Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Marie-Thérèse X veuve Y, demeurant ..., M. Bernard X, demeurant ..., M. Michel X, demeurant ..., M. Pierre X, demeurant ..., Mme Monique X épouse Z, demeurant ... et la SCEA LE MARTIN PECHEUR, dont le siège social est La Mésangère à Mesnil Verclives (27440), par la SCP Thorel, Poncet et associés ; ils demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0402839 en date du 22 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du
12 janvier 2001 par lequel le préfet de l'Eure a déclaré d'utilité publique l'acquisition de parcelles en vue de la création d'une aire d'accueil pour les gens du voyage sur la commune de Gisors et à ce qu'il soit dit que l'arrêté de cessibilité en date du 15 septembre 2004 est privé de base légale ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral susvisé du 12 janvier 2001 ;
3°) dire que tous les actes accomplis postérieurement se trouvent privés de base légale, notamment l'arrêté de cessibilité en date du 15 septembre 2004 ;
4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la requête d'appel, régularisée dans le délai, est recevable ; qu'il est possible à l'appui du présent recours d'invoquer l'illégalité de la déclaration d'utilité publique qui sert de base à l'arrêté de cessibilité ; qu'ils invoquent une violation du principe d'égalité devant la loi et ses charges dès lors que seules les parcelles leur appartenant sont concernées par la mesure d'expropriation et que l'autorité expropriante n'a jamais fourni aucune indication sur l'opportunité et la pertinence de l'emplacement choisi pour ce qui concerne l'aire principale d'accueil ; que la commune de Gisors dispose déjà d'une aire d'accueil des gens du voyage de petite capacité et qui est occupée par des personnes sédentarisées ; que la seconde aire d'accueil est mise en oeuvre pour éviter de répondre à des demandes de logements de personnes sédentarisées mais ne répond pas aux objectifs fixés par la loi du 5 juillet 2000 dite « loi Besson » ; que la création de l'aire d'accueil est source de gêne pour le voisinage, gêne à laquelle il n'a pas été pallié suffisamment par l'administration ; qu'aucune réponse n'a été apportée aux problèmes de circulation et de stationnement engendrés par la construction de l'aire d'accueil ; qu'il était parfaitement imaginable d'envisager la mise en place de l'aire d'accueil sur la zone industrielle de Gisors qui dispose encore de surface disponible ou sur la parcelle 187 de Mme X qui constitue une marnière à ciel ouvert ; que, pour l'ensemble de ces raisons, le projet litigieux ne répond pas à la condition d'utilité publique ; qu'enfin l'opération est incompatible avec la proximité du monument historique que constitue le manoir de Vaux ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2008, présenté par le préfet de l'Eure, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête d'appel présentée au-delà du délai de recours contentieux de deux mois est irrecevable ; que les appelants sont majoritairement propriétaires des parcelles situées dans la zone réservée pour le projet d'aménagement litigieux ; que l'élaboration du projet satisfait aux exigences de transparence prévues par la loi ; que l'emplacement des trois aires de parkings est situé de manière à favoriser la circulation et l'accès au lotissement de la route de Boury ; que la commune est concernée par deux types de population, sédentaire et de passage ; que la gestion des flux de la population de passage imposait une extension des capacités d'accueil ; que l'utilité et la nécessité de créer une seconde aire d'accueil est incontestable ; que le commissaire-enquêteur a souligné l'absence d'argument apporté pour étayer la pétition ; que de même, le courrier de l'association « Club Neptune » se borne à exprimer son opposition au projet ; que le commissaire- enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations faites au cours de l'enquête ; qu'en tout état de cause, le terrain retenu se trouve à 1,5 km du centre ville et ne jouxte aucune habitation ; que l'argument selon lequel la circulation des véhicules encombrants se révélera difficile est inopérant ; que le code de l'expropriation dispose que les préjudices subis par un exploitant agricole du fait de l'expropriation font l'objet d'une indemnisation ; que la proposition de créer une aire d'accueil sur le site de la zone industrielle de Gisors n'est étayée par aucun argument soutenant la thèse d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le Conseil d'Etat a jugé que l'architecte des bâtiments de France pouvait délivrer un avis favorable en l'assortissant de prescriptions afin de limiter ou de supprimer les atteintes qu'un projet serait susceptible de porter à un édifice classé ; que les arguments des appelants sont irrecevables au regard des préventions énoncées par l'architecte des bâtiments de France ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2008, présenté pour les consorts X et la SCEA LE MARTIN PECHEUR, qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que contrairement aux affirmations du préfet, leur appel régularisé est recevable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;
- les observations de Me Deboeuf, pour les consorts X et la SCEA LE MARTIN PECHEUR ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel ;
Considérant que les consorts X et la SCEA LE MARTIN PECHEUR demandent l'annulation de l'arrêté en date du 12 janvier 2001 par lequel le préfet de l'Eure a déclaré d'utilité publique l'acquisition de parcelles en vue de la création d'une aire d'accueil pour les gens du voyage sur la commune de Gisors ;
Considérant, d'une part, que les appelants font valoir qu'ils ont fait état devant le commissaire-enquêteur des différentes gênes pour le voisinage que pourraient entraîner la réalisation de l'aire d'accueil litigieuse, notamment en termes de sécurité routière, et que leurs inquiétudes n'auraient pas été suffisamment prises en compte par le commissaire-enquêteur ; que toutefois, ce dernier n'était pas tenu de répondre précisément à chacune des observations formulées par le public et notamment par les appelants ; qu'il ressort, en tout état de cause, des pièces du dossier que tant la pétition que le courrier rédigé par l'association « Club Neptune » dont se prévalent les appelants ne comportaient aucune précision permettant au commissaire-enquêteur d'y répondre utilement ;
Considérant, d'autre part, qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que la création d'une nouvelle aire d'accueil pour les gens du voyage sur la commune de Gisors alors que l'aire existante, d'une capacité réduite, est occupée par des familles en voie de sédentarisation, présente un caractère d'utilité publique ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'aire d'accueil déjà existante a été détournée de sa fonction et est suffisante pour accueillir les gens du voyage sur la commune de Gisors ; que si la réalisation de l'ouvrage projeté implique des atteintes à la seule propriété des appelants, la disparition de terres agricoles et diverses incidences négatives pour l'environnement, ces inconvénients ne présentent pas un caractère excessif au regard de l'intérêt qui s'attache à l'opération litigieuse ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le projet qui se situe à proximité du manoir de Vