que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mme B en l'évaluant à 71 000 euros ;
S'agissant du préjudice lié à la minoration des droits à pension :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B a été radiée des cadres du personnel du CENTRE HOSPITALIER DE LENS à compter du 1er août 2009 pour faire valoir ses droits à la retraite du régime de la sécurité sociale ; qu'en l'absence de réintégration à compter du 23 décembre 1996, elle n'a pu bénéficier de la prise en compte des années de service pour la période comprise entre cette date et la date de sa réintégration effective au 1er juillet 2006 dans la constitution de ses droits à pension ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le CENTRE HOSPITALIER DE LENS ait procédé à une reconstitution juridique de sa carrière pour la période considérée, laquelle aurait permis à l'intéressée d'être rétablie dans ses droits à pension ; que, dès lors, Mme B a droit à la réparation du préjudice résultant de l'absence de prise en compte pour ses droits à pension des années de service qu'elle aurait dû effectuer entre le 23 décembre 1996 et le 1er juillet 2006 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une exacte appréciation de ce second chef de préjudice en l'évaluant à 60 000 euros ;
Sur le total des indemnités dues par le CENTRE HOSPITALIER DE LENS :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme que le CENTRE HOSPITALIER DE LENS a été condamné à verser à Mme B par le jugement attaqué doit être portée à 131 000 euros ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que Mme B a droit à ce que la somme qui lui est accordée porte intérêts à compter du 17 novembre 2006, date de réception de sa demande préalable d'indemnité adressée au CENTRE HOSPITALIER DE LENS ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande de première instance enregistrée le 2 février 2007 ; que cette demande prend effet à compter du 17 novembre 2007, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au CENTRE HOSPITALIER DE LENS une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE LENS le versement à Mme B de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le CENTRE HOSPITALIER DE LENS est condamné à verser à Mme B est portée à 131 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2006. Les intérêts échus le 17 novembre 2007 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement n° 0700809 du Tribunal administratif de Lille du 20 mai 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER DE LENS versera une somme de 1 500 euros à Mme B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 09DA01112 de Mme B, l'appel incident du CENTRE HOSPITALIER DE LENS et les conclusions présentées par le CENTRE HOSPITALIER DE LENS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La requête n° 09DA01081 du CENTRE HOSPITALIER DE LENS et le surplus de l'appel incident de Mme B sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE LENS et à Mme Jacqueline B.
''
''
''
''
7
Nos09DA01081,09DA01112