Vu la requête, enregistrée le 19 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Françoise A, demeurant ..., par Me Ottaviani, avocat ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0503164 du 31 janvier 2008 du Tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 septembre 2005 par laquelle la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime a rejeté sa réclamation relative aux opérations de remembrement menées sur la commune de Bretteville du Grand Caux, ensemble la décision du 6 décembre 2004 de la commission intercommunale et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du préfet de la Seine-Maritime à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ;
2°) d'annuler lesdites décisions des 6 décembre 2004 et 8 septembre 2005 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que sa réclamation formée devant la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime était recevable ; qu'il n'est pas justifié que la notification de la décision de la commission communale aurait été impossible ; que par conséquent, aucun délai ne peut lui être opposé ; que le maire de la commune n'a pas été en mesure de produire le registre d'affichage en mairie ; qu'elle était fondée à contester la décision de la commission communale refusant de lui réattribuer la parcelle C 426 qui était constructible en application des dispositions de l'article L. 123-16 du code rural ;
- au fond, que c'est à tort que la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime ne lui a pas réattribué la parcelle en litige alors qu'une partie de celle-ci était constructible ; que les premiers juges ont fait une application particulièrement réductrice des dispositions de l'article L. 123-3 du code rural ; qu'elle est fondée à demander la rectification des documents de remembrement sur le fondement de l'article L. 123-16 du code rural du fait qu'en sa qualité de propriétaire elle avait un droit à construction sur la parcelle C 426 en litige et qu'elle a été évincée ;
- que la violation de l'article L. 123-3 du code rural par la commission de remembrement est donc illégale et lui cause un préjudice ; que la différence de valeur vénale entre la parcelle qu'elle a apportée, qui était constructible, et celle qui lui a été attribuée s'élève à 150 000 euros ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu l'ordonnance du 7 mars 2008 portant clôture de l'instruction au 9 juin 2008 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 6 juin 2008 et régularisé par la production de l'original le 10 juin 2008, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A à lui verser une somme de 1 168 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir :
- que la requête d'appel de Mme A n'est pas motivée en ce qu'elle se borne à reprendre à l'identique son argumentation développée en première instance sans permettre à la Cour de se prononcer sur les erreurs qu'auraient pu commettre les premiers juges ; qu'elle n'est ainsi pas recevable ;
- que la réclamation de Mme A formée à l'encontre de la décision de la commission intercommunale devant la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime n'était pas recevable ; qu'il ressort du registre des réclamations examinées par ladite commission lors de sa réunion du 25 août 2004 que l'intéressée n'a présenté aucune demande ou contestation sur l'aménagement foncier arrêté ; que Mme A ne peut se prévaloir des dispositions de l'article R. 121-6 du code rural n'ayant été destinataire d'aucune décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier modifiant ses attributions ; que l'intéressée n'a en tout état de cause présenté une réclamation que près d'un an après la réunion de ladite commission intercommunale en méconnaissance du délai d'un mois fixé par ledit article R. 121-6 du code rural ;
- que Mme A ne justifie pas qu'à la date de l'arrêté préfectoral ordonnant le remembrement et fixant le périmètre, soit le 9 octobre 2000, les conditions de desserte et de situation fixées par l'article L. 123-3 du code rural étaient effectivement remplies ; que la preuve que sa parcelle d'apport présentait les caractéristiques d'un terrain à bâtir n'a pas été apportée ; que l'appréciation du caractère de terrain à bâtir ne porte que sur des parcelles cadastrales incluses dans le périmètre du remembrement et non sur des fractions de parcelles ;
- que l'article L. 123-16 organise un recours spécifique pour les propriétaires à l'encontre d'erreurs commises dans les apports devant la commission départementale d'aménagement foncier ; que cela n'est pas le cas, en l'espèce, la parcelle en litige étant inscrite au compte de propriété n° 182 de Mme A ; que cette parcelle ayant été prise en considération dans le remembrement opéré, l'intéressée ne peut prétendre avoir été évincée d'un droit sur cette propriété ; que Mme A ne justifie également d'aucune aggravation des conditions d'exploitation au regard du compte de propriété ;
- que la commission départementale d'aménagement foncier n'ayant commis aucune erreur de droit, les conclusions indemnitaires présentées par Mme A ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 6 juin 2008 et régularisé par la production de l'original le 16 juin 2008, présenté pour Mme Evelyne B, demeurant ..., par Me Silie, de la SCP Silie, Verilhac ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir :
- que la réclamation formée par Mme A à l'encontre de la décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier était irrecevable ; que l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2004 ordonnant le dépôt en mairie du plan définitif de remembrement a fait l'objet d'un affichage du 15 au 31 décembre 2004 et ce n'est que le 31 mai 2005, soit après l'expiration du délai d'un mois fixé par l'article R. 121-6 du code rural, que l'intéressée a saisi la commission départementale d'aménagement foncier de sa réclamation ;
