Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2007 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 30 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la VILLE DE LILLE, représentée par le cabinet Adekwa ; elle demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0507270, en date du 17 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme Hélène BX, Mme Christiane Y, Mme Danièle Z, Mme Marie-Hélène A et M. Jean-Paul BX, annulé l'arrêté du maire de Lille, en date du 5 avril 2005, refusant de leur délivrer un permis de construire pour l'édification d'un ensemble immobilier à usage de logement collectif sur un terrain situé rue des Jardins Caulier à Lille ;
Elle soutient que le permis de construire tacite étant illégal, il pouvait être retiré pendant le délai de recours contentieux ; qu'en retenant, pour annuler l'arrêté municipal du 5 avril 2005, le motif tiré de la procédure irrégulière fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le Tribunal administratif de Lille a méconnu son office, d'une part, en soulevant d'office un moyen non présenté par les requérants et, d'autre part, en s'abstenant de le communiquer préalablement aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que les premiers juges ont également porté atteinte au principe d'impartialité et ont, par suite, violé les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 était, en outre, inapplicable en l'espèce compte tenu du caractère d'urgence que présentait le retrait du permis de construire tacite, celui-ci étant contraire aux dispositions du plan local d'urbanisme de la VILLE DE LILLE, ainsi qu'en raison de la nécessité de préserver l'ordre public, compte tenu de l'atteinte à l'environnement portée par le projet de construction, au regard des exigences des articles 2, 3 et 6 de la charte de l'environnement de 2004 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2007, présenté pour Mme Hélène BX, demeurant ..., Mme Christiane Y, demeurant ..., Mme Danièle Z, demeurant ..., Mme Marie-Hélène nomHalluA, demeurant ... et M. Jean-Paul BX, demeurant ..., par la SCP Soland et Associés ; ils demandent à la Cour de rejeter la requête présentée par la VILLE DE LILLE et de la condamner à verser à l'indivision BX-Z la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que le permis de construire tacite qui leur a été accordé, étant intervenu après une décision de sursis à statuer, ne pouvait être retiré ; que les règles d'urbanisme à retenir doivent être celles applicables à la date du dépôt de leur demande ; que les dispositions de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 ne peuvent qu'être combinées avec celles de l'article 24 de la même loi ; que la décision portant retrait du permis de construire tacite devait être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979 et être précédée d'une procédure contradictoire ; qu'en première instance, ils avaient soulevé le défaut de procédure contradictoire ; que les premiers juges n'ont pas méconnu le principe d'impartialité ; que l'urgence à retirer le permis de construire tacite n'est pas caractérisée et, en tout état de cause, ne pourrait être imputée qu'à la VILLE DE LILLE ; que le moyen tenant à la préservation de l'ordre public environnemental est sans intérêt, le permis de construire tacite étant accordé au vu du plan d'occupation des sols en vigueur au moment du dépôt de la demande de permis de construire ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2008 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 5 mai 2008, présenté pour Mme BX et autres qui concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution et notamment son préambule ;
Vu la charte de l'environnement ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 2003-221 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2008 à laquelle siégeaient
M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Albert Lequien, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;
- les observations de Me Cliquennois, pour la VILLE DE LILLE et de Me Fontaine-Chabbert, pour Mme BX et autres ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la VILLE DE LILLE soutient qu'en se fondant sur le motif tiré de la violation des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le Tribunal administratif de Lille a soulevé un moyen qui n'était pas d'ordre public, en tout état de cause, en méconnaissance des exigences de communication préalable d'un moyen d'ordre public, imposées par l'article R. 611-7 du code de justice administrative et a, enfin, méconnu le principe d'égalité des armes consacré par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ressort des mémoires de première instance que le moyen tiré de la violation de la procédure contradictoire instituée par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée n'avait à aucun moment été soulevé par les demandeurs ou même débattu par la commune en défense ; que si, il est vrai, les demandeurs ont invoqué en première instance la « violation des procédures » à respecter en matière de retrait d'un acte créateur de droit et fait allusion à la « procédure contradictoire » exigée en matière de refus de permis de construire, un tel moyen de procédure n'était cependant pas assorti des précisions qui permettaient d'en apprécier la portée réelle et le bien-fondé et ne pouvait, dès lors, qu'être écarté ; que, par suite, en rattachant le moyen de procédure ainsi très sommairement formulé à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et en retenant une violation de la procédure contradictoire telle qu'elle est prévue par cette disposition pour prononcer l'annulation de la décision attaquée, sans qu'aucune des parties à l'instance ne se soit jamais prononcée sur les mérites d'un tel moyen, le Tribunal doit être regardé comme ayant dépassé ce qu'exigeait son office et rompu l'égalité des armes entre les parties dont le principe est rappelé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il a, par suite, entaché son jugement d'irrégularité ; que, dès lors, la VILLE DE LILLE est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de
Mme BX et autres présentée devant le Tribunal administratif de Lille ;
Sur la légalité de la décision du 5 avril 2005 :
Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 : « Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : 1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé » ; qu'aux termes de l'article 24 de la même loi : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; (...) » ; que la décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 et doit, par conséquent, être précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000 ;
Considérant qu'il est constant que l'arrêté du maire de Lille, en date du 5 avril 2005, retirant le permis de construire tacite qui avait créé des droits au bénéfice de l'indivision BX-Z à compter du 27 mars 2005, n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 précité ainsi que Mme BX et autres le soutiennent désormais ; que la VILLE DE LILLE qui ne se prévaut, pour sa part, que de la possibilité théorique qu'avaient les pétitionnaires d'engager des travaux de construction en secteurs « parcs », ne démontre pas, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle se trouvait dispensée de mettre en oeuvre cette procédure pour un motif d'urgence ; que le respect de cette procédure contradictoire n'était pas davantage, dans les circonstances de l'espèce, par elle-même, de nature à compromettre l'ordre public que la VILLE DE LILLE qualifie ici d'environnemental, alors même que la construction envisagée ne respecterait pas, selon la collectivité publique, les règles de protection des espaces verts prévus au nouveau plan local d'urbanisme ; que, par suite, Mme BX et autres sont fondés à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté municipal, en date du 5 avril 2005 ; que, pour l'application de l'article
L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen invoqué par les demandeurs n'est susceptible de fonder l'annulation prononcée par le présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la VILLE DE LILLE la somme que l'indivision
BX-Z demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement, en date du 17 janvier 2007, du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de Mme BX et autres tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Lille, en date du 5 avril 2005, est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme BX et autres présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE LILLE ainsi qu'à Mme Hélène BX, Mme Christiane Y, Mme Danièle Z, Mme Marie-Hélène A et M. Jean-Paul BX.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
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N°07DA00477