Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 21 décembre 2007 par la production de l'original, présentée pour M. Ahmed X, demeurant au ..., par Me Rouly ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702310 du 20 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2007 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler ledit arrêté du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la procédure par laquelle l'avis du médecin inspecteur de la santé publique et la décision du préfet ont été rendus est irrégulière ; que le médecin inspecteur de la santé publique a rendu son avis exclusivement au regard de la fiche pays produite par le préfet ; que celui-ci a pris sa décision en se fondant uniquement sur l'avis du médecin inspecteur de la santé publique sans mettre en oeuvre son pouvoir d'appréciation ; qu'en ne motivant pas spécialement sa décision au regard de la pénurie de soins en Algérie, le préfet n'a pas respecté les exigences de la loi n° 79-591 du
11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; que le préfet aurait dû saisir la commission médicale régionale ; que la décision de refus de séjour est contraire à l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et à l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de soins de ses pathologies risque d'entraîner des conséquences d'une extrême gravité comme l'attestent de nombreux certificats médicaux et que l'offre de soins n'est pas appropriée comme le précise la fiche pays produite par le préfet qui indique une inadéquation entre l'offre et la demande de soins ; que des certificats de médecins algériens attestent qu'il a dû quitter l'Algérie parce que le traitement de ses pathologies n'était pas disponible dans ce pays ; que le préfet de la Seine-Maritime a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation ; que M. X est recevable à contester l'illégalité externe de l'obligation de quitter le territoire français en appel dès lors qu'il a soulevé devant les premiers juges un moyen tiré de l'illégalité externe de la décision de refus de séjour et de la décision d'éloignement ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée dans la mesure où elle ne précise pas le fondement juridique sur lequel elle a été prise ; qu'elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire à l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet, connaissant la gravité de l'état de santé de M. X, ne pouvait prendre une décision d'éloignement sans solliciter à nouveau l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ; que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination est contraire à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de soins en Algérie exposerait le requérant à des traitements inhumains et dégradants ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 7 janvier 2008 fixant la clôture de l'instruction au 25 février 2008 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2008, présenté par le préfet de la
Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il a pris sa décision après avoir consulté l'ensemble des documents produits par le requérant ; que le médecin inspecteur de la santé publique a émis son avis après examen de l'entier dossier de M. X et pas seulement de la fiche pays produite par le préfet ; que son arrêté est donc suffisamment motivé ; que le médecin inspecteur de la santé publique n'est pas tenu de saisir la commission médicale régionale avant de prendre son avis ; que l'arrêté litigieux n'est pas contraire à l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et à l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme l'a relevé à bon droit le Tribunal administratif de Rouen ; qu'il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors que le requérant peut être soigné en Algérie comme il l'a été entre 1996 et 2006 ; que l'avis du Conseil d'Etat du 19 octobre 2007 relatif à la motivation des obligations de quitter le territoire français n'est pas applicable au cas d'espèce dès lors que l'arrêté est intervenu à une date antérieure à cet avis ; qu'il n'était pas nécessaire de solliciter un second avis du médecin inspecteur de la santé publique avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que cette décision n'est pas privée de base légale dès lors que le refus de séjour est légal ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas contraire à l'article
L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est ni contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que M. X peut être soigné en Algérie alors même qu'il n'a pu constater d'évolution favorable de sa pathologie lorsqu'il vivait dans son pays d'origine ;
Vu l'ordonnance du 5 mai 2008 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et
M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, ressortissant algérien, entré en France le 20 juin 2006, est affecté depuis 1996 d'une spondylarthrite ankylosante et de troubles psychiatriques ; qu'il a demandé le 27 septembre 2006 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par arrêté du 2 août 2007, le préfet de la
Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
Sur la décision de refus de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : « (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat » ; que l'arrêté du
8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin chef d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ; qu'il appartient ainsi au médecin inspecteur, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments nécessaires pour éclairer sa décision relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre ;
Considérant, en premier lieu, que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Seine-Maritime a pris notamment en compte l'avis du médecin inspecteur de la santé publique, en date du 10 mai 2007, indiquant que, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale de longue durée, le défaut de prise en charge médicale ne risque pas d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le médecin inspecteur de la santé publique aurait émis son avis en se fondant exclusivement sur la « fiche pays » produite par le préfet et indiquant que les traitements de ses pathologies ne seraient pas disponibles en Algérie ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que si le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale, il n'est pas tenu de le faire ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que le préfet ou le médecin inspecteur de la santé publique devait saisir la commission médicale régionale et que la décision du préfet de la Seine-Maritime aurait été rendue après une procédure irrégulière ;
Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté litigieux, qui énonce les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde, ne méconnaît pas les dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, qui s'est en particulier référé au certificat médical produit par l'intéressé, n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. X avant de refuser la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait, ni qu'il se serait estimé lié par l'avis du médecin inspecteur de la santé publique et n'aurait pas mis en oeuvre son pouvoir d'appréciation ;
Considérant, enfin, que M. X, qui a été soigné pour ses pathologies pendant dix ans en Algérie, et fait valoir que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées l'a reconnu handicapé par une décision du 15 mai 2007, n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il produit, notamment des avis médicaux établis à sa demande qui sont peu circonstanciés, que le préfet se serait mépris sur la gravité des conséquences d'un défaut de soins et sur la disponibilité des traitements appropriés en Algérie ; qu'ainsi, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral du 2 août 2007 serait contraire aux dispositions précitées des articles 6-7° de l'accord franco-algérien et L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) » ;
Considérant que si la motivation de la décision prescrivant l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration demeure toutefois tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué, s'il est suffisamment motivé en fait, se borne à viser, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rappeler dans ses visas, ses motifs ou même son dispositif, les dispositions de ce code permettant de fonder cette mesure d'éloignement ; que le requérant est, dans cette mesure, fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant l'Algérie comme pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander, par le moyen présenté pour la première fois en appel du défaut de motivation, l'annulation du jugement du 20 novembre 2007 du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande en ce qu'elle concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant l'Algérie comme pays de destination et l'annulation dans cette mesure de l'arrêté attaqué ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique que soit délivrée à l'étranger une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet du Nord de délivrer à
M. X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 800 euros au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0702310 du 20 novembre 2007 du Tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X en ce qu'elle concerne l'obligation de quitter le territoire français et la fixation de l'Algérie comme pays de destination.
Article 2 : Les articles 2 et 3 de l'arrêté du 2 août 2007 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 800 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. X est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmed X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
N°07DA01962 2