Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
13 juin 2008 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 16 juin 2008, présentée pour M. Haci X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; il demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0800392, en date du 30 avril 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du
21 décembre 2007, par lequel le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le Tribunal administratif de Rouen, en fondant son jugement sur le fait que
M. X ne soutenait pas ne pas entrer dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, a placé la loi au dessus des conventions internationales ; que la décision portant refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celui-ci vivant en France depuis 2001, ayant établi, depuis 2006, une communauté de vie avec son épouse, de nationalité turque et titulaire d'une carte de résident ; que de nombreux membres de sa belle-famille résident en France de même que son frère, qui y séjourne régulièrement en qualité de conjoint d'une ressortissante française ; qu'il est le père d'un enfant né le 3 mai 2008 ; qu'à la date de la décision portant refus de séjour, il ne pouvait retourner dans son pays d'origine pour bénéficier de la procédure de regroupement familial en raison de la grossesse de son épouse ; que son épouse ne dispose pas de revenus lui permettant de solliciter le bénéfice d'un tel regroupement à son profit alors que lui est titulaire d'un contrat de travail permettant d'assumer sa famille ; que la procédure de regroupement familial l'exposerait à une séparation trop longue avec son épouse ; que l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de ses liens privés et familiaux en France est évidente ; qu'il dispose d'un logement et de réelles perspectives professionnelles ; que son insertion au sein de la société française est excellente ; que ses liens familiaux dans son pays d'origine sont de moindre importance que ceux qui l'unissent à son épouse, son enfant et sa belle-famille ; que la décision portant refus de séjour a donc porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. X, eu égard à l'insertion tant dans la société que professionnelle, ainsi qu'à l'intérêt supérieur de son enfant ; que le préfet de l'Eure a commis une erreur de droit en examinant sa situation au regard des seules dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la condition de visa prévue à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas opposable aux demandes effectuées sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ; que l'illégalité de la décision portant refus de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences sur la situation personnelle de M. X et à l'intérêt supérieur de son enfant ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2008, présenté par le préfet de l'Eure, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient que le Tribunal administratif de Rouen n'a pas fondé son jugement sur la possibilité, pour M. X, de bénéficier du regroupement familial ; que M. X est arrivé en France en octobre 2006 ; que ses parents résident dans son pays d'origine dans lequel il n'est exposé à aucun risque ; que ses liens conjugaux et son entrée irrégulière sur le territoire français sont récents ; que seul son frère est présent en France alors qu'il n'est pas isolé en Turquie ; que la décision portant refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que rien n'empêche la reconstitution de la cellule familiale en Turquie, pays d'origine de son épouse, ou le retour de M. X en Turquie pour qu'il demande un visa de long séjour pour s'installer en France ; que la décision portant refus de séjour ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'insertion économique, sociale ou professionnelle d'un étranger n'entraîne pas l'irrégularité de la décision portant refus de séjour ; que la naissance de l'enfant des époux X est postérieure à la décision attaquée ; que la décision portant refus de séjour ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que la situation de M. X a été étudiée au regard de l'ensemble de la réglementation ; que la légalité de la décision de refus de séjour fait que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'encourt pas l'annulation ; que cette décision est suffisamment motivée, n'entraîne de conséquences très graves pour la situation personnelle du requérant et ne contrevient pas à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que la décision fixant le pays de destination n'est pas contestée ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 octobre 2008, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le
26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et
M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :
- le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, de nationalité turque, né en 1978, relève appel du jugement, en date du 30 avril 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 21 décembre 2007, par lequel le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
Considérant que M. X se borne à soutenir en appel les mêmes moyens, appuyés par les mêmes éléments, développés devant le Tribunal administratif de Rouen, tirés de ce que le préfet de l'Eure se serait senti en situation de compétence liée pour prendre sa décision portant refus de séjour, et de ce que le préfet ne pouvait fonder cette décision sur l'absence de production d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au
bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que si M. X soutient résider en France depuis 2001, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu sur le territoire français après s'être vu refuser son admission au statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 21 janvier 2002, son admission au séjour par le préfet des Bouches-du-Rhône, le 18 mars 2002, l'asile territorial, le 5 août 2003, et son admission au séjour par le préfet de la Seine-Maritime, le 24 mai 2007 ; qu'au demeurant, il n'établit pas avoir résidé de manière ininterrompue sur le territoire français depuis 2001, ayant notamment déclaré auprès des services préfectoraux être retourné en Turquie, en 2006, pour voir ses parents ; que s'il n'est pas contesté qu'il établit une communauté de vie, depuis 2006, avec une compatriote titulaire d'une carte de résident avec laquelle il s'est marié la même année, que son frère réside régulièrement en France ainsi que de nombreux membres de sa belle-famille, il ressort des propres déclarations de M. X qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans ; qu'au surplus, il n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale en Turquie ou d'y retourner afin de bénéficier de la procédure de regroupement familial ou de solliciter un visa d'entrée régulier, et ce, nonobstant la circonstance selon laquelle son épouse était enceinte à la date de la décision attaquée ; que la naissance de l'enfant des époux X, le 3 mai 2008, intervenue postérieurement à la décision attaquée, est, en tout état de cause, sans influence sur sa légalité ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux conditions de séjour en France de M. X, au caractère récent de la communauté de vie et à la possibilité de reconstituer la cellule familiale dans son pays d'origine ou même en France après application de la procédure de regroupement familial, la décision portant refus de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision n'a méconnu, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de l'Eure n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. X, nonobstant la circonstance selon laquelle il aurait signé, en septembre 2007, un contrat de travail à durée indéterminée au sein de la SARL gérée par son frère ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la naissance de l'enfant de M. X, le 3 mai 2008, est postérieure à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que ladite décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 entrée en vigueur le 21 novembre suivant : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas à être motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision portant refus de séjour n'est entachée d'aucune illégalité ; qu'ainsi, M. X ne peut soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
Considérant que, pour les mêmes motifs évoqués précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Haci X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure.
N°08DA00921 2