La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2009 | FRANCE | N°07DA01156

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 28 mai 2009, 07DA01156


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 25 juillet 2007 et régularisée par la production de l'original le 30 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE, dont le siège est quai Johannès Couvert, Hangar 17 au Havre (76600), représentée par sa directrice générale en exercice, par Me Hubert, avocat ; la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601565 en date du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande te

ndant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 avril 2006 du min...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 25 juillet 2007 et régularisée par la production de l'original le 30 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE, dont le siège est quai Johannès Couvert, Hangar 17 au Havre (76600), représentée par sa directrice générale en exercice, par Me Hubert, avocat ; la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601565 en date du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 avril 2006 du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer confirmant la décision du directeur régional des affaires maritimes de Haute-Normandie du 13 février 2006, rejetant le recours hiérarchique présenté contre le refus du directeur interdépartemental des affaires maritimes de la Seine-Maritime et de l'Eure de lui accorder les visas des décisions d'effectifs pour cinq remorqueurs, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit ministre ou au directeur interdépartemental de lui délivrer un visa pour chacune des cinq décisions du 24 janvier 2006, dans un délai de 48 heures, sous peine d'une astreinte de 10 000 euros par jour de retard et par navire et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer du 6 avril 2006 refusant de lui accorder les visas de ces cinq décisions d'effectifs du 24 janvier 2006 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la circonstance que des visas de décisions d'effectifs lui ont été ultérieurement délivrés ne la prive pas d'intérêt à contester le refus, en date du 6 avril 2006, de lui délivrer les visas de décisions d'effectifs différentes ; que le ministre s'est prononcé au vu d'un avis rendu par une commission dont certains membres avaient un intérêt personnel à l'affaire, en méconnaissance de l'article 13 du décret du 28 novembre 1983 ; qu'il appartiendra au ministre de rapporter la preuve que M. X a pu valablement siéger en tant que président de cette commission, que MM Y, Z, A et B n'ont pas pris part à ses délibérations et qu'une convocation a bien été adressée en temps utile aux membres de la commission nommés par l'arrêté du 6 février 2006 ; que le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les tableaux pro forma fournis à l'administration montraient sans ambiguïté possible que les marins devaient effectuer dix heures de travail quotidiennes au sens du décret du 31 mars 2005, soit moins de soixante-douze heures en rythme hebdomadaire ; que c'est parce qu'aucun refus ne pouvait être opposé que le directeur interdépartemental a demandé la production de tableaux complémentaires sur une inexacte lecture desquels il s'est ensuite appuyé pour refuser les visas des décisions d'effectifs, alors que la société pouvait apporter toutes explications sur la nature des heures blanches mentionnées sur ces tableaux mais que le directeur interdépartemental s'est abstenu de demander de telles explications et a retenu, par principe, de ces tableaux une lecture contraire aux intérêts de la société et présentée dans sa décision comme étant une certitude alors qu'elle était erronée ; que la nature des heures blanches était ainsi définie très explicitement et que la volonté de refuser, par principe, le visa sollicité est donc flagrante ; que la demande de fournir les tableaux supplémentaires constitue une méconnaissance du principe d'égalité et n'a jamais été faite à un quelconque autre pétitionnaire ; que le ministre a procédé à un calcul erroné du nombre d'heures devant être travaillées par les marins servant sur les remorqueurs, les heures blanches n'impliquant aucune présence à bord des remorqueurs ; qu'il s'agit d'une lecture tronquée de l'article 1-III du décret de 2005 ; que le ministre a commis un détournement de pouvoir ;

