Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
29 février 2008 par télécopie et confirmée le 6 mars 2008 par la production de l'original, présentée pour Mlle Astou X, demeurant ..., par Me Farabet-Diop ; Mlle X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0702387 du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du
19 juillet 2007 du préfet de l'Aisne refusant de lui délivrer un titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le Sénégal comme pays à destination duquel elle sera renvoyée, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter dudit jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de faire droit à sa demande présentée en première instance en toutes ses dispositions ;
Elle soutient qu'elle est en droit de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le refus de séjour contesté comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour et aura sur sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2008, présenté par le préfet de l'Aisne, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que Mlle X ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour « commerçant » en tant que simple associée majoritaire d'une SARL ; que les documents produits par la requérante à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont que des documents estimatifs qui ne prouvent aucunement l'activité économiquement viable de la société IB2S ; que l'arrêté attaqué n'a pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation de la requérante ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2008 par télécopie et confirmé le 13 mai 2008 par la production de l'original, présenté pour Mlle X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient, en outre, que ces projets commerciaux sont actuellement en cours de réalisation ; qu'elle est enceinte de deux mois et vit avec le père de son enfant, qu'ainsi un retour au Sénégal constituerait pour elle une atteinte à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et
M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :
- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de Mlle X est dirigée contre un jugement du
20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2007 du préfet de l'Aisne refusant de lui délivrer un titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le Sénégal comme pays à destination duquel elle sera renvoyée ;
Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte sur le refus de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...) 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée (...) » ; que Mlle X fait valoir qu'elle a créé une société inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis 2005, dont elle est la gérante de fait, dont elle détient 85 % du capital et pour laquelle elle assure l'essentiel de l'activité d'ingéniérie en construction ; que, toutefois, si Mlle X produit deux contrats estimatifs signés avec des particuliers, l'un le 31 juillet 2007 d'un montant de 167 656 euros et l'autre le 27 décembre 2007 d'un montant de 205 782 euros qui a donné lieu à la délivrance d'un permis de construire le 19 mars 2008, ainsi qu'une correspondance du 5 mars 2008 relative à un projet de construction de 40 appartements, ces projets et contrats, qui sont postérieurs à la décision attaquée, sont sans influence sur sa légalité ; qu'enfin, si Mlle X produit un compte de résultat de la société IB2S pour l'année 2007 qui fait apparaître un chiffre d'affaires de 337 438 euros pour un résultat net d'exploitation de 60 104 euros, ce compte de résultat n'est pas de nature à justifier que Mlle X exerçait, une activité économiquement viable avant le 19 juillet 2007, date de la décision attaquée ; qu'ainsi, c'est à bon droit qu'en application de l'article L. 313-10 précité, le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
Considérant que si Mlle X fait valoir, dans son mémoire enregistré le 18 avril 2008, qu'elle est enceinte de deux mois et vit avec le père de son futur enfant, cette circonstance qui est postérieure à la décision attaquée est sans influence sur sa légalité ; que, par suite, le moyen de Mlle X, tiré de ce que le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
Considérant que si Mlle X soutient que la décision de refus de séjour aura sur sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité en raison du fait qu'elle assure seule le fonctionnement de la SARL IB2S, il résulte de ce qui précède, qu'en tout état de cause, elle ne justifie pas d'une activité économiquement viable ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation entachant la décision de refus de séjour doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Aisne du 19 juillet 2007 en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire et en tant qu'elle fixe le pays de destination et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa » ;
Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait visé dans sa décision l'article L. 511-1 du même code, qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;
Considérant qu'en se bornant, en l'espèce, à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aisne a méconnu cette exigence ; que la décision par laquelle il a fait obligation à Mlle X de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination doit, en conséquence, et contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal administratif d'Amiens, être annulée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif. Il peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, en cas de placement en rétention de l'étranger avant qu'il ait rendu sa décision, il statue, selon la procédure prévue à l'article L. 512-2, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, au plus tard soixante-douze heures à compter de la notification par l'administration au Tribunal de ce placement. Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique qu'il soit mis fin au placement en rétention administrative de l'intéressé et que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ; qu'en dehors de cette mesure, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, lorsqu'elle n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution particulière ;
Considérant qu'au cas d'espèce, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mlle X n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ; que, par suite, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle annulation implique que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à verser à Mlle X la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0702387 du 20 décembre 2007 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mlle X dirigées contre les décisions du 19 juillet 2007 par lesquelles le préfet de l'Aisne lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; ces deux décisions sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aisne ou à l'autorité administrative compétente de délivrer à Mlle X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mlle X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Astou X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.
N°08DA00377 2