Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 31 juillet 2008, présentée pour M. Mehdi A, demeurant ..., par Me Denecker ; il demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0706615, en date du 12 juin 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2007 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré six points de son permis de conduire probatoire et l'a informé de la perte de validité de son titre de conduite ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réaffecter six points sur son permis de conduire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la réalité de l'infraction n'est pas établie par le règlement d'une amende ou par l'émission d'un titre exécutoire, conformément aux articles L. 223-1 et R. 223-3 du code de la route ; que la décision subséquente de retrait de points est entachée d'illégalité ; qu'aucun formulaire Cerfa l'informant des dispositions des articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ne lui a été remis ; que le carnet de déclaration n'est pas produit ; qu'il n'a pas été informé du contenu des dispositions des articles L. 221-5 à L. 225-9 du code de la route, ni du fait que le traitement automatisé porte également sur les reconstitutions de points ; qu'il a été destinataire d'une information erronée, le formulaire produit mentionnant que le contrevenant ne peut obtenir copie des informations relatives à son permis de conduire et ce, en méconnaissance de l'article L. 225-3 du code de la route et de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance du 5 août 2008 portant clôture de l'instruction au 5 novembre 2008 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 août 2008, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient que M. A a été dûment informé des textes en vigueur ; que, lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire, la référence à l'article L. 223-2 du code de la route ne s'impose pas ; que l'imprimé Cerfa communiqué à M. A contient l'ensemble des dispositions prévues par l'article L. 223-3 du même code ; que l'administration n'a pas à dispenser une information spécifique sur les possibilités pour le contrevenant de reconstituer son capital de points ; que la procédure administrative de retrait de points dépend uniquement de la réalité de l'infraction, laquelle est établie par l'autorité judiciaire ; que l'administration se trouve donc en situation de compétence liée et procède aux retraits de points sans pouvoir d'appréciation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que M. A relève appel du jugement, en date du 12 juin 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2007 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré six points de son permis de conduire probatoire et l'a informé de la perte de validité de son titre de conduite ;
Sur la légalité de la décision du ministre de l'intérieur du 27 septembre 2007 :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, lesquelles constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ;
Considérant que le ministre de l'intérieur se borne à produire le procès-verbal d'audition du 29 septembre 2006 destiné à l'officier du ministère public qui fait seulement état du fait que l'infraction commise par M. A est susceptible d'entraîner un retrait de points de son permis de conduire et que l'intéressé a signé le carnet de déclarations, dont copie n'a pas été communiquée ; que, contrairement à ce que fait valoir l'administration, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un imprimé Cerfa contenant les informations exigées par les articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route aurait été remis au contrevenant à cette occasion ; qu'ainsi, ce seul procès-verbal d'audition ne permet pas de vérifier que l'ensemble des informations prescrites par les dispositions susmentionnées du code de la route ont été portées à la connaissance de l'intéressé ; que, par suite, la décision du ministre de l'intérieur du 27 septembre 2007, intervenue au terme d'une procédure irrégulière, est entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que le présent arrêt prononce l'annulation de la décision 48S du ministre de l'intérieur prononçant le retrait de six points du permis de conduire de M. A et l'informant de la perte de validité dudit titre pour défaut de points ; que, par suite, l'exécution du présent arrêt implique, en l'état de l'instruction, et sous réserve que le requérant n'ait pas commis d'autres infractions ayant entraîné une perte de points, la restitution de six points au permis de conduire de M. A dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0706615 du 12 juin 2008 du Tribunal administratif de Lille et la décision du 27 septembre 2007 du ministre de l'intérieur prononçant le retrait de six points du permis de conduire de M. A et l'informant de la perte de validité dudit titre pour défaut de points sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sous réserve que M. A n'ait pas commis d'autres infractions ayant entraîné une perte de points, de restituer six points à son permis de conduire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mehdi A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
''
''
''
''
N°08DA01007 2