Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA SODICAMB, dont le siège est situé rue François Truffaut à Chambly (60230), par Me Lelièvre, avocat ; la SA SODICAMB demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500601 du 4 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2001 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de prononcer la restitution demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions demandant qu'il soit constaté que l'administration fiscale n'avait pas la faculté de refuser la demande de restitution demandée, alors que précédemment elle avait admis le bien-fondé de cette même demande en accordant le dégrèvement de la taxe litigieuse ; que le dégrèvement initialement prononcé peut être opposé à l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, alors même qu'il n'est pas motivé ; que l'administration a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que celui selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'elle a également méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la taxe sur les achats de viande en vigueur à compter du 1er janvier 2001 devait être analysée en une modification d'une aide d'Etat existante, qui aurait dû être notifiée en application du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ; que l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 du 30 décembre 2000 fait donc partie intégrante d'une aide d'Etat irrégulièrement instituée ; que l'affectation du produit de la taxe au budget général de l'Etat n'a pas fait disparaître le lien d'affectation contraignant entre le produit de la taxe et l'aide allouée au service public de l'équarrissage ; qu'il ressort des travaux parlementaires de cette loi que la budgétisation du produit de la taxe visait davantage à faire disparaître ce lien de manière formelle que réelle ; que le ministre du budget a déclaré le 17 octobre 2003 qu'il faut changer le système parce que la taxe sur les achats de viande est contraire au droit communautaire ; que le jugement ne justifie aucunement sa propre interprétation de l'intention du législateur ; que, dans sa décision du 14 décembre 2004, la Commission a constaté que les mesures prises en faveur des entreprises d'équarrissage, des éleveurs ou abattoirs, leur financement et leur modification ne lui ont pas été notifiées préalablement à leur exécution ; que la Commission ne peut apprécier l'éventuelle déconnexion entre l'aide et son mode de financement que si la modification de ce dernier est portée à sa connaissance ; que, dans de nombreux cas, l'administration a procédé à l'envoi d'avis de dégrèvement et souvent même au remboursement de la taxe versée au titre de la période 2001-2003, avant de revenir sur ces dégrèvements ou remboursements ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que l'administration est en droit de rapporter une décision de dégrèvement erronée, qui n'est pas créatrice de droits et ce, dans le délai de reprise ouvert par la loi ; que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime n'ont pas été méconnus, non plus que l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, depuis le 1er janvier 2001, la taxe sur les achats de viande, ni ne constitue une aide d'Etat, ni ne fait partie intégrante d'un dispositif d'aide d'Etat et ce, en l'absence de lien d'affectation contraignant entre le produit de la taxe sur les achats de viande et le financement du service public de l'équarrissage ; que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 87 et 88 du traité doit être écarté ; que les éléments contenus dans les déclarations, les réponses ministérielles et les rapports parlementaires sont dénués de toute portée normative et sans influence ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2009, présenté pour la SA SODICAMB, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que, s'agissant du retrait du dégrèvement initialement prononcé, la position de l'administration est extrêmement critiquable ; que ce dégrèvement a été implicitement mais nécessairement motivé ; que la décision de la Commission du 14 décembre 2004 est, s'agissant de la période postérieure au 31 décembre 2000, prudente ; que la solution retenue dans les arrêts rendus en 2005 par la Cour de justice des Communautés européennes et dont se prévaut le ministre ne peut être transposée à la présente affaire dès lors qu'elle portait sur des situations différentes ; qu'il en va de même de l'arrêt rendu par la Cour de justice le 27 octobre 2005 dans l'affaire Distribution Casino France ; que la décision de la Commission du 5 juillet 2005 n'a pas d'effets rétroactifs et ne peut éventuellement régulariser l'aide accordée pour l'avenir ; que la commission a retenu des illicéités pour la période 2001-2003 et notamment la non compatibilité avec le marché commun de l'aide apportée à certains commerçants exonérés de la taxe sur les achats de viande ; que, s'agissant du lien d'affectation contraignant, il n'y a pas à distinguer selon que le flux financier transite par un fonds ou par le budget de l'Etat ; que la condamnation de l'ensemble du système s'inscrit dans la jurisprudence traditionnelle de la Cour et que la loi de finances rectificative pour 2000 n'a porté que sur le droit budgétaire et non sur les flux réels ; que les textes doivent être interprétés à la lumière des débats parlementaires ; que le droit communautaire impose au juge national d'adopter une attitude active ; qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de produire le bilan détaillé du coût du service public de l'équarrissage qui doit être établi chaque année en vertu de l'article L. 226-10 du code rural et de le comparer avec la comptabilité distincte du fonds qui devait être faite en vertu de l'article 1er B de la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ; qu'elle n'est pas opposée à une saisine du Conseil d'Etat pour avis ;
