Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 22 février 2008 et confirmée par la réception de l'original le 6 mars 2008, présentée pour M. Abderrahim X, demeurant ..., par Me Maachi ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0706972 du 21 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2007 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le Maroc ou tout autre pays où il serait légalement admissible comme pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le tribunal n'a pas pris en compte le recours dirigé contre la décision de refus d'autorisation de travail ; que c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'il n'était pas excipé d'une éventuelle illégalité de la décision du directeur départemental du travail du
Pas-de-Calais en date du 11 septembre 2007 ; que l'arrêté litigieux ne pouvait à l'évidence être notifié avant l'expiration de la validité du titre de séjour dont il était titulaire ; que la notification prématurée contrevient au dispositif d'éloignement visé à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la violation des dispositions de l'article R. 341-4 du code du travail est manifeste ; que la formation de l'exposant lui permettait d'occuper le poste proposé ; qu'il lui était tout à fait loisible ainsi qu'à son employeur de retenir un niveau d'embauche en deçà des qualifications ; que c'est par une erreur manifeste d'appréciation que la direction du travail refusait l'autorisation de travailler à l'exposant ; que, dès lors, au titre de l'exception d'illégalité, le refus de séjour étant dans la suite directe du refus de travail, il y aura lieu à annulation des décisions en cause ; qu'à tout le moins, le sursis à statuer s'impose dans l'attente de la décision pouvant être prise par le tribunal ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu la décision du 2 juin 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;
Vu la mise en demeure adressée le 3 juin 2008 au préfet du Pas-de-Calais, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2008, présenté par le préfet du
Pas-de-Calais ; le préfet conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'autorité administrative ne peut établir avec certitude si le requérant réside effectivement dans le ressort territorial de la Cour ; que l'enquête de police effectuée en date du 12 mars 2008 révèle que M. X ne réside plus sur Béthune depuis novembre 2006 ; que sa décision avait pour objet de répondre à une demande de changement de statut par le requérant de sa carte de séjour temporaire portant la mention étudiant en salarié ; qu'il est constant qu'à l'expiration du délai qui lui était imparti pour quitter la France, le 11 novembre 2007, le requérant ne pouvait plus se prévaloir de sa carte de séjour temporaire portant la mention étudiant expirant le 17 octobre 2007 ; qu'il ne pourra pas être contesté non plus qu'à la date du 13 juin 2007 à laquelle il a sollicité son changement de statut, il n'avait produit à ses services qu'une promesse d'embauche émanant de la société Supec ; qu'il n'a d'ailleurs pas produit de contrat de travail à l'audience de première instance, ce qui a été relevé dans le jugement contesté ; que, dans ces conditions, le requérant ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, si le requérant invoque l'illégalité de la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi, il ne l'établit pas sérieusement ; que la lecture du contrat de travail produit en appel permet de relever que la société Supec s'engage à embaucher le requérant en qualité d'opérateur-régleur-programmeur sur machine avec une qualification professionnelle 4 correspondant à employé qualifié, alors qu'en tant que titulaire d'un DESS en mécatronique, il devait être recruté en qualité d'ingénieur ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse,
président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, de nationalité marocaine, est entré en France le 3 septembre 1999, muni d'un visa Schengen D portant la mention « étudiant » et a régulièrement bénéficié à ce titre d'un titre de séjour temporaire dont le dernier renouvellement a été effectué en octobre 2006 ; qu'à l'issue de ses études, M. X a reçu une promesse d'embauche de la part de l'entreprise Supec, sous-traitante d'Airbus Industries sur son site de Méaulte (Somme) ; qu'il a sollicité, le 13 juin 2007, des services préfectoraux l'obtention d'un titre de séjour en qualité de « salarié » ; que la société Supec a parallèlement, pour ce faire, sollicité une autorisation de travail pour M. X ; que le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Pas-de-Calais a, le 11 septembre 2007, refusé de délivrer l'autorisation de travail demandée ; que, par arrêté du 2 octobre 2007, le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé sur la décision défavorable du directeur départemental du travail et de la formation professionnelle pour refuser son admission au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que M. X relève appel du jugement en date du 21 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté en soulevant, par voie d'exception, l'illégalité de la décision du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 11 septembre 2007 ;
Sur l'exception d'incompétence en appel soulevée par le préfet du Pas-de-Calais :
