Vu le recours, enregistré par télécopie le 16 août 2007 et régularisé par la production de l'original le 17 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0600485 du 29 mars 2007, rectifié par ordonnance du 27 avril 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de la société par actions simplifiée Roxane Nord tendant à l'obtention d'un crédit de taxe professionnelle de 20 800 euros au titre de l'année 2005 ;
2°) de rejeter la demande de la société Roxane ;
Il soutient que, pour l'application de l'article 1647 C sexies du code général des impôts relatif au crédit de taxe professionnelle des entreprises situées dans une zone d'emploi en grande difficulté, il y a lieu de définir l'établissement affecté à une activité industrielle par la référence à la nature de l'activité exercée ; qu'en l'espèce, la branche d'activité de mise en bouteille d'eau minérale ne relève pas, par nature, d'une activité industrielle ;
Vu le jugement et l'ordonnance attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2007, présenté pour la société Roxane Nord, dont le siège est ZA de Ty Douar à Commana (29450), par Me Voituriez ; elle conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'appel du ministre est tardif ; qu'elle exerce une activité, prépondérante, de fabrication de bouteilles d'eau par transformation de copolymère extrudé et soufflé, qui présente par nature, un caractère industriel au sens de l'article 1647 C sexies du code général des impôts ; qu'elle exerce en outre une activité de fabrication de boissons gazeuses et sodas qui suppose aussi la mise en oeuvre d'un procédé de transformation par incorporation d'arômes, colorants, acide, édulcorants et gaz carbonique ; qu'elle dispose d'un outillage et des matériels qui jouent un rôle prépondérant ; que l'exigence des conditions, cumulatives, du rôle prépondérant de ces matériels et outillage et de la nature de l'activité n'est pas prévue par le texte ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 novembre 2007, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; il conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que son recours a été présenté dans le délai prévu par l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que le litige est limité à la seule activité de conditionnement de l'eau de source qui ne présente pas une nature industrielle ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2008, présenté pour la société Roxane Nord ; elle conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que le ministre ne précisant pas la date à laquelle les jugement et ordonnance attaqués ont été notifiés au directeur des services fiscaux, il n'établit pas avoir fait appel dans le délai qui lui est imparti par l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; qu'il est erroné d'affirmer que le litige est circonscrit à la seule activité d'embouteillage de l'eau de source ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; il conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 mai 2008, présenté pour la société Roxane Nord ; elle conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- les observations de Me Voituriez, pour la société Roxane Nord ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : « A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. » ; qu'aux termes de l'article R. 741-11 du code de justice administrative : « Lorsque le président du tribunal administratif constate que la minute d'un jugement ou d'une ordonnance est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties de ce jugement ou de cette ordonnance, les corrections que la raison commande. La notification de l'ordonnance rectificative rouvre le délai d'appel contre le jugement ou l'ordonnance ainsi corrigés. (...) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement du 29 mars 2007 attaqué du Tribunal administratif de Lille, avant même sa rectification par ordonnance du 27 avril 2007, a été notifié le 18 avril 2007 au directeur des services fiscaux du Nord-Lille ; qu'ainsi, l'appel enregistré le 16 août 2007 a été présenté dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par la société Roxane Nord, tirée de la tardiveté du recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, doit être écartée ;
Sur le bien-fondé du recours :
Considérant qu'aux termes de l'article 1647 C sexies du code général des impôts : « I. Les redevables de la taxe professionnelle et les établissements temporairement exonérés de cet impôt en application des articles 1464 B à 1464 G et 1465 à 1466 E peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, pris en charge par l'Etat et égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition dans un établissement affecté à une activité mentionnée au premier alinéa de l'article 1465 et situé dans une zone d'emploi reconnue en grande difficulté au regard des délocalisations au titre de la même année. (...) » ; qu'aux termes de l'article 1465 du même code : « Dans les zones définies par l'autorité compétente où l'aménagement du territoire le rend utile, les collectivités locales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer de la taxe professionnelle en totalité ou en partie les entreprises qui procèdent sur leur territoire, soit à des décentralisations, extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique, soit à une reconversion dans le même type d'activités, soit à la reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités. (...) » ;