- que Mme A ne pouvait légalement justifier de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 123-16 du code rural pour bénéficier de la réattribution de la parcelle C 426 en litige, n'ayant pas été évincée des opérations de remembrement ; que ladite parcelle figurait dans ses apports, qui n'ont d'ailleurs fait l'objet d'aucune contestation ; que l'attribution qui a été faite à Mme A en échange de cette parcelle a permis une amélioration de l'exploitation agricole par un regroupement des parcelles d'un seul côté de la route ; que les erreurs relatives à la transcription sur le plan définitif de remembrement des dispositions arrêtées par la commission communale ne peuvent être regardées comme de nature à regarder l'intéressée comme évincée du fait qu'il n'aurait pas été tenu compte de ses droits ; que Mme A ne démontre pas qu'à la date de l'arrêté fixant le périmètre du remembrement, la parcelle en litige présentait les caractéristiques d'un terrain à bâtir conformément aux dispositions de l'article L. 13-15 II du code de l'expropriation ; que l'intéressée n'est ainsi pas fondée à demander la réattribution de cette parcelle ;
Vu l'ordonnance du 18 juin 2008 portant réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2009, présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que par jugement du 31 janvier 2008, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme Françoise A dirigée contre la décision du 8 septembre 2005 par laquelle la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime a rejeté, d'une part, sa réclamation formée à l'encontre de la décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier pour forclusion et, d'autre part, sa demande tendant à la réattribution de sa parcelle cadastrée C n° 426 située sur la commune de Bretteville du Grand Caux en application de l'article L. 123-16 du code rural ; que Mme A relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 121-6 du code rural : Les réclamations formées contre les décisions de la commission communale ou intercommunale doivent être introduites devant la commission départementale dans un délai d'un mois à dater de la notification, ou dans le cas où il n'a pu être procédé à cette notification, dans un délai d'un mois à dater de la publication de ces mêmes décisions ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A aurait saisi la commission intercommunale d'aménagement foncier d'une réclamation relative aux opérations de remembrement en litige ; que dès lors, Mme A ne peut se prévaloir ni d'une décision individuelle de la commission intercommunale prise à son encontre, ni d'une décision de ladite commission prise après réclamation d'un autre propriétaire ayant eu pour effet de modifier ses attributions ; que par suite, la commission départementale d'aménagement foncier était tenue de rejeter comme irrecevable la demande de Mme A ; que dans ces conditions, la circonstance qu'elle ait retenu le caractère tardif de la réclamation de l'intéressée est sans incidence sur la légalité de sa décision ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-16 du code rural : Sous réserve des droits des tiers, tout propriétaire ou titulaire de droits réels, évincé du fait qu'il n'a pas été tenu compte de ses droits sur des parcelles peut, pendant une période de cinq années à compter de l'affichage en mairie prévu à l'article L. 121-12, saisir la commission départementale d'aménagement foncier aux fins de rectification des documents du remembrement. / Si la commission estime impossible de procéder à ladite rectification, elle attribue à l'intéressé une indemnité correspondant à l'intégralité du préjudice subi par lui. La charge de cette indemnité incombe au département sous réserve, le cas échéant, de l'action récursoire de ce dernier contre les personnes ayant bénéficié de l'erreur commise. Les contestations relatives aux indemnités sont jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Considérant que, par la réclamation adressée le 31 mai 2005 à la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime sur le fondement des dispositions précitées du code rural, Mme A a contesté l'attribution de sa parcelle C n° 426 à un autre compte en faisant valoir qu'une partie de cette parcelle était constructible et qu'ainsi, il n'a pas été tenu compte de son droit à construction ; qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle en litige a été prise en compte dans les apports de Mme A ; qu'ainsi, c'est à bon droit que la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime a estimé, pour rejeter la réclamation de Mme A, que celle-ci n'avait pas été évincée au sens des dispositions de l'article L. 123-16 du code rural et qu'elle ne pouvait faire valoir de droits réels sur ladite parcelle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture et de la pêche, que Mme A n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 septembre 2005 de la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime, ensemble la décision du 6 décembre 2004 de la commission intercommunale d'aménagement foncier ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de rejeter les conclusions de Mme A à fin d'indemnité ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme A une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner Mme A, partie perdante, à verser d'une part, à l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais que le ministre de l'agriculture et de la pêche justifie avoir exposés et non compris dans les dépens et à Mme B une somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Mme A versera à l'Etat une somme de 1 000 euros et à Mme B une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Françoise A, au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et à Mme Evelyne B.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
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N°08DA00306 2