Vu l'ordonnance du 7 août 2007 fixant la clôture de l'instruction au 7 novembre 2007 ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2007, présenté par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que l'arrêté de nomination du président de la commission n'était pas soumis à obligation de publication au Journal officiel ; que la présence d'experts de l'administration dans la salle n'a pas vicié l'avis de la commission dès lors qu'ils n'y ont pas pris part ; que le représentant des armateurs et ceux des personnels n'avaient pas un intérêt personnel direct à l'affaire dès lors que, s'ils étaient salariés de l'entreprise Les Abeilles, ils ne représentaient pas cette entreprise ; que la société a recherché une flexibilité maximale aboutissant nécessairement mais implicitement à des horaires de travail hebdomadaires à bord de ses remorqueurs supérieurs aux normes maximales autorisées ; que le ministre n'a ainsi commis aucune erreur manifeste d'appréciation ; que l'autorité maritime, en demandant la présentation de tableaux pro forma, n'a pas méconnu le principe d'égalité au bénéfice de la société Les Abeilles, les deux entreprises n'étant pas dans la même situation ; que n'a été commis aucun détournement de pouvoir ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 23 novembre 2007 et confirmé par la production de l'original le 27 novembre 2007, présenté pour la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la prise illégale d'intérêt est interdite et que les interdictions posées par la loi pénale s'imposent au juge administratif ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 janvier 2008, présenté par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré par télécopie le 22 février 2008 et confirmé par la production de l'original le 28 février 2008, présenté pour la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 9 avril 2009 fixant la clôture de l'instruction au 30 avril 2009 ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal ;

Vu le code du travail ;

Vu le code du travail maritime ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu le décret n° 67-342 du 26 mai 1967 relatif aux effectifs à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;

Vu le décret n° 2005-305 du 31 mars 2005 relatif à la durée de travail des gens de mer ;

Vu l'arrêté ministériel du 30 juin 1967 relatif aux effectifs à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance ;

Vu les arrêtés des 6 janvier et 11 janvier 2006 portant extension d'accord conclus dans le cadre des conventions collectives nationales des personnels navigants d'exécution des entreprises de remorquage maritime et des personnels navigants officiers des entreprises de remorquage maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Hubert, avocat, pour la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer du 6 avril 2006 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 26 mai 1967 : L'effectif de tout navire est fixé par l'armateur s'il n'a pas été déterminé au préalable par voie d'accord entre les parties intéressées ou leurs représentants. / Il est soumis, par l'armateur, au visa de l'administrateur des affaires maritimes territorialement compétent qui apprécie sa conformité aux règles relatives à la sécurité de la navigation et à la durée du travail ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : Les décisions prises par les administrateurs des affaires maritimes en application du présent décret sont motivées. / Elles peuvent faire à toute époque l'objet d'un recours devant le directeur de la marine marchande, de la part de l'armateur, des délégués du personnel du navire en cause ou des organisations professionnelles représentatives sur le plan national des armateurs et des marins. / Le directeur de la marine marchande statue dans les huit jours suivant la réception de la demande ; qu'aux termes de l'article 5 de ce décret : Les décisions prises par le directeur de la marine marchande en application de l'article précédent peuvent être portées (...) devant le ministre chargé de la marine marchande. Celui-ci statue en dernier ressort, dans le délai d'un mois, après avis d'une commission aux travaux de laquelle sont associées les organisations professionnelles d'armateurs et de marins et dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par arrêté du ministre chargé de la marine marchande ; qu'aux termes de l'article 6 dudit décret : Les conditions d'application du présent décret, et notamment les modalités de présentation de la demande de visa, sont fixées par arrêté du ministre chargé de la marine marchande ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 30 juin 1967 : L'armateur joint à sa demande toutes précisions de nature à justifier l'effectif soumis au visa ; qu'aux termes de l'article 4 du même arrêté : L'administrateur vérifie que l'effectif permet de répondre en toutes circonstances aux exigences posées par les textes législatifs et réglementaires en matière de durée du travail et de sécurité de la navigation ; qu'aux termes de l'article 9 de cet arrêté : La commission de recours prévue à l'article 5 du décret du 26 mai 1967 est présidée par un membre du Conseil d'Etat. / Elle comprend : (...) Trois représentants des armateurs, respectivement pour la navigation de commerce et pour la pêche maritime. / Trois représentants du personnel navigant, respectivement pour la navigation de commerce et pour la pêche maritime ; qu'aux termes de l'article 10 dudit arrêté : Les représentants des armateurs et du personnel navigant sont nommés par le ministre de la marine marchande sur proposition des organisations représentatives sur le plan national. Il est nommé des membres suppléants en nombre double de membres titulaires ; qu'aux termes de l'article 11 du même arrêté : A l'occasion de chaque affaire, la commission entend l'auteur du recours ou son représentant. Elle entend également, en toutes circonstances, l'armateur intéressé. / Elle peut en outre entendre toute personne dont l'opinion lui paraît de nature à éclairer ses délibérations ; qu'aux termes de l'article 11 du décret susvisé du 28 novembre 1983 : A défaut de dispositions réglementaires contraires, et, sauf urgence, les membres des organismes consultatifs reçoivent, cinq jours au moins avant la date de leur réunion, une convocation écrite comportant l'ordre du jour et, éventuellement, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites ; qu'aux termes de l'article 13 du même décret : Les membres d'un organisme consultatif ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en fait l'objet. La violation de cette règle entraîne la nullité de la décision subséquente lorsqu'il n'est pas établi que la participation du ou des membres intéressés est restée sans influence sur la délibération ; qu'enfin, aux termes de l'article 432-12 du code pénal : Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté ministériel du 9 mars 2006 nommant M. X, membre du Conseil d'Etat, en qualité de président de la commission de recours prévue à l'article 5 du décret susvisé du 26 mai 1967 a pris effet, en l'absence de toute mention contraire, dès sa date de signature ; que la circonstance que cet arrêté, dont la publication au Journal officiel de la République française n'était d'ailleurs pas requise, n'y ait été publié que le 31 mars 2006 est à cet égard sans incidence, une telle publication, s'agissant d'une décision administrative individuelle, ayant pour seul effet de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des tiers ; qu'il suit de là que M. X a régulièrement présidé la réunion de cette commission du 27 mars 2006 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les membres titulaires de la commission de recours susmentionnée représentant les armateurs et le personnel navigant ont été régulièrement convoqués à la réunion du 27 mars 2006, dans le respect du délai de cinq jours prévu par l'article 11 précité du décret susvisé du 28 novembre 1983 ; qu'il en résulte qu'en l'absence de membres titulaires, des membres suppléants représentant les armateurs et le personnel navigant ont pu valablement siéger ;

