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14/10/2010 | FRANCE | N°09DA00601

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 14 octobre 2010, 09DA00601


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, le 10 avril 2009 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 17 avril 2009, présentée pour la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS, dont le siège est 13 rue Mondésir à Nantes (44000), par le cabinet Benesty, Taithe, Panassac Associés ; la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603357 du 12 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure et du pré

fet de la Seine-Maritime du 10 juillet 2006 déclarant d'utilité publique le...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, le 10 avril 2009 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 17 avril 2009, présentée pour la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS, dont le siège est 13 rue Mondésir à Nantes (44000), par le cabinet Benesty, Taithe, Panassac Associés ; la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603357 du 12 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure et du préfet de la Seine-Maritime du 10 juillet 2006 déclarant d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux souterraines sur le territoire de la commune de Bouchevilliers et délimitant les périmètres de protection immédiate, rapprochée et éloignée ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement du Tribunal administratif de Rouen est insuffisamment motivé ; que le Tribunal, en se bornant à constater que l'avis du commissaire enquêteur, rendu au terme des opérations d'enquête publique, était favorable sans se pencher sur sa motivation, n'a, de ce fait, pas suffisamment motivé sa décision ; qu'en constatant que le moyen tiré du détournement de pouvoir n'était pas établi, les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur jugement ; que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis émis par le commissaire enquêteur au terme de l'enquête parcellaire ; que le commissaire enquêteur, selon les dispositions de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, doit rédiger des conclusions motivées ; que l'avis en question repose sur une considération imprécise qui ne peut justifier à elle seule la nécessité de la déclaration d'utilité publique projetée ; que cette motivation ne met pas la requérante en mesure de connaitre les motifs de fait et de droit ayant abouti à la formulation de cet avis ; que par voie de conséquence, l'arrêté portant déclaration d'utilité publique qui fait référence à l'avis du commissaire enquêteur est également insuffisamment motivé ; que l'avis du commissaire enquêteur suite à l'enquête parcellaire est insuffisamment motivé ; que cet avis, reposant sur l'affirmation inexacte que le commissaire enquêteur doit se baser sur les documents élaborés à partir du cadastre, alors qu'il avait connaissance du litige portant sur la propriété des terrains en cause, se trouve entaché d'un défaut de motivation ; qu'un arrêté portant déclaration d'utilité publique n'a pas pour seule fonction de prescrire l'utilité publique d'une opération, mais également de tirer les conséquences de cette déclaration et d'en organiser les effets ; que l'arrêté attaqué ne mentionne pas une éventuelle expropriation mais fait référence à une opération qui ne peut aboutir sans avoir recours à cette procédure ; que l'arrêté portant déclaration d'utilité publique doit prescrire le délai pendant lequel l'expropriation devra être réalisée conformément à l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que l'arrêté attaqué est constitutif d'un détournement de pouvoir ; qu'il a été pris en vue de favoriser les intérêts du syndicat d'adduction d'eau potable et d'assainissement (SAEPA) ; qu'il a vocation à faciliter l'activité du SAEPA, en litige actuellement avec la requérante devant le Tribunal de grande instance d'Evreux, dont l'activité se trouverait contrariée par l'issue qui pourrait être donnée à la procédure judiciaire ; que le préfet de l'Eure avait connaissance de cette situation et savait que la propriété des parcelles était contestée ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 août 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que le commissaire enquêteur, dans son rapport, a récapitulé les observations du public présentées lors de l'enquête, les a analysées et a émis un avis favorable suffisamment motivé au regard des observations recueillies ; que l'avis concernant l'enquête parcellaire, qui confirme la nécessité d'inclure l'ensemble des parcelles concernées par l'enquête publique, est conforme ; que la requérante ne peut se prévaloir du fait que l'arrêté litigieux n'aurait pas organisé le transfert des biens concernés dès lors qu'il ne s'agit pas de l'objet d'un arrêté portant déclaration d'utilité publique, qui doit se borner à établir le caractère d'utilité publique d'une opération ; que seul le juge de l'expropriation peut tirer les conséquences d'une déclaration d'utilité publique en prononçant le transfert de propriété ; que l'intérêt général de l'opération ressort des pièces du dossier ; que le SAEPA dessert en partie ou en totalité douze communes de Seine-Maritime et deux communes de l'Eure ; que cette opération se justifie au regard d'obligations légales, issues des articles L. 210-1 et L. 215-13 du code de l'environnement et de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Panassac, pour la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS ;

