Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 juin 2009 et régularisée par la production de l'original le 24 juin 2009, présentée pour la société INFINIVENT, dont le siège est 67 boulevard Haussmann à Paris (75008), par la SELARL Horus Avocats ; la société INFINIVENT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0705846-0705848-0705851-0705861-0705862-0705863 du 16 avril 2009 en tant que le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions en date du 2 juillet 2007 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer deux permis de construire pour l'édification des aérogénérateurs E5, E6, E7 et E8 et du poste de livraison de son projet de parc éolien situé sur le territoire de la commune de Ligny-sur-Canche ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre sous astreinte au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer ses demandes de permis de construire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société INFINIVENT soutient que le jugement est irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir répondu à l'ensemble des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'instruction des demandes de permis de construire ; que la durée de la procédure d'instruction menée par l'Etat révèle un manque d'objectivité de sa part ; que le préfet s'est senti lié par les avis défavorables émis par le service départemental de l'architecture et du patrimoine, la commission des sites et la direction régionale de l'environnement ; que c'est à tort que le service départemental de l'architecture et du patrimoine s'est cru fondé à émettre un avis avec opposition au projet alors qu'aucun édifice protégé ne se situait dans le périmètre considéré ; que le préfet ne pouvait reprocher au pétitionnaire de ne pas avoir apprécié les effets de son projet avec d'autres parcs éoliens dans le secteur étant donné, qu'au moment du dépôt des demandes de permis de construire, aucun autre parc n'était prévu ; que le préfet ne démontre pas en quoi le projet d'implantation d'éoliennes sur le territoire de la commune de Ligny-sur-Canches méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, notamment sur le caractère remarquable du paysage et sur l'impact réel du projet sur ce paysage ; que le préfet du Pas-de-Calais ne peut opposer au pétitionnaire un schéma territorial éolien du pays du ternois, ce dernier n'ayant aucune existence légale ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 14 janvier 2010 fixant la clôture d'instruction au 19 février 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 26 janvier 2010 et régularisé par la production de l'original le 1er février 2010, présenté par le ministre de l'écologie, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que les premiers juges ont bien répondu au moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'instruction des permis de construire litigieux ; que la circonstance que certaines autorités administratives ont été consultées à plusieurs reprises ne révèle pas que le préfet ait été de parti pris ni que ces autorités aient pu se méprendre sur la nature du projet en cause ; que le préfet ne s'est pas senti lié par les avis défavorables rendus ; que les premiers juges ont clairement différencié les caractéristiques des deux sites objets de demandes de permis de construire par le pétitionnaire et ont admis une atteinte au paysage dans le cas du site situé sur le territoire de la commune de Frévent et non sur celui situé sur le territoire de la commune de Ligny-sur-Canche ; que les éléments produits par la société requérante ne permettent pas de conclure que le tribunal administratif aurait commis une erreur d'appréciation sur l'intérêt paysager des deux sites ; que les habitants de la commune de Ligny-sur-Canche seront soumis en permanence à la vue du parc éolien en cause ; que si l'église Saint Modeste n'est pas protégée au titre des monuments historiques, il convient de prendre en compte la co-visibilité des éoliennes avec ce bâtiment ; que le schéma territorial éolien du ternois, s'il n'a pas de portée juridique, constitue un élément d'information à prendre en compte ; que les premiers juges n'ont pas retenu le motif de l'absence de plan d'ensemble permettant d'organiser les effets des différents projets éoliens du secteur pour justifier la légalité des arrêtés litigieux ;
Vu l'ordonnance de réouverture d'instruction du 1er février 2010 ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 25 juin 2010 et régularisé par la production de l'original le 28 juin 2010, présenté pour la société INFINIVENT qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que sa requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Le Boulch, pour la société INFINIVENT ;
Considérant que par 6 arrêtés en date du 2 juillet 2007 le préfet du Pas-de-Calais a refusé de délivrer des permis de construire à la société INFINIVENT en vue de l'édification de 2 parcs éoliens sur les territoires des communes de Ligny-sur-Canche et de Frévent ; que par jugement en date du 16 avril 2009 le Tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de la société INFINIVENT, les arrêtés relatifs au parc éolien dont l'implantation était prévue à Frévent et a rejeté les demandes d'annulation des arrêtés relatifs au parc éolien de Ligny-sur-Canche ; que la société INFINIVENT relève appel du jugement en date du 16 avril 2009 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions en date du 2 juillet 2007 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer deux permis de construire pour l'édification de 4 aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Ligny-sur-Canche ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la société requérante, a visé et expressément écarté l'ensemble des moyens dont il était saisi et n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation ;
Sur la légalité des arrêtés en date du 2 juillet 2007 refusant les permis de construire sur le territoire de la commune de Ligny-sur-Canche :
Considérant que le préfet ne pouvait refuser les permis de construire en litige pour le motif de l'absence de plan d'ensemble permettant d'organiser les effets cumulés du site de Ligny-sur-Canche avec de nombreux autres projets de parcs éoliens impactant le secteur, dès lors qu'il est constant que lors du dépôt des demandes de permis de construire aucun autre projet d'édification de parcs éoliens n'était en cours ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de la société INFINIVENT consiste en l'implantation sur le territoire de la commune de Ligny-sur-Canche d'un poste de livraison et de quatre éoliennes d'une hauteur, pales comprises, de 125 mètres, à proximité immédiate du site de la vallée de la Canche, laquelle constitue un paysage rural remarquable et dans un environnement de très grande qualité ainsi qu'en témoignent les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique protégeant ce fond de vallée ainsi que la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager dans laquelle se trouve le village de Frévent ; qu'incontestablement la présence d'éoliennes sur un plateau en surplomb de cette vallée modifiera l'aspect de ce paysage ; que, toutefois, d'une part, le paysage du plateau sur lequel seront édifiés les aérogénérateurs ne présente pas en lui-même un caractère remarquable, d'autre part, il résulte de l'étude d'impact jointe aux dossiers de la demande de permis de construire que les distances et la topographie des lieux combinées avec des perspectives largement ouvertes et partiellement urbanisées atténuent fortement la perception des éoliennes dans ce paysage ; que dans ces conditions, et eu égard à la disposition ainsi qu'au nombre de ces éoliennes, l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet du Pas-de-Calais pour refuser le permis contesté est entachée d'une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article R. 111-21 susvisé ;
Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier, aucun autre moyen ne paraît susceptible de fonder l'annulation prononcée par le présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société INFINIVENT est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions en date du 2 juillet 2007 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer deux permis de construire pour l'édification d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Ligny-sur-Canche ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que l'exécution de la présente décision implique que les demandes de permis de construire présentées par la société INFINIVENT pour le site de Ligny-sur-Canche soient réexaminées ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder au réexamen des demandes de la société INFINIVENT dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat au profit de la société INFINIVENT la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 16 avril 2009 est annulé en tant qu'il rejette les demandes n° 0705846 et 0705848 de la société INFINIVENT.
Article 2 : Les arrêtés n° PC625130200006 et PC625130200007 en date du 2 juillet 2007 du préfet du Pas-de-Calais sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer les demandes de permis de construire de la société INFINIVENT relatives au site de Ligny-sur-Canche dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société INFINIVENT une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société INFINIVENT et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°09DA00911