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12/01/2010 | FRANCE | N°09DA01078

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 12 janvier 2010, 09DA01078


Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 5 août 2009, présentée pour M. Halil Ibrahim A, demeurant ..., par Me Boitel ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901123 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2009 du préfet de l'Eure qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le déla

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Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 5 août 2009, présentée pour M. Halil Ibrahim A, demeurant ..., par Me Boitel ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901123 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2009 du préfet de l'Eure qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible, d'autre part, à enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de 15 jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 80 euros par jour de retard et, enfin, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard sur le fondement des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision du préfet méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; que ladite décision est insuffisamment motivée ; que sa situation personnelle n'a pas été examinée dans son ensemble ; que le préfet n'indique pas en quoi il peut être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que son état de santé n'a pas été pris en compte ; que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité car contraire aux dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision du préfet a été notifiée au requérant avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il bénéficiait du droit à se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; que les premiers juges ont considéré à tort que le préfet pouvait prendre une telle décision en confondant la notion de droit au séjour et celle de délai de mise à exécution d'une décision de refus de séjour ; que le délai d'un mois prévu à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constitue pas un droit au séjour mais un délai accordé à l'intéressé pour exécuter la décision ; que l'arrêté du préfet méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en considérant qu'il n'encourait aucun risque en cas de retour en Turquie, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; que le rejet de sa demande d'asile ne remet pas ce fait en cause ; qu'il a transféré en France l'ensemble de ses intérêts familiaux ; qu'il n'a pas de relation avec son père ; que sa mère est décédée en 2004 ; qu'il est atteint d'une surdité de l'oreille droite qui ne peut être traitée en Turquie ; qu'il travaille et témoigne d'une parfaite intégration au sein de la société française ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2009 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 14 décembre 2009, présenté par le préfet de l'Eure, qui conclut au rejet de la requête au motif que sa décision est suffisamment motivée ; qu'il bénéficiait du droit à se maintenir en France dans le délai d'un mois qui suivait la notification de la décision attaquée, soit jusqu'au 17 avril 2009 ; que, le 10 avril 2009, dans ce délai, la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui a été notifiée ; que sa décision n'est donc pas contraire à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision en litige ne méconnaît ni les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant étant célibataire et n'ayant qu'un oncle et une tante comme famille en France ; que le requérant n'a jamais sollicité de titre de séjour en tant qu'étranger malade sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A, ressortissant turc, né le 17 mai 1986, est entré en France le 28 janvier 2008 selon ses déclarations ; qu'à cette date, il a demandé à bénéficier de l'asile ; que sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 juillet 2008 et par la Cour nationale du droit d'asile le 27 février 2009 ; que, par arrêté du 2 mars 2009 du préfet de l'Eure, M. A a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et fixant le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible comme pays de destination ; que l'intéressé relève appel du jugement du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Eure :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du même code : I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...). L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, de celle de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A était titulaire depuis le 19 décembre 2008 d'un récépissé attestant du dépôt de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile et l'autorisant à séjourner en France à ce titre ; qu'il est constant qu'il n'a reçu notification de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile que le 10 avril 2009, soit après la notification de l'arrêté préfectoral attaqué, intervenue le 18 mars 2009 ; qu'ainsi, le Tribunal administratif de Rouen a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet de l'Eure pouvait refuser le droit au séjour à M. A avant la notification à ce dernier de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, le jugement du Tribunal administratif de Rouen ainsi que l'arrêté du préfet de l'Eure doivent être annulés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2009 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de l'Eure de délivrer à M. A, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'astreinte ;

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application desdites dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901123 du 23 juin 2009 du Tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 2 mars 2009 du préfet de l'Eure sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Eure de munir M. A d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Halil Ibrahim A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA01078
Date de la décision : 12/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Michel (AC) Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-01-12;09da01078 ?
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