Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
15 février 2008 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 22 février 2008, présentée pour Mme Petula Line X, demeurant ..., par la Société d'avocats Potié, Lequien, Cardon, Thiéffry, En-Nih, Bonduel, Lebas ; elle demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0702372, en date du 20 décembre 2007, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du
16 août 2007, par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée, d'une part, en ce quelle ne vise pas la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Yaoundé le 24 janvier 1994, et, d'autre part, en ce qu'elle ne précise pas au regard de quel fondement juridique l'examen de sa demande a été effectué ; qu'en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait dû, préalablement à l'adoption de sa décision, solliciter l'avis de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour ; que la décision portant refus de séjour ne pouvait se fonder légalement que sur l'absence de production d'un visa de long séjour, l'autorité préfectorale étant tenue de procéder à un examen individuel de la demande et n'ayant pas compétence liée sur ce point ; que l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant entré en vigueur postérieurement à la délivrance du visa de court séjour dont elle disposait, la condition de visa de long séjour ne pouvait lui être opposée ; que la demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code dispense la condition de visa prévue par l'article L. 311-7 précité ; qu'elle pouvait se voir délivrer un titre de séjour en application du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, Mme X se trouvant dans l'impossibilité d'exercer sa profession d'avocat au Cameroun ; que cette même décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle vit en concubinage avec un ressortissant français, lequel a reconnu son enfant ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit et en fait ; que l'illégalité de la décision portant refus de séjour implique la nullité de la décision portant obligation de quitter le territoire ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en tant qu'elle ne mentionne pas le pays de renvoi ; que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en tant qu'elle ne permet pas d'identifier le pays de renvoi effectif ; que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique celle de la décision fixant le pays de renvoi ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2008, présenté par le préfet de l'Aisne, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient que les stipulations de la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes ne dérogent pas aux dispositions de droit commun ; que la décision portant refus de séjour est donc suffisamment motivée ; que Mme X ne relève pas des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'avait pas à saisir, préalablement à l'adoption de sa décision, la commission départementale du titre de séjour ; que Mme X n'a pas justifié d'un visa de long séjour tel que prévu par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne justifie pas être dans l'impossibilité de retourner dans son pays pour obtenir un tel visa ; que l'éventualité selon laquelle la situation de Mme X relèverait du 3° de l'article L. 313-10 du même code ne l'affranchit pas de l'obligation de produire un visa de long séjour ; qu'il a pris en considération la situation familiale de la requérante pour prendre sa décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ; que la circonstance selon laquelle Mme X justifie d'une communauté de vie avec un ressortissant français depuis octobre 2006, ce dernier ayant reconnu la fille de la requérante, est sans incidence sur la légalité de sa décision ; que la requérante n'a pas mentionné sa communauté de vie lors du dépôt de sa demande ; que son arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le bordereau de pièces, enregistré le 4 avril 2008, présenté pour Mme X ;
Vu le bordereau de pièces, enregistré le 20 juin 2008, présenté par le préfet de l'Aisne ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 29 septembre 2008 après clôture de l'instruction et confirmé le 1er octobre 2008 par la production de l'original, présenté pour le Conseil national des barreaux, par Me Liger ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;
Vu le décret n° 2006-1708 du 21 décembre 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur
et M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :
- le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur ;
- les observations de Me Lequien, pour Mme X ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X relève appel du jugement, en date du 20 décembre 2007, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 16 août 2007, par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
Considérant que Mme X invoque en appel les mêmes moyens, appuyés par les mêmes éléments, développés devant le Tribunal administratif d'Amiens tirés de ce que la décision portant refus de séjour serait insuffisamment motivée, de ce que cette décision serait entachée d'un vice de procédure compte tenu de l'absence de saisine, par le préfet de l'Aisne, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, telle que prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que le préfet n'aurait pas examiné sa situation personnelle, de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 24 juillet 2006 susvisée : « Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour « compétences et talents » sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois » ; que cette loi est entrée en vigueur à compter de sa publication au Journal officiel de la République française intervenue le 25 juillet 2006 ; que les dispositions modifiées de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient, dès lors, applicables à compter de cette date à la situation des étrangers entrés en France antérieurement à leur entrée en vigueur et dont la demande de titre de séjour était en cours d'instruction ; qu'il suit de là qu'en se fondant sur ces dispositions pour refuser de délivrer, le
16 août 2007, un titre de séjour à Mme X, le préfet de l'Aisne n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : « La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...) / » ; qu'il ressort des termes mêmes de cet article qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est pas davantage établi par Mme X qu'elle aurait explicitement demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 précité ; que, dès lors, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, notamment du fait de l'absence de production par la requérante d'un visa de long séjour, le préfet de l'Aisne n'a commis aucune erreur de droit ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : « La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / (...) / 3° A l'étranger qui vient exercer une activité professionnelle non soumise à l'autorisation prévue à l'article L. 341-2 du code du travail et qui justifie pouvoir vivre de ses seules ressources. / Elle porte la mention de l'activité que le titulaire entend exercer / (...) / » ; qu'aux termes de l'article L. 341-2 du code du travail alors en vigueur : « Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger doit présenter, outre les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur, un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. / Il doit également attester, dans l'hypothèse où il manifeste la volonté de s'installer durablement en France, d'une connaissance suffisante de la langue française sanctionnée par une validation des acquis ou s'engager à l'acquérir après son installation en France, dans des conditions qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et Mme X n'établit pas davantage, d'une part, que sa demande de titre de séjour a été présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 précité et, d'autre part, qu'elle remplissait les conditions prévues par ces dispositions pour obtenir une carte de séjour temporaire sur leur fondement ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant que si la motivation de la décision prescrivant l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration demeure toutefois tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué, s'il est suffisamment motivé en fait, se borne à viser, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rappeler les dispositions de ce code permettant de fonder cette mesure d'éloignement ; que, dès lors, Mme X est fondée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité et doit, par suite, être annulé ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens présentés à l'appui des conclusions de la requérante, la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision du préfet de l'Aisne, en date du
16 août 2007, lui refusant un titre de séjour ; qu'en revanche, l'intéressée est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions prises le même jour par lesquelles le préfet de l'Aisne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique qu'il soit mis fin au placement en rétention administrative de l'intéressée et que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ; qu'en dehors de cette mesure, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, lorsqu'elle n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution particulière ;
Considérant qu'au cas d'espèce, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme X n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ; que, par suite, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle annulation implique que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0702372, en date du 20 décembre 2007, du Tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par Mme X tendant à l'annulation des décisions, en date du 16 août 2007, par lesquelles le préfet de l'Aisne l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi, et ces décisions sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aisne ou à l'autorité administrative compétente de délivrer à Mme X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme X une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présenté par Mme X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Petula Line X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.
N°08DA00293 2