Considérant que la société Roxane Nord exerce, au sein de ses établissements situés à Pérenchies et à Mérignies (Nord), les activités de mise en bouteille d'eau minérale, de fabrication de boissons gazeuses aromatisées et de production de bouteilles en matière plastique ; que le crédit de taxe professionnelle dont elle a demandé le bénéfice sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1647 C sexies du code général des impôts lui a été refusé par l'administration au titre de l'année 2005 au motif qu'elle n'exerçait pas une activité industrielle au sens de l'article 1465 du même code auquel renvoie ledit article 1647 C sexies ;
Considérant qu'ont un caractère industriel, au sens des dispositions combinées des articles 1465 et 1647 C sexies du code général des impôts, les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir qu'en ayant estimé que le rôle des installations techniques de la société Roxane Nord suffisait à caractériser l'exercice d'une activité industrielle, le tribunal administratif a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 1647 C sexies du code général des impôts ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Roxane Nord ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a admis, en cours d'instance devant le tribunal administratif, que la société Roxane Nord était en droit de bénéficier du crédit d'impôt à raison de ses activités de fabrication de boissons gazeuses aromatisées et de production de bouteilles en matière plastique ; que cette acceptation s'est traduite par une décision du 2 février 2007 par laquelle le directeur des services fiscaux du Nord-Lille a accordé des crédits d'impôt s'élevant à 59 200 euros et 20 000 euros au titre de ses établissement situés, respectivement, à Pérenchies et à Mérignies ; que les premiers juges en ont d'ailleurs tiré la conséquence en prononçant un non-lieu à statuer à concurrence des crédits d'impôts ainsi consentis ; qu'ainsi, la contribuable n'est pas fondée à soutenir que le différend se poursuivant devant la Cour concerne l'ensemble de ses activités ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, quelle que soit l'importance des matériels mis en oeuvre par la société Roxane Nord, la seule activité demeurant en litige, qui consiste en le conditionnement de l'eau minérale, ne présente pas le caractère d'une activité industrielle dès lors que la mise en bouteille n'entraîne aucune transformation de la denrée ainsi conditionnée ; que la société ne peut utilement se prévaloir de ce que l'institut national de la statistique et des études économiques lui a attribué le code de la nomenclature d'activités française relatif à l'industrie des eaux de table et non le code relatif aux autres industries extractives, qui sont sans incidence sur l'appréciation de son activité au regard de la loi fiscale applicable au cas d'espèce ;
Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance que la fabrication des bouteilles est préalable aux opérations de conditionnement de l'eau n'implique pas, par elle-même, que ces activités seraient indissociables ; que, par suite, la société Roxane Nord n'est pas fondée à soutenir que ses activités de fabrication de bouteilles et de mise en bouteille formeraient une activité globalement industrielle ouvrant droit au crédit d'impôt en litige ;
Considérant, en dernier lieu, que, la circonstance que, par des décisions non motivées de l'administration fiscale, la société Roxane Nord a bénéficié du crédit d'impôt prévu par l'article 1647 C sexies du code général des impôts à raison d'activités exercées dans d'autres établissements que ceux en litige est en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé du refus d'accorder le crédit d'impôt discuté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de la société Roxane Nord tendant à l'obtention d'un crédit de taxe professionnelle de 20 800 euros au titre de l'année 2005 et, d'autre part, à demander le rejet de cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que la société Roxane Nord demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 0600485 du Tribunal administratif de Lille en date du 29 mars 2007, corrigé par l'article 4 de l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle du 27 avril 2007, est annulé.
Article 2 : La demande de la société par actions simplifiée Roxane Nord restant en litige est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Roxane Nord et au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE.
N°07DA01309