Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 29 octobre 2007, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me L'Hommée ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0507061 du 12 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
Ils soutiennent que la notification de redressements est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle ne comporte pas la notification de redressements adressée à la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » dont procèdent les redressements mis à leur charge et que les droits de la défense ont été méconnus ; que le jugement est entaché d'erreurs de fait ; qu'en effet, les comptes de la société à responsabilité limitée « Caraïbes développement » n'ont été clôturés par la Société Générale que le 5 janvier 1999 ; que le comportement de la Société Générale qui n'a pas délivré les chéquiers et a bloqué arbitrairement les comptes le 30 décembre 1998 constitue un cas de force majeure qui a contraint la société à responsabilité limitée « Caraïbes développement » à adresser un chèque sur papier libre en Guadeloupe pour procéder avant la fin du mois de décembre 1998 à l'augmentation du capital ; que ce chèque y est parvenu avant la fin de l'année ; que la date de mise à disposition d'un chèque émis par lettre est celle de la réception de la lettre ; que la doctrine reconnaît que le paiement est considéré comme opéré dans les délais si la date portée sur le cachet postal de l'enveloppe n'est pas postérieure à la date limite de paiement, ce qui est le cas en l'espèce de sorte que la remise de ce chèque vaudrait versement et libération du capital au 31 décembre 1998 ; que le décret du 23 juin 1980 qui subordonne la déduction pour investissement au versement effectif des fonds ajoute à la loi qui ne mentionne que la notion de souscription laquelle n'implique qu'un versement partiel des fonds ; que la force majeure et le fait du tiers, qui doivent être appréciés au regard du redevable lui-même, exonèrent les requérants des conséquences du non-respect de leurs engagements ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 février 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que la notification de redressements ne fait pas référence à celle adressée à la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » ; que le moyen tiré de ce qu'elle aurait dû être jointe à la notification de redressements qui leur a été adressée doit ainsi être écarté ; que la notification de redressements est suffisamment motivée ; que le chèque établi sur papier libre au profit de la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » n'a pas été encaissé, ni présenté à l'encaissement avant la fin de l'année ; qu'au demeurant, il n'est pas démontré qu'il aurait été remis avant cette date à la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » ; que le journal de banque de la société à responsabilité limitée « Caraïbes développement » ne fait pas apparaître de chèque au profit de la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » avant le 31 décembre 1998 ; que si les requérants invoquent un cas de force majeure, ils n'apportent aucun élément, alors qu'il leur appartient de le faire, de nature à établir l'imprévisibilité, l'extériorité et l'irrésistibilité de la situation dans laquelle se trouvaient les parties ; que la force majeure ne pourrait avoir d'incidence que s'il était établi que le chèque était en possession de la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » et que son encaissement a été refusé ; que tel n'est pas établi ; qu'ainsi, seul le capital effectivement versé au 31 décembre 1998 ouvrait droit à déduction ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 mars 2008, présenté pour
M. et Mme X, tendant aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire présenté pour l'Etat le 10 juin 2008, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 juin 2008, présenté pour
M. et Mme X, tendant aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et en outre à ce que la Cour ordonne une mesure d'instruction aux fins de demander à l'administration de produire le bilan au 31 décembre 1998 de la société civile immobilière «La Palmeraie», d'obtenir de la société Générale les raisons du blocage des comptes et du service vérificateur les raisons pour lesquelles il n'a pas mis en oeuvre son droit de communication auprès de cette banque ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en 1998, M. et Mme X ont souscrit pour un montant de 1 000 000 francs au capital de la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave », en partie grâce à des fonds qui leur ont été prêtés par la société à responsabilité limitée « Caraïbes Développement », et qu'ils ont bénéficié pour cet investissement d'une réduction d'impôt sur le revenu en application de l'article 199 undecies du code général des impôts ; qu'à la suite des vérifications de comptabilité desdites sociétés, l'administration, après avoir constaté que l'ensemble de la participation de M. et Mme X au capital de la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » n'avait pas été versé avant le 31 décembre 1998, a en conséquence limité le bénéfice de la réduction d'impôt aux sommes effectivement versées à cette date pour un montant de 280 000 francs et leur a notifié des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1998, 1999 et 2000 ; que M. et Mme X relèvent appel du jugement du 12 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a refusé de les décharger desdites impositions et pénalités ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales alors applicable : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. » ;