Considérant que si le préfet du Pas-de-Calais fait valoir que l'autorité administrative ne peut établir avec certitude que M. X réside effectivement dans le ressort territorial de la Cour, cette circonstance ne fait pas obstacle, en tout état de cause, à ce que la Cour statue sur la requête en appel présentée par ce dernier contre le jugement du Tribunal administratif de Lille pour laquelle elle est territorialement compétente en vertu des dispositions combinées des articles R. 322-1 et R. 222-7 du code de justice administrative ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que M. X fait valoir qu'il a également saisi le tribunal administratif d'une demande d'annulation de la décision du directeur départemental du travail et que le tribunal aurait donc dû joindre les deux requêtes avant de statuer sur la légalité de sa demande de titre de séjour ; que si ces demandes, enregistrées à des dates différentes devant le Tribunal administratif de Lille, présentaient à juger des questions connexes, le tribunal, qui n'était pas tenu de prononcer leur jonction, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. (...) » ;
Considérant que si M. X fait valoir que la décision attaquée lui a été notifiée le 10 octobre 2007 alors même que l'autorisation de séjour dont il disposait précédemment en qualité d'étudiant expirait le 17 octobre 2007, cette circonstance est toutefois sans incidence sur la légalité de la décision attaquée prise à sa demande, dès lors que l'obligation de quitter le territoire dont elle est assortie n'a pris effet qu'à l'expiration du délai d'un mois suivant cette notification, postérieure à la date de fin de validité du précédent titre de séjour ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail » ; qu'aux termes de l'article R. 341-3 du code du travail, alors en vigueur : « L'étranger venu en France pour y exercer une activité professionnelle salariée doit joindre à la première demande d'autorisation de travail qu'il souscrit le contrat de travail, revêtu du visa des services du ministre chargé des travailleurs immigrés, qu'il a dû obtenir avant son entrée en France. A titre dérogatoire, l'étranger qui séjourne régulièrement en France peut être autorisé à travailler. Il doit joindre à sa demande un contrat de travail. (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 341-4 du même code : « (...) pour accorder ou refuser le titre de travail sollicité le préfet du département où réside l'étranger prend notamment en considération les éléments suivants d'appréciation : 1. La situation de l'emploi présente et à venir dans la profession demandée par le travailleur étranger et dans la zone géographique où il compte exercer cette profession ; 2. Les conditions d'application par l'employeur de la réglementation relative au travail ; 3. Les conditions d'emploi et de rémunération offertes au travailleur étranger, qui doivent être identiques à celles dont bénéficient les travailleurs français ; 4. Les dispositions prises par l'employeur pour assurer ou faire assurer, dans des conditions normales, le logement du travailleur étranger (...) » ; qu'aux aux termes de l'article R. 341-4-1 du code du travail, inséré par le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007, entré en vigueur le 1er juillet 2007 : « I. Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées au premier alinéa de l'article R. 341-3, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu, le cas échéant, des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà effectuées par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience et, le cas échéant, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; 3° Le respect par l'employeur ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; 4° Le cas échéant, le respect par le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée (...) » ;
Considérant que M. X conteste par la voie de l'exception, la légalité de la décision du 11 septembre 2007 par laquelle le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a refusé l'autorisation de travail sollicitée ; que le directeur départemental du travail s'est fondé sur le fait que l'emploi d'opérateur-régleur-programmeur sur machine à commande numérique proposé à l'embauche ne correspondait pas à la formation d'ingénieur de l'intéressé et que, par ailleurs, M. X pouvait prétendre, compte tenu de ses diplômes, à un salaire plus élevé que celui qui lui était proposé ; que, contrairement à ce que soutient M. X, ces motifs étaient au nombre de ceux susceptibles, au regard des dispositions précitées du code du travail, d'être retenus par l'administration pour se prononcer sur la demande d'autorisation de travail ; que la qualification résultant du diplôme de master, à finalité professionnelle, mention mécatronique, dans le domaine de l'ingénierie, dont est titulaire M. X, ne correspond pas aux caractéristiques de l'emploi d'opérateur-régleur-programmeur sur machines à commande numérique et notamment au salaire y afférent ; que le directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Pas-de-Calais, après avoir interrogé l'agence locale pour l'emploi d'Albert sur le poste proposé par l'entreprise Supec, a également relevé que des mises en relation avaient été effectuées du 20 avril 2007 au 7 juin 2007 ; qu'ainsi, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas pris en compte la situation de l'emploi dans la profession et la zone géographique pour lesquelles la demande était formulée ; qu'il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision du 11 septembre 2007 n'est pas entachée d'erreur de droit, ni d'erreur de fait ; qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité soulevée par M. X doit être écartée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 76-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abderrahim X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
N°08DA00328 2