Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 février 2010 et régularisée par la production de l'original le 9 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE (CREA) venant aux droits de la communauté d'agglomération rouennaise (CAR), dont le siège social est situé Immeuble Norwich House, 14bis avenue Pasteur à Rouen cedex 1 (76006), représentée par son président, par la SCP Bonutto Bécavin et Robert ; la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600630 du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à M. et Mme Pierre A, d'une part, la somme de 11 927 euros en réparation du préjudice matériel que leur a causé le débordement de la conduite recueillant les eaux pluviales de la rue de l'Eglise à Bois-Guillaume et, d'autre part, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) de rejeter, à titre principal les demandes dirigées à son encontre en première instance par M. et Mme A, à titre subsidiaire, à ce que la responsabilité de la commune de Bois-Guillaume soit retenue et à ce que les condamnations soient mises à sa charge ou, à défaut, à ce qu'un partage de responsabilités soit prononcé ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A ou, à défaut, de la commune de Bois-Guillaume une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, à titre principal, que le phénomène de précipitations orageuses qui s'est produit le 22 juillet 2004 sur la commune de Bois-Guillaume, qualifié d'exceptionnel par les météorologues, qui était imprévisible et irrésistible, présente le caractère d'un cas de force majeure, de nature à l'exonérer de toute responsabilité s'agissant des dommages causés à la propriété des époux A ; que ce phénomène s'est produit dans les communes adjacentes à Bois-Guillaume qui ont bénéficié de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; que la pluviométrie relevée par le poste météorologique de Rouen-Jatte, situé à 1330 mètres du domicile des époux A, a mesuré une hauteur de précipitations de 30 mm en une heure, qui a dépassé 40 mm en moins de deux heures ; que cette mesure sur le temps donné correspond, selon le tableau d'analyse de la pluviométrie relevée à la station météorologique de Boos entre 1957 et 1997, à une durée de retour comprise entre 20 et 50 ans, sachant qu'au cours des vingt dernières années, aucune pluviométrie de 30 mm en une heure n'a été relevée ; que, selon ce même tableau, il faut remonter à 50 ans pour trouver une pluviométrie de 41,3 mm et à 100 ans pour une pluviométrie de 45,06 mm ; que les époux A n'ont pas connu un tel phénomène par le passé, pour leur propriété ou celles avoisinantes ; que la configuration du quartier a beaucoup changé depuis les années 50 ; que le réseau incriminé a pu supporter une pluviométrie allant jusqu'à 28,8 mm en une heure ou 35,5 mm en deux heures, au cours des vingt dernières années ; que l'analyse du tableau par les époux A est erronée lorsqu'ils prétendent que le retour de pluies observé est plus près de 20 que de 50 ans dans la mesure où il n'est pas possible de déterminer une moyenne entre les deux relevés ; qu'il résulte de l'image radar du service public de météorologie qu'il est tombé 20 mm d'eau en 15 minutes, ce qui correspond également à une durée de retour comprise entre 20 et 50 ans ; que le dimensionnement des ouvrages de canalisation des eaux était conforme à l'instruction technique interministérielle de 1977 ; que la forte déclivité du terrain, situé à flan de coteau, des époux A a favorisé l'écoulement des eaux ; que l'inspection télévisuelle de la canalisation incriminée n'a pas révélé de déficit d'absorption ; que, subsidiairement, dans le cas où sa responsabilité serait reconnue, elle doit être minorée à tout le moins dans une proportion de 50 % compte tenu du caractère exceptionnel des pluies ; que, toujours subsidiairement, sa responsabilité doit être partagée avec la commune de Bois-Guillaume, qui demeure responsable des dommages imputables à sa voirie ; que les avaloirs, ouvrages de voirie permettant l'évacuation des eaux pluviales, ont aggravé le phénomène ; que, dans le cas où sa responsabilité serait reconnue, il y a lieu de limiter le préjudice des époux A à la somme de 11 297 euros, telle que fixée par le tribunal administratif ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 27 mai 2010 et régularisé par la production de l'original le 1er juin 2010, présenté pour M. et Mme Pierre A, demeurant ..., par Me Sedillot ; ils concluent au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils font valoir qu'une pluie exceptionnelle n'est pas un évènement constitutif d'un cas de force majeure ; qu'en tout état de cause, le juge vérifie si les conséquences dommageables du phénomène n'ont pas été aggravées par l'ouvrage public de collecte et d'évacuation des eaux pluviales ; que l'expert de l'assureur de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE a lui-même constaté que le réseau était seulement conçu pour répondre à des risques de fréquence décennale ; que le juge exige de la personne publique qu'elle indemnise la victime en cas d'inondation due à l'incapacité du réseau d'absorber les pluies, fussent-elles la conséquence d'un orage d'une exceptionnelle violence ; que le réseau d'assainissement incriminé de la rue de l'Eglise mélange les eaux usées et les eaux de pluies, ce qui est contraire aux prescriptions environnementales ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2010, présenté pour la commune de Bois-Guillaume, représentée par son maire en exercice, par Me Vermont ; elle conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement du tribunal administratif, à titre subsidiaire, au rejet des demandes des époux A formulées à son encontre comme étant irrecevables à son endroit ou, à défaut, mal fondées, à être garantie solidairement par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE et son assureur en cas de condamnation