Considérant, en troisième lieu, que, s'il ressort des pièces du dossier que, lors de sa réunion du 27 mars 2006, la commission de recours prévue à l'article 5 du décret du 26 mai 1967 a, comme elle le pouvait sur le fondement du second alinéa de l'article 11 précité de l'arrêté susvisé du 30 juin 1967, entendu Messieurs Y, sous-directeur des transports maritimes et fluviaux, Z, directeur régional des affaires maritimes de Haute-Normandie et auteur de la décision du 13 février 2006 frappée de recours hiérarchiques, A, assistant de M. Z et B, inspecteur général de l'équipement, il ne ressort pas des mentions de l'avis rendu à la suite de cette réunion, ni d'aucune autre pièce du dossier, que ces quatre personnes auraient participé à la délibération de cette commission, pas davantage qu'il n'en ressort que le représentant de la société requérante et son conseil, qui ont eux-mêmes été entendus, y auraient participé ; que le moyen tiré de la participation des quatre personnes susmentionnées à cette délibération doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que, lors de cette réunion du 27 mars 2006, siégeaient notamment M. C, membre suppléant en qualité de représentant des armateurs, désigné sur proposition de l'Association professionnelle des entreprises de remorquage maritime, ainsi que MM D et E, membres suppléants en qualité de représentants du personnel navigant, désignés sur proposition respectivement de l'Union maritime CGT et de la Fédération maritime des syndicats maritimes CGT ; que ces trois membres ne représentaient aucune entreprise déterminée de remorquage maritime ; que la circonstance qu'ils étaient tous trois salariés de l'entreprise Les Abeilles, dont la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE est la concurrente sur le marché du remorquage dans le port du Havre, ne permet pas de considérer qu'ils auraient eu, au sens de l'article 13 précité du décret susvisé du 28 novembre 1983, un intérêt personnel à l'affaire faisant l'objet de cette réunion ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ce texte doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que MM C, D et E détenaient un intérêt quelconque dans la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE ou dans les conditions d'armement des cinq remorqueurs ayant fait l'objet des décisions d'effectifs du 24 janvier 2006 dont a été refusé le visa prévu par l'article 1er précité de l'arrêté susvisé du 26 mai 1967 ; qu'il suit de là que la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision ministérielle du 6 avril 2006 rejetant son recours hiérarchique serait intervenue à l'issue d'une procédure consultative viciée par une prise d'intérêt de la nature de celle interdite par l'article 432-12 précité du code pénal ;

