Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
29 janvier 2007, et les bordereaux de pièces, enregistrés le 8 février 2007, le 14 février 2007 et le
17 avril 2007, présentés pour Mme Janine A, demeurant ..., par la SCP Croissant, de Limerville, Orts ; elle demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0400391, en date du 30 novembre 2006, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision, en date du 9 décembre 2003, par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme a rejeté sa réclamation en rectification relative aux opérations de remembrement des communes de La Chaussée-Tirancourt et de Saint-Vaast-en-Chaussée et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 329 300 euros ;
2°) d'annuler le jugement et la décision attaqués ;
3°) à titre principal, d'ordonner la rectification des documents de remembrement intervenu sur les communes de La Chaussée-Tirancourt et Saint-Vaast-en-Chaussée ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 329 300 euros au titre du préjudice patrimonial subi ;
5°) en tout état de cause, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'en tant qu'héritière des biens de ses parents, elle avait qualité pour agir devant le tribunal administratif ; qu'elle n'a pas été convoquée devant la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme ; que le Tribunal administratif d'Amiens n'a pas répondu à ce moyen ; que la commission départementale d'aménagement foncier n'a fait que référence à la réclamation n° 97-99 du 17 janvier 1997 alors qu'elle fonde sa contestation sur la réclamation n° 33, en date du 2 juillet 1996, et de l'avant-projet de remembrement ; que les décisions de remembrement issues de cette réclamation sont le résultat des agissements frauduleux d'un neveu ; que le pouvoir dont il a fait état, était postérieur à la réclamation du 2 juillet 1996 ; que cette réclamation n'a été ni rédigée, ni signée par son père ; que, sans ces agissements frauduleux, la parcelle ZM 2 serait restée la propriété de ce dernier et serait entrée dans la succession ; que, compte tenu des caractéristiques de ce terrain, elle a subi un préjudice ; qu'elle est fondée, en application de l'article L. 123-16 du code rural, à demander la rectification des documents du remembrement, ou, à défaut, à ce qu'une indemnité lui soit versée au titre du préjudice subi ; qu'elle l'évalue à 329 300 euros ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance, en date du 18 avril 2007, portant clôture de l'instruction au 19 juillet 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 16 juillet 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui demande à la Cour de rejeter la requête de Mme A et de mettre à sa charge la somme de 713 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la qualité de propriétaire s'apprécie au jour de l'attribution des parcelles à un tiers ; que seul M. Louis B, qui n'a pas contesté cette attribution, était alors propriétaire des parcelles ; que c'est à bon droit que le Tribunal administratif d'Amiens a estimé que Mme A, qui n'était propriétaire d'aucune terre dans le périmètre du remembrement, ne pouvait utilement contester ladite attribution ; que Mme A n'apporte aucune preuve du caractère frauduleux de la réclamation formée par son père ; que ce dernier n'a pas contesté ultérieurement devant la commission départementale d'aménagement foncier cette attribution ; que sa réclamation présentée devant la commission départementale d'aménagement foncier portait en effet sur d'autres aspects du remembrement ; que l'article L. 123-16 du code rural ne permet pas la remise en cause d'une attribution ; que la décision de la commission départementale d'aménagement foncier, en date du 14 mars 1997, s'est substituée à la décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier attribuant la parcelle ZM 2 à Mme Léone A et à ses deux fils ;
Vu l'ordonnance, en date du 7 août 2007, portant réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2007, présenté pour Mme Léone B veuve A, demeurant ..., pour M. Arnaud A, demeurant ... et pour M. Xavier A, demeurant ..., par la SCP de Villeneuve et Crepin ; ils demandent à la Cour de rejeter la requête de Mme A et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que Mme A ne peut prétendre agir au nom de l'indivision successorale dont elle n'a reçu aucun mandat ; que son action, faite en son nom propre est irrecevable, faute de qualité pour agir ; que Mme A n'a pas présenté de demande d'audition au président de la commission départementale d'aménagement foncier ; qu'elle ne peut donc reprocher à ladite commission de ne pas l'avoir convoquée ; que Mme A ne peut se prévaloir de l'article L. 123-16 du code rural, M. B n'ayant pas été évincé du fait qu'il n'aurait pas été tenu compte de ses droits ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 octobre 2007, présenté pour