et, enfin, à ce qu'il soit mis à la charge de la partie tenue aux dépens la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir qu'aucun partage de responsabilité avec la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE ne peut être retenu à son encontre ainsi que l'a considéré le tribunal ; que la compétence en matière d'assainissement a été transférée à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE ; que les avaloirs, ni même la voirie de la rue de l'Eglise, ne peuvent être à l'origine de l'aggravation du phénomène de ruissellement dans la mesure où le débordement des eaux pluviales résulte exclusivement de la mise en surcharge du réseau d'assainissement ; que ces allégations mettant en cause la configuration de la voirie ne sont corroborées par aucun élément ; que le rapport d'expertise réalisé suite aux constatations effectuées le 31 août 2004, ne lui est pas opposable, faute d'avoir été convoquée et d'avoir pu faire ses observations ; que lesdites constatations ne permettent pas de démontrer le lien de causalité entre les dommages et l'ouvrage public incriminé ; que ni le niveau de pluviométrie de l'orage du 22 juillet 2004, ni l'importance et la durée du débordement n'ont été mesurés ; qu'un ruissellement naturel des eaux ne peut être exclu pour expliquer les dommages, eu égard à la configuration en pente du terrain ; qu'aucun constat n'a été réalisé le jour de survenance des dommages ; qu'en tout état de cause, l'orage survenu, de fréquence cinquantenaire selon le rapport d'expertise, est constitutif d'un cas de force majeure de nature à exonérer la responsabilité de la personne publique ; que les époux A ne démontrent pas qu'ils auraient subi un préjudice anormal et spécial ; qu'il n'est pas anormal de subir un ruissellement des eaux sur un terrain en forte pente ; que la somme retenue par le tribunal administratif au titre du préjudice est en grande partie imputable à la construction d'un muret qui ne préexistait pas ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Robert, pour la CREA ;
Considérant que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE relève appel du jugement du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser aux époux A la somme de 11 927 euros, sur le fondement de la responsabilité sans faute des personnes publiques pour les dommages causés aux tiers par un ouvrage public, suite au débordement d'une conduite d'eau pluviale causé par d'importantes précipitations survenues le 22 juillet 2004 ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages causés à la propriété de
M. et Mme A, située à Bois-Guillaume, sont imputables au débordement des eaux de pluie de la conduite d'évacuation de la rue de l'Eglise, lesquelles ont ruisselé sur les terrains avoisinants entraînant l'inondation d'une partie de leur maison d'habitation située en contrebas ; que la construction et l'exploitation des réseaux et ouvrages publics d'eaux pluviales ont été transférées par ladite commune à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE ; qu'ainsi, ces dommages, qui sont imputables à l'existence et au fonctionnement de l'ouvrage public intercommunal constitué par le réseau d'évacuation des eaux pluviales, à l'égard duquel les époux A avaient la qualité de tiers, sont de nature à engager la responsabilité de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE ;
Considérant qu'eu égard au dimensionnement de l'ouvrage, conçu pour répondre à des risques de fréquence décennale, le débordement de la conduite, provoqué en l'espèce par de fortes pluies auxquelles les météorologues locaux ont attribué une périodicité comprise entre 20 et 50 ans, n'était nullement imprévisible ; qu'ainsi, quelle qu'ait été la violence des précipitations qui se sont abattues le 22 juillet 2004 sur le territoire de la commune de Bois-Guillaume, les dommages subis par M. et Mme A ne peuvent être regardés comme ayant été causés par une circonstance de force majeure ; que, par ailleurs, il n'est nullement démontré que les avaloirs, ouvrages de voirie permettant l'entrée des eaux pluviales dans la conduite d'évacuation, dont l'entretien incombe à la commune de Bois-Guillaume, auraient aggravé le phénomène ; que, dans ces conditions, le lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits dommages étant établi et aucune faute des victimes dans l'implantation de leur habitation, fut-elle sur un terrain en pente, ne pouvant être retenue, la responsabilité des dommages dont s'agit incombe à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE ; que, par suite, celle ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à réparer une partie des dommages subis par M. et Mme A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE n'est ni fondée à invoquer l'atténuation de sa responsabilité par le caractère exceptionnel des précipitations ni fondée à invoquer une quelconque responsabilité de la commune de Bois-Guillaume du fait des avaloirs ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de
M. et Mme A ou de la commune de Bois-Guillaume, qui ne sont pas dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu de faire droit aux demandes de ladite commune et des époux A, présentées sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en condamnant la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE à leur verser, à chacun, la somme de 1 500 euros qu'ils demandent au titre de ces mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE est rejetée.
Article 2 : La COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE versera à la commune de Bois-Guillaume la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE (CREA) venant aux droits de la communauté d'agglomération rouennaise (CAR), à la commune de Bois-Guillaume et à M. et Mme Pierre A.
Copie sera adressée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
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N°10DA00168