Vu les observations complémentaires, enregistrées le 21 octobre 2009, présentées pour la SA SODICAMB, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'elle est fondée à se prévaloir d'un principe, dit d'estoppel, d'interdiction de se contredire au détriment d'autrui ; que, dans l'affaire portant sur la compatibilité du précompte mobilier avec le droit communautaire, le Conseil d'Etat n'a pas fermé la porte à une réception de l'estoppel en matière fiscale ; que, le 17 octobre 2003, le ministre délégué au budget a déclaré que la taxe sur les achats de viande est contraire au droit communautaire ; que le ministre soutient au contentieux une thèse différente de celle invoquée devant les parlementaires ; que cette contradiction caractérise une violation de la règle de l'estoppel et ne peut être sanctionnée que par le dégrèvement de la taxe en cause ;
Vu les nouvelles observations complémentaires, enregistrées le 21 décembre 2009, présentées pour la SA SODICAMB, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'après avoir prononcé le dégrèvement de la taxe en litige, l'administration ne pouvait remettre en cause ce dégrèvement qu'en mettant en oeuvre une nouvelle procédure de rectification contradictoire et, à tout le moins, émettre un nouveau titre de nature à fonder la créance fiscale de l'administration ; que le Tribunal administratif de Pau a retenu une telle solution dans un jugement du 18 septembre 2008 ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 juin 2010, présenté pour la SA SODICAMB, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les observations, enregistrées le 5 juillet 2010, présentées par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code rural ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que, par une réclamation du 15 décembre 2003, la SA SODICAMB a demandé la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle avait acquittée au titre de la période de l'année 2001 ; que, par décision du 7 septembre 2004, l'administration a décidé de faire droit à cette réclamation ; que, toutefois, par lettre du 23 novembre 2004, l'administration a avisé la SA SODICAMB de son intention de rapporter la décision du 7 septembre 2004, qui n'avait pas été exécutée, au motif que la taxe acquittée au titre de la période susmentionnée ne peut être remboursée dès lors qu'elle a été légalement perçue, cette lettre impartissant à la contribuable un délai de trente jours pour présenter d'éventuelles observations ; que, par décision du 21 janvier 2005, l'administration a rejeté la réclamation du 15 décembre 2003 ; que la SA SODICAMB relève appel du jugement du 4 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre de ladite année ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, si la demande de première instance présentée par la SA SODICAMB demandait aux premiers juges de constater que l'administration fiscale n'avait pas la faculté de refuser les demandes de restitution en cause, alors que précédemment elle avait admis le bien-fondé de cette même demande en accordant le dégrèvement de la taxe litigieuse , les énonciations sur ce point de cette demande constituaient seulement un moyen exposé au soutien des conclusions tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre de l'année 2001 et non en elles-mêmes des conclusions distinctes de celles tendant à cette restitution et ce, alors même que ces énonciations étaient exprimées dans le dispositif du mémoire introductif de première instance ; qu'il en résulte que la SA SODICAMB n'est pas fondée à soutenir que le jugement, qui a d'ailleurs rejeté sa demande et par suite toutes les conclusions de cette dernière quelles qu'elles auraient été, serait irrégulier pour avoir omis de statuer sur certaines des conclusions de ladite demande ;
Sur les conclusions en restitution de la taxe sur les achats de viande due au titre de l'année 2001 :
En ce qui concerne le retrait de la décision de restitution du 7 septembre 2004 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances ou les erreurs d'impositions, peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf disposition contraire du code général des impôts ; qu'aux termes de l'article L. 176 de ce livre : Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts ; qu'aux termes de l'article R. 200-15 du même livre : L'administration peut, au cours de l'instance, présenter des conclusions reconventionnelles tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision prise sur la réclamation primitive. Ces conclusions sont communiquées au réclamant dans les conditions prévues par le code de justice administrative ; qu'aux termes de l'article L. 55 dudit livre des procédures fiscales : Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'administration est en droit, jusqu'à l'expiration du délai de reprise, de rapporter une décision erronée de restitution d'une imposition spontanément acquittée par le contribuable, ou, dans le même délai, de demander reconventionnellement au juge de l'impôt, saisi par le contribuable, de rétablir cette imposition ; qu'en présence d'une telle décision erronée, constituant une erreur d'imposition, et lorsqu'elle entend user de la faculté de la rapporter, il appartient à l'administration d'aviser préalablement le contribuable de la persistance de son intention de maintenir l'imposition ainsi acquittée ; que, toutefois, l'omission de cette formalité n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le maintien de cette imposition, lorsqu'elle a été établie initialement en retenant les éléments déclarés par le contribuable lui-même et que l'administration ne s'est, dès lors, livrée à aucun redressement ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'administration, par lettre du 23 novembre 2004, antérieure à la prescription du droit de reprise de la taxe sur les achats de viande acquittée par la SA SODICAMB au titre de l'année 2001, a, préalablement à la décision du 21 janvier 2005 statuant sur la réclamation de cette société, informé cette dernière de sa décision de ne pas lui restituer cette taxe et ainsi de rapporter la décision du 7 septembre 2004 ; que, l'administration n'ayant constaté aucune insuffisance, inexactitude, omission ou dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de la taxe déclarés par la requérante et ne s'étant ainsi prêtée à aucune rectification des déclarations de la contribuable, elle n'était pas tenue d'engager une procédure de redressement contradictoire, alors, au surplus, que la décision du 7 septembre 2004 n'avait pas été exécutée ; qu'enfin, pour les raisons exposées ci-après, cette décision était erronée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ; qu'en application de ces dispositions, il ne saurait y avoir d'avis de mise en recouvrement visé et rendu exécutoire par un comptable public que dans le cas où le contribuable ne s'est pas acquitté à la date d'exigibilité des impositions dont il est redevable ; que, dès lors que la taxe sur les achats de viande due au titre de l'année 2001 avait été effectivement spontanément acquittée par la société requérante à la date d'exigibilité et que, à la date du 23 novembre 2004, la décision susmentionnée du 7 septembre 2004 n'avait pas été exécutée, en sorte qu'il n'existait aucune taxe à recouvrer, le retrait partiel de cette décision n'appelait pas, contrairement à ce qui est soutenu, l'émission d'un avis de mise en recouvrement ;
Considérant, en troisième lieu, que l'administration ne s'étant en l'espèce livrée à aucun rehaussement d'une imposition antérieure, la requérante ne saurait utilement, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, et notamment pas du fait de la décision de restitution initialement prise le 7 septembre 2004 ;
Considérant, en quatrième lieu, que, dès lors que le retrait de la décision de restitution du 7 septembre 2004 est intervenu dans le respect du délai de reprise ouvert à l'administration fiscale et que la requérante, qui n'avait pas droit au maintien de cette décision erronée, a été invitée à présenter ses observations sur ce retrait, ce dernier n'a pas méconnu le principe de sécurité juridique ;
Considérant, en cinquième lieu, que la taxe sur les achats de viande est uniquement régie par le droit interne et ne relève pas, par suite, en tant qu'impôt, d'une réglementation communautaire ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le retrait partiel de la décision de restitution du 7 septembre 2004 est intervenu en méconnaissance du principe de confiance légitime est inopérant et doit, pour cette raison, être écarté ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;
Considérant que si, à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens des stipulations du premier alinéa de l'article premier précité, une telle espérance légitime ne saurait être qualifiée comme telle qu'à la condition que la créance s'y rapportant ait une base suffisante en droit interne ;
Considérant, à cet égard et d'une part, que la taxe sur les achats de viande dont la requérante demande la restitution a été établie et acquittée conformément aux dispositions de la loi nationale figurant à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2001 ; qu'ainsi qu'il est dit ci-après, cette loi ne méconnaît aucune règle de droit communautaire ; qu'il n'existe, en particulier, aucune jurisprudence bien établie dont ressortirait que cette loi serait contraire à une quelconque norme de rang supérieur à la loi ; qu'il résulte, en outre, des termes mêmes des stipulations du second alinéa de l'article 1er précité que celles du premier alinéa ne portent pas atteinte au droit des Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; que l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2001, est au nombre de ces lois ;
Considérant, d'autre part, que la règle selon laquelle une décision erronée de dégrèvement ou de restitution d'une imposition peut être rapportée par l'administration dans la limite du délai de reprise fixé par la loi est énoncée, de façon constante et ancienne, par une jurisprudence bien établie ; qu'elle résulte, dès lors, de la loi elle-même relative au délai de reprise, notamment, des erreurs d'imposition ; que les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à l'application des délais de reprise préalablement fixés par la loi et, par suite, ne font pas obstacle à ce qu'une décision de restitution erronée et non exécutée soit rapportée dans le délai de reprise fixée par cette loi ; que le destinataire d'une telle décision ne peut donc, avant l'échéance du délai de reprise, se prévaloir d'une certitude raisonnable qu'elle ne sera pas rapportée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, faute pour la créance de restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre d'une période postérieure au 31 décembre 2000 de posséder une base suffisante en droit interne, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'une espérance légitime, au sens des stipulations précitées, d'obtenir une telle restitution ; qu'elle ne peut ainsi utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit donc être écarté ;
Considérant, enfin, que, pour les raisons exposées ci-après, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir devant le juge administratif de l'impôt d'un principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA SODICAMB n'est pas fondée à prétendre que l'administration des impôts n'a pu légalement, par la décision du 23 novembre 2004, procéder au retrait de la décision de restitution du 7 septembre 2004 ;
