Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 11 avril 2008, présentée pour la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM), dont le siège est 18 rue Edouard Rocher à Lyon (69372), par la société d'avocats SPPS avocats ; la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM) demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701392 du 14 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 23 864,06 euros en réparation du préjudice subi par le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, dans les droits duquel elle se trouve subrogée, du fait de la destruction par incendie, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2005, de l'entrée du centre médico-psychologique de Carvin ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MALADIE (SHAM) soutient que les dommages subis par le centre médico-psychologique de Carvin, dépendant du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, s'inscrivent dans un contexte de violences généralisées sur une grande partie du territoire national suite au décès de deux adolescents en région parisienne, le 27 octobre 2005 ; que, suite à ces évènements, elle est fondée à demander réparation à l'Etat des dommages sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ; que les faits à l'origine des dommages sont la conséquence d'un délit issu d'actions concertées et s'inscrivaient dans le cadre d'un mouvement d'ampleur national, qui a, par ailleurs, amené le gouvernement à décréter l'état d'urgence ; qu'à titre subsidiaire, la responsabilité de l'Etat peut être engagée du fait de sa carence lors des opérations de maintien de l'ordre ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 24 juin 2008 et régularisé le 25 juin 2008 par la production de l'original, présenté par le préfet du Pas-de-Calais qui conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient que la requête de l'appelante est irrecevable, la subrogation établie au profit de la SHAM portant pour un montant inférieur à la somme demandée en réparation des dommages ; qu'une procédure judiciaire est en cours pour connaître les auteurs des actes délictueux à l'origine des dommages ; que pour engager la responsabilité de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, il est nécessaire que les dommages résultent d'attroupement ou d'un rassemblement précisément identifié et caractérisé ; que les dommages en question sont l'oeuvre de personnes isolées n'entrant pas dans le cadre d'un mouvement revendicatif ; que la responsabilité de l'Etat au titre de la rupture d'égalité devant les charges publiques ne peut être invoquée par l'appelante, le préjudice dont elle se prévaut ne présentant pas de caractère anormal ni spécial et une abstention volontaire des forces de l'ordre à intervenir n'étant nullement établie ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 4 novembre 2008 et régularisé par la production de l'original le 7 novembre 2007, présenté pour la SHAM qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 13 novembre 2008, présenté par le préfet du Pas-de-Calais ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivité territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :
- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;
- les observations de Me Bavay, pour la SHAM ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM) demandent à la Cour d'annuler le jugement du 14 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 23 864,06 euros en réparation du préjudice subi par le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, dans les droits duquel elle se trouve subrogée, du fait de la destruction par incendie, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2005, de l'entrée du centre médico-psychologique de Carvin ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : « L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens » ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans la nuit du 13 au 14 novembre 2005, l'entrée du centre médico-psychologique de Carvin, dépendant du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, a été incendié par des individus qui n'ont pu être identifiés ; que si ces faits se sont déroulés au cours du dernier trimestre de l'année 2005 durant lequel des violences urbaines ont pu être commises en attroupements dans certaines communes et alors que l'état d'urgence avait, en raison de l'aggravation de ces violences depuis le 27 octobre 2005, été déclaré le 8 novembre 2005, ces actes délictueux, eu égard notamment à leur caractère clandestin, ne sauraient être regardés comme commis par un attroupement ou un rassemblement ; que, dès lors, les dommages qu'ils ont causés ne sont donc pas de ceux qui peuvent ouvrir droit à réparation sur le terrain de l'article L. 2216-3 du code précité ;
Considérant, en second lieu, que la SHAM n'établit pas que les autorités en charge du maintien de l'ordre se seraient, dans un but d'intérêt général, volontairement abstenues d'intervenir pour empêcher la commission des faits à l'origine des dommages que le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont a subis ; qu'ainsi, aucun lien direct de causalité entre l'action de l'administration et ces dommages n'est démontré, de sorte que la responsabilité, sans faute, de l'Etat ne saurait davantage être engagée envers la société requérante pour rupture d'égalité devant les charges publiques ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM) n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 23 864,06 euros en réparation du préjudice subi par le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, dans les droits duquel elle se trouve subrogée, du fait de la destruction par incendie, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2005, de l'entrée du centre médico-psychologique de Carvin ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM) la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM) est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLE (SHAM) et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°08DA00629