Considérant, en sixième lieu, que les recours administratifs prévus par les dispositions précitées des articles 4 et 5 du décret susvisé du 26 mai 1967 constituent des recours préalables obligatoires à la saisine du juge ; qu'il s'ensuit que la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer du 6 avril 2006 s'est entièrement substituée à celle du directeur régional des affaires maritimes de Haute-Normandie du 13 février 2006, qui s'était elle-même substituée à celle du directeur interdépartemental des affaires maritimes de la Seine-Maritime et de l'Eure du 6 février 2006 ; qu'il en résulte que la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE ne saurait se prévaloir des vices propres qui, selon elle, auraient entaché la décision du 6 février 2006 ; qu'en conséquence, elle ne peut utilement soutenir que c'est à tort et en méconnaissance du principe général d'égalité que le directeur interdépartemental des affaires maritimes de la Seine-Maritime et de l'Eure lui a demandé de préciser la présentation des décisions d'effectifs en produisant des tableaux horaires complémentaires ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 24 du code du travail maritime : Les durées légales hebdomadaire et quotidienne du travail effectif des marins sont celles qui sont fixées par l'article L. 212-1 du code du travail (...) sauf dérogation à la durée quotidienne du travail dans des conditions fixées par décret ; que, selon l'article 25 du même code : des décrets en conseil des ministres déterminent, le cas échéant, par genre de navigation ou catégorie de personnel les modalités d'application de l'article 24 ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 31 mars 2005 : I - Est considéré comme temps de travail effectif le temps pendant lequel le personnel embarqué est, par suite d'un ordre donné, à la disposition du capitaine, hors des locaux qui lui servent d'habitation à bord. / (...) / III - A bord des remorqueurs et des chalands, ainsi qu'à bord des bâtiments et engins employés au travaux maritimes, qui ne sortent pas des ports et rades ou de la partie maritime des fleuves et rivières, chaque heure de présence à bord, à la disposition du capitaine, est considérée comme une heure de travail effectif, des accords collectifs déterminant dans quelles conditions des temps de pause ou de repos peuvent en être défalqués. / Toutefois, pour le calcul des repos compensateurs prévus par l'article 26-1 du code du travail maritime et pour l'application des dispositions du présent décret relatives aux durées maximales du travail, le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le personnel est, par suite d'un ordre donné, à la disposition du capitaine, hors des locaux d'habitation à bord ; que, selon les deux premiers alinéas de l'article 4 du même décret : La durée maximale quotidienne de travail effectif à bord des navires autres que de pêche est de douze heures. / Lorsque le travail à bord est organisé par cycles en application de l'article 13 et que la durée totale du cycle ne dépasse pas six semaines, la durée maximale quotidienne de travail est décomptée d'après le nombre d'heures moyen du cycle de travail, sans pouvoir dépasser quatorze heures pour une journée donnée ; qu'enfin, le premier alinéa de l'article 7 de ce décret prévoit que : Sauf dans les cas prévus au I de l'article 5, la durée maximale de travail ne doit pas dépasser soixante-douze heures par période de sept jours ;

Considérant que l'annexe III aux décisions d'effectifs soumises par la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE au visa de l'administration énonce que l'amplitude moyenne de travail ne peut excéder 12 heures et au prorata. Le cycle de travail est organisé sur une période maximum de 6 semaines et que le repos quotidien minimal est de 11 heures (...) qu'il soit pris immédiatement, à l'issue de la période de travail, ou de façon différée (repos de cycle). Il s'entend comme une période de temps pendant lequel les personnels peuvent librement vaquer à leurs occupations personnelles. / Pendant ce repos, le personnel ne peut être appelé ou contraint de séjourner, quelles que soient les conditions de ce séjour, sur le lieu de son travail, à bord du remorqueur, y compris dans les locaux qui lui servent d'habitation à bord, ou à terre à proximité de celui-ci, non plus qu'il ne peut être tenu, sauf circonstances exceptionnelles et accord d'astreinte, de répondre aux ordres ou réquisitions de l'employeur ; que les tableaux de service pro forma d'une journée sur vingt-quatre heures font état, pour chaque catégorie de marins embarqués sur un remorqueur, de durées quotidiennes de travail effectif de dix heures pour le capitaine, le chef mécanicien et l'auxiliaire d'opération et de neuf heures pour le matelot ;