En ce qui concerne le bien-fondé de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre de l'année 2001 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, ensuite repris à l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité, ensuite repris à l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...), elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...). / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à compter du 1er janvier 2001, il n'existait aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la SA SODICAMB ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant, par ailleurs, que compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, est inopérant au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre de l'année 2001, le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par le service public de l'équarrissage aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 25 du traité instituant la Communauté européenne : Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les Etats membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal ; qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doit être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane, non seulement une taxe perçue à l'occasion ou en raison de l'importation et qui, frappant spécifiquement un produit importé à l'exclusion du produit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix de revient, d'avoir sur la libre circulation des marchandises la même incidence restrictive qu'un droit de douane, mais aussi une taxe appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent intégralement la charge grevant ces produits ; qu'aux termes de l'article 90 du même traité : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant, en troisième lieu, que les litiges fiscaux ont pour objet de déterminer le montant de l'impôt légalement dû, de trancher des contestations sur les procédures suivies par l'administration pour en assurer le recouvrement ou de statuer sur le bien-fondé de l'application des sanctions fiscales prévues par les textes législatifs ou réglementaires ; que les obligations des contribuables résultent des textes législatifs et réglementaires, à l'application desquels l'administration ne peut renoncer ;
Considérant que, sous réserve des garanties prévues pour le contribuable par les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, la position ou le comportement de l'administration avant la procédure contentieuse, lors de l'instruction de la réclamation ou en cours d'instance devant le juge de l'impôt, quelles que soient leurs évolutions ou contradictions éventuelles, ne peuvent faire obstacle à l'application par le juge de l'impôt de la loi fiscale, dans le cadre des moyens soulevés par chacune des parties et de ceux qu'il est tenu de relever d'office ;
Considérant, en outre, que les comportements de l'administration qui pourraient être qualifiés de changement de position sont encadrés par des garanties au bénéfice du contribuable, dont le juge de l'impôt assure le respect ; qu'à ce titre, les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales permettent au contribuable, dans les conditions et limites qu'ils fixent, d'opposer à l'administration l'interprétation d'un texte fiscal qu'elle a formellement admise ou une prise de position formelle de sa part sur une situation de fait au regard du texte fiscal ; qu'en outre, lorsque l'administration a prononcé le dégrèvement d'une imposition, elle ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir, préalablement, informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ; qu'enfin, si l'administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse, y compris pour la première fois en appel, invoquer tout nouveau fondement à une imposition contestée devant le juge de l'impôt, c'est à la condition qu'un débat contradictoire ait lieu sur ce point devant le juge et que le nouveau fondement invoqué ne prive pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi ; que d'ailleurs et symétriquement, l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales permet au contribuable de soulever tout moyen nouveau en cours de procédure, y compris pour la première fois en appel ;
Considérant, dès lors, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir devant le juge administratif de l'impôt d'un principe dit de l'estoppel, selon lequel une partie ne saurait se prévaloir de prétentions contradictoires au détriment de ses adversaires ;
Considérant, enfin, que, s'il est soutenu que l'exonération prévue au bénéfice des entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 763 000 euros hors taxes sur la valeur ajoutée et de celles dont le montant d'achats mensuels de viandes est inférieur à 3 050 euros hors taxes sur la valeur ajoutée constitue une mesure d'aide au sens du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, cette circonstance n'est pas de nature à affecter l'appréciation de la validité à compter du 1er janvier 2001 de la taxe sur les achats de viande au regard des articles 87 et 88 de ce traité ; qu'ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les redevables d'une taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'Etat pour se soustraire au paiement de cette taxe ou pour en obtenir la restitution, dès lors qu'aucun lien d'affectation contraignant n'existe entre une taxe et l'exonération de ladite taxe en faveur de certains contribuables ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, la SA SODICAMB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA SODICAMB est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SODICAMB et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°09DA00025 2