Considérant que l'administration a, par la notification de redressements du
3 décembre 2001, indiqué à M. et Mme X la nature et le montant du redressement envisagé en reprenant les informations recueillies par elle lors de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » au capital de laquelle ils ont souscrit ; que cette notification de redressement à laquelle l'administration n'était pas tenue de joindre celle adressée à la société, était régulièrement motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que M. et Mme X ne sauraient, en tout état de cause, utilement faire grief à l'administration de ne pas leur avoir communiqué les pièces relatives à la procédure menée avec la société dès lors qu'ils ne justifient pas en avoir fait la demande en réponse à la notification de redressements qui leur a été adressée ;
Considérant, par ailleurs, que si les requérants soutiennent que le principe du contradictoire aurait été méconnu, ils n'invoquent la méconnaissance d'aucune disposition du livre des procédures fiscales et que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut utilement être invoqué pour contester la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies du code général des impôts alors applicable : « 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables qui investissent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon jusqu'au 31 décembre 2002. Elle s'applique : (...) b. au prix de souscription de parts ou actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs situés dans ces départements et qu'elles donnent en location nue pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement à des personnes qui en font leur habitation principale. (...) 3. La réduction d'impôt s'applique pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année d'achèvement de l'immeuble, ou de son acquisition si elle est postérieure, ou de souscription des parts ou actions, et des quatre années suivantes. Chaque année, la base de la réduction est égale à 20 % des sommes effectivement payées à la date où le droit à réduction d'impôt est né. » ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'investissement est réalisé par acquisition de parts de société, la réduction d'impôt prévue par cet article ne bénéficie qu'aux seules sommes effectivement versées avant la fin de l'année au cours de laquelle sont souscrites lesdites parts ;
Considérant, en premier lieu, que les constatations faites par l'administration lors des vérifications de comptabilité de la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » et de la société à responsabilité limitée « Caraïbes Développement » établissent qu'au
31 décembre 1998, la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » n'ait pas encaissé les capitaux correspondant à l'augmentation de capital à laquelle avaient souscrit
M. et Mme X pour un montant de 1 000 000 francs ; que si les requérants font valoir qu'il conviendrait de prendre en compte un chèque sur papier libre daté du 29 décembre 1998 qui aurait été émis par la société à responsabilité limitée « Caraïbes Développement » pour le montant du capital restant à verser soit 720 000 francs, ils n'établissent pas, en tout état de cause, que ce chèque aurait été reçu avant la fin de l'année par la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » en se bornant à produire le récépissé d'un courrier en Chronopost daté du 28 décembre 1998 et adressé à la société SOFILEM ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme X font valoir que l'augmentation effective du capital de la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » avant le 31 décembre 1998 a été rendue impossible en raison du comportement imprévisible de la banque de la société à responsabilité limitée Caraïbes Développement qui n'aurait pas délivré les formules de chèques et aurait abusivement rompu les relations commerciales avec sa cliente ; qu'il résulte cependant de l'instruction qu'ils ont procédé le 17 novembre 2008 à l'investissement en cause alors qu'il devait être financé à hauteur de 72 % par une société dont il est constant qu'elle n'a procédé à l'ouverture du compte bancaire correspondant que le
16 décembre 1998 et alors que cette relation commerciale était soumise à un agrément ; que les requérants n'établissent pas avoir accompli toutes les diligences pour s'assurer des conditions de financement de la souscription avant la fin du mois de décembre 1998 ; qu'ils ne sont donc, et en tout état de cause, pas fondés à soutenir que le retard dans la libération du capital de la société civile immobilière « Les Jardins de Goyave » serait exclusivement le fait d'un tiers ou encore présenterait, en outre, les caractères d'imprévisibilité, d'extériorité et d'irrésistibilité caractérisant la force majeure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner le supplément d'instruction sollicité, que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande en ce qu'elle tendait à la décharge des impositions complémentaires mises à leur charge au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Pierre X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°07DA01645