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28/10/2010 | FRANCE | N°10DA00555

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 28 octobre 2010, 10DA00555


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 10 mai 2010 par télécopie et régularisée le 31 mai 2010 par la production de l'original, présentée pour M. Rachid A, demeurant ..., par Me Abbas ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000060 du 6 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 1er décembre 2009 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire frança

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 10 mai 2010 par télécopie et régularisée le 31 mai 2010 par la production de l'original, présentée pour M. Rachid A, demeurant ..., par Me Abbas ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000060 du 6 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 1er décembre 2009 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a assigné un pays de destination et, d'autre part, de la décision du 10 décembre 2009 portant rétention de son passeport ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'ordonner la restitution du passeport ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

5°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que la mesure de rétention de son passeport est illégale dès lors que l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permet la rétention des documents de voyage que par les services de police ou de gendarmerie ; que la rétention d'un passeport par les services de la préfecture n'est pas prévue par la loi ; qu'en dehors de toute mise en oeuvre d'une procédure coercitive d'exécution de l'obligation de quitter le territoire, la rétention ne se justifie pas ; qu'il justifie d'une présence continue sur le territoire français depuis plus de 20 ans ; que son passeport mentionne une entrée en France en 1988 et un mariage en 1988 ; qu'eu égard à cette situation, la décision de refus de séjour viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale puisqu'il a sa résidence habituelle en France depuis au moins vingt ans et qu'ainsi, elle excède les buts en vue desquels elle a été édictée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2010, présenté par le préfet de l'Oise et concluant au rejet de la requête ; il soutient que la mesure de rétention de passeport prise à l'encontre de l'intéressé a été prise conformément à l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que celle-ci n'a aucune influence sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour ; que la procédure de notification de ladite décision n'est encadrée par aucun texte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par conséquent, il dispose de la faculté de convoquer les intéressés et de leur notifier directement ses décisions ; que l'intéressé n'invoque pas de moyen de légalité interne contre la décision de refus en première instance ; que la mesure d'obligation de quitter le territoire français est non contestée en première instance ; que, par conséquent, M. A n'est donc pas fondé à en demander l'annulation pour la première fois en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et portant création de l'Office national d'immigration ;

Vu la décision du Conseil Constitutionnel n° 97-389 DC du 22 avril 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A demande à la Cour d'annuler le jugement susvisé du 6 avril 2010 du Tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de l'Oise du 1er décembre 2009 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, de la décision du 10 décembre 2009 portant rétention de son passeport ;

Sur la décision du 10 décembre 2009 portant rétention du passeport :

Considérant qu'aux termes de l'article 8-1 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi susvisée du 24 avril 1997, et codifié à l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur : Les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu ; qu'il résulte tant des termes mêmes des dispositions législatives précitées que des travaux préparatoires qui ont précédé l'adoption de la loi du 24 avril 1997, que le législateur a entendu confier aux seuls agents des services de police et unités de gendarmerie le pouvoir de retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière dès lors que ce pouvoir est exercé en vue de garantir que l'étranger en situation irrégulière sera en possession du document permettant d'assurer son départ effectif du territoire national et qu'il leur appartient de délivrer personnellement un récépissé ;

Considérant qu'il ressort, en l'espèce, des pièces du dossier que la rétention contestée du passeport de M. A a été opéré par les agents des services administratifs de la préfecture de l'Oise ; que ces agents étaient donc incompétents pour procéder à cette rétention ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que la décision du 10 décembre 2009 portant rétention de son passeport est entachée d'incompétence ;

Sur l'arrêté du 1er décembre 2009 portant refus de séjour :

Considérant que les conditions de notification d'un arrêté de refus de titre de séjour sont sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté susmentionné aurait été notifié à M. A, par un procédé déloyal, en raison de sa convocation en préfecture le 10 décembre 2009, est inopérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que, si M. A soutient résider en France depuis plus de 20 ans, dès lors que son passeport mentionne, pour l'année 1988, une entrée sur le sol national et un mariage, cette allégation n'est pas corroborée par les pièces versées au dossier ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que M. A serait dépourvu de toute attache familiale en Algérie, son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour contesté méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander l'annulation de la décision du 10 décembre 2009 portant rétention de son passeport ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'eu égard aux motifs de l'annulation prononcée, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Oise de procéder, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, à la restitution du passeport de M. A ;

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application desdites dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1000060 en date du 6 avril 2010 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A dirigées contre la décision du 10 décembre 2009 portant rétention du passeport de l'intéressé.

Article 2 : La décision du 10 décembre 2009 portant rétention du passeport de M. A est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Oise de restituer le passeport de M. A, dans un délai d'un mois à compter de la date de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rachid A, au préfet de l'Oise et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10DA00555
Date de la décision : 28/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Dominique Naves
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : ABBAS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-10-28;10da00555 ?
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