Considérant que la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS relève appel du jugement du Tribunal administratif de Rouen du 12 février 2009 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure et du préfet de la Seine-Maritime du 10 juillet 2006 déclarant d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux souterraines sur le territoire de la commune de Bouchevilliers et délimitant les périmètres de protection immédiate, rapprochée et éloignée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS énonçait dans ses écritures devant le Tribunal, à l'appui d'un moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir, plusieurs faits tirés des conflits judiciaires entre le syndicat d'adduction des eaux potables et assainissement (SAEPA), bénéficiaire de la procédure d'expropriation, et la requérante à propos de la captation des sources, et soulignait l'avantage que la procédure d'expropriation conférait au SAEPA, notamment dans la procédure pendante devant le juge judiciaire ; qu'eu égard au caractère précis et circonstancié de ces énonciations, le Tribunal ne pouvait écarter le moyen ainsi soulevé, sans avoir rappelé la teneur de l'argumentation de la requérante, en se bornant à relever que si la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS fait valoir que le préfet de la Seine-Maritime et le préfet de l'Eure ont commis un détournement de pouvoir en adoptant l'acte attaqué, elle ne l'établit pas ; que le Tribunal administratif de Rouen a ainsi entaché ce jugement d'une insuffisance de motivation ; que celui-ci doit, pour ce motif, être annulé ; qu'il y a lieu pour la Cour de statuer immédiatement par voie d'évocation sur la demande de première instance ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant que l'arrêté du préfet de l'Eure et du préfet de la Seine-Maritime du 10 juillet 2006 a pour objet d'une part de déclarer d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux souterraines sur le territoire de la commune de Bouchevilliers, d'autre part, d'instituer les périmètres de protection immédiate, rapprochée et éloignée, faisant l'objet de servitudes qu'il a définies ; qu'ainsi cet arrêté porte à la fois déclaration d'utilité publique, arrêté de cessibilité et institution de servitudes ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet le dossier avec ses conclusions soit au préfet si l'enquête est ouverte à la préfecture, soit au sous-préfet dans les autres cas. Le dossier est transmis, le cas échéant, par le sous-préfet au préfet avec son avis. Ces opérations, dont il est dressé procès-verbal, doivent être terminées dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai d'enquête fixé dans l'arrêté du préfet visé à l'article R. 11-4 ; que la règle de motivation, prévue à l'article R. 11-10 précité du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, oblige le commissaire enquêteur à apprécier les avantages et les inconvénients de l'opération et à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ;

Considérant que, si le commissaire enquêteur a pris en compte les observations des personnes ayant émis des remarques lors de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et y a répondu, il a émis un avis favorable au projet uniquement appuyé par le fait que la santé publique est prioritaire et qu'il est indispensable que les servitudes prévues deviennent effectives dans les plus brefs délais ; qu'ainsi, en ne se prononçant pas sur les avantages et les inconvénients du projet, il n'a pas suffisamment motivé son avis au regard des exigences de l'article R. 11-10 précité du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Considérant que, le commissaire enquêteur ayant insuffisamment motivé son avis, l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime et du préfet de l'Eure du 10 juillet 2006 déclarant d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux souterraines sur le territoire de la commune de Bouchevilliers, pris au vue de cet avis, doit être annulé ; que l'illégalité dont est entachée cette décision entache, par voie de conséquence, la légalité de la décision instaurant les périmètres de protection immédiate, rapprochée et éloignée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 12 février 2009 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Eure et du préfet de la Seine-Maritime du 10 juillet 2006 déclarant d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux souterraines sur le territoire de la commune de Bouchevilliers et délimitant les périmètres de protection immédiate, rapprochée et éloignée est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CIVILE DES PETITS BOIS et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure et au préfet de la Seine-Maritime.

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N°09DA00601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA00601
Date de la décision : 14/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Dominique Naves
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : CABINET BENESTY TAITHE PANASSAC ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-10-14;09da00601 ?
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