Mme A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et qui fait valoir, en outre, que sa qualité d'héritière co-indivisaire la rend titulaire de droits réels lui permettant d'exercer en son nom propre une action ; que les dispositions de l'article 815-3 du code civil sont inapplicables au cas d'espèce ; que la commission départementale d'aménagement foncier ne justifie pas avoir porté à sa connaissance les mentions de l'article R. 121-11 du code rural ; qu'elle justifie du montant de son préjudice ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 janvier 2008, présenté pour Mme Léone B veuve A, pour M. Arnaud A et pour M. Xavier A qui demandent à la Cour que le montant mis à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit porté à 2 500 euros et qui confirment leurs précédents moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 mai 2008, présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2008 à laquelle siégeaient
M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme A relève appel du jugement, en date du 30 novembre 2006, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision, en date du 9 décembre 2003, par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme a rejeté sa réclamation relative aux opérations de remembrement des communes de La Chaussée-Tirancourt et de Saint-Vaast-en-Chaussée et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 329 300 euros au titre du préjudice patrimonial subi ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, contrairement à ce que Mme A allègue, le Tribunal administratif d'Amiens n'a pas rejeté sa demande comme irrecevable ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges auraient estimé qu'elle n'avait pas qualité pour agir ;
Considérant qu'il résulte du jugement attaqué que le Tribunal administratif d'Amiens a répondu au moyen tiré de l'absence d'audition de Mme A par la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de réponse des premiers juges à un moyen soulevé devant eux, manque en fait ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 121-11 du code rural que la commission départementale d'aménagement foncier n'est tenue de provoquer l'audition des auteurs de réclamations que dans le cas où ceux-ci en ont fait la demande écrite ; qu'il n'est pas contesté que Mme A n'avait pas sollicité, à l'appui de sa réclamation, être entendue par la commission départementale d'aménagement foncier ; que l'administration n'est pas tenue de l'informer du contenu des dispositions de l'article R. 121-11 du code rural ; que, par suite, la décision attaquée n'est pas entachée d'un vice de procédure ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-16 du code rural alors en vigueur : « Sous réserve des droits des tiers, tout propriétaire ou titulaire de droits réels, évincé du fait qu'il n'a pas été tenu compte de ses droits sur des parcelles peut, pendant une période de cinq années à compter de l'affichage en mairie prévu à l'article L. 121-12, saisir la commission départementale d'aménagement foncier aux fins de rectification des documents du remembrement. / Si la commission estime impossible de procéder à ladite rectification, elle attribue à l'intéressé une indemnité correspondant à l'intégralité du préjudice subi par lui. La charge de cette indemnité incombe au département sous réserve, le cas échéant, de l'action récursoire de ce dernier contre les personnes ayant bénéficié de l'erreur commise. Les contestations relatives aux indemnités sont jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique » ;
Considérant que, par la réclamation adressée le 28 juin 2003 à la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme sur le fondement de l'article L. 123-16 du code rural,
Mme A ne demandait pas à la commission, ainsi que cet article lui en donne le pouvoir, de rectifier les documents du remembrement parce qu'il n'aurait pas été tenu compte des droits de l'intéressée sur des parcelles, mais remettait en cause l'attribution de la parcelle ZM 2 à un autre compte ; qu'ainsi cette réclamation n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 123-16 du code rural et a été rejetée à bon droit par la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme ; que Mme A ne peut donc prétendre ni à une réattribution de la parcelle litigieuse ni, à défaut, à une indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit, d'une part, aux conclusions du ministre de l'agriculture et de la pêche tendant à la condamnation de Mme A à lui verser une somme de 713 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'à celles présentées par Mme Léone B veuve A, par M. Arnaud A et par M. Xavier A tendant à la condamnation de la requérante à leur verser globalement 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Mme A versera à l'Etat la somme de 713 euros et à Mme Léone B veuve A, à M. Arnaud A et à M. Xavier A la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Janine A, à Mme Léone B veuve A, à M. Arnaud A, à M. Xavier A ainsi qu'au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise au préfet de la Somme.
N°07DA00133 2