Considérant, toutefois et d'une part, que l'article 4 précité du décret susvisé du 31 mars 2005 impose le respect d'une durée maximale quotidienne de travail effectif à bord des navires de douze heures et non d'une durée moyenne maximale de douze heures ; qu'en faisant état d'une amplitude moyenne de travail ne pouvant excéder douze heures, les décisions d'effectifs présentées par la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE ne permettent pas de s'assurer du respect des dispositions de cet article 4 ; qu'à supposer même que, compte tenu d'une organisation du travail à bord par cycles en application de l'article 13 du même décret, la durée totale du cycle ne dépassant pas six semaines, serait respectée une durée maximale de travail de quatorze heures pour une journée de travail donnée, la description de l'organisation du service à bord des remorqueurs, telle qu'elle figure à l'annexe III des décisions d'effectifs ne permet pas de garantir, dans le cadre du contrôle a priori qu'il appartient à l'administrateur de mener en application des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 30 juin 1967, le respect de la durée maximale de travail de soixante-douze heures par période de sept jours imposée par l'article 7 dudit décret ;

Considérant, d'autre part, que les tableaux complémentaires présentés par la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE au soutien de ses décisions d'effectifs distinguent des heures bleues, correspondant aux opérations commerciales, des heures jaunes, correspondant aux heures travaillées pour d'autres activités, des heures vertes et rouges, correspondant à des périodes de repos ainsi que des heures blanches, non renseignées ; que, même à admettre, comme le soutient la requérante, que ces heures blanches, lorsqu'elles ne sont pas précédées par des heures matérialisées par une couleur ou suivies par de telles heures, correspondent à des heures de repos, c'est-à-dire des heures pendant lequel le personnel, qu'il soit à bord ou à terre, n'est pas, par suite d'un ordre donné, à la disposition du capitaine, hors des locaux d'habitation à bord, elle n'apporte toutefois aucun élément permettant d'établir que celles de ces heures blanches qui sont situées entre des heures matérialisées par une couleur, et notamment entre des heures d'opérations commerciales ou des heures travaillées pour d'autres activités, devraient nécessairement être considérées comme des heures de repos, alors que, de telles heures blanches étant, contrairement à ce qu'allègue la société requérante, nécessairement passées à bord et ne correspondant, d'après ces tableaux, ni à des heures de repos sur vingt-quatre ou dix-huit heures ni à des heures de repos complémentaires d'onze heures par jour, le personnel y sera en principe et par suite d'un ordre donné à la disposition du capitaine, lesdites heures devant dès lors s'analyser, à défaut d'élément en sens contraire, en un temps de travail effectif au sens des dispositions précitées du III de l'article 1er du décret du 31 mars 2005 ; qu'il ressort desdits tableaux que l'addition des heures matérialisées en bleu et en jaune et de ces heures blanches intercalaires conduit, dans plusieurs cas, à excéder la durée maximale quotidienne de travail effectif de douze heures pourtant annoncée par les décisions d'effectifs et ainsi à excéder le plafond susmentionné de soixante-douze heures par période de sept jours ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par sa décision du 6 avril 2006, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui n'a pas commis d'erreur de fait ou de droit, a pu valablement et sans erreur d'appréciation estimer que l'organisation du travail présentée n'est pas conforme aux dispositions du décret susvisé du 31 mars 2005 et, en particulier, que la durée hebdomadaire de travail excède soixante-douze heures par période de sept jours ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur des décisions attaquées aurait usé des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées du décret susvisé du 26 mai 1967 dans un autre but que celui de s'assurer, dans le cadre du contrôle a priori dont le charge ce règlement, de la conformité des décisions d'effectifs présentées par la société requérante à la durée du travail ; que la circonstance que ces décisions ont pour effet de retarder le commencement des activités de cette société dans le port du Havre et, ce faisant, auraient eu pour effet de correspondre aux intérêts de tiers opposés à l'arrivée de cette entreprise sur le marché du remorquage dans ce port ne permet pas d'en inférer que l'autorité administrative aurait eu pour but la satisfaction des intérêts de ces tiers ; qu'il en résulte que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant que, de l'ensemble de ce qui précède, il suit que la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'elle conteste, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE sur leur fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

''

''

''

''

N°07DA01156 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01156
Date de la décision : 28/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : CABINET CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-05-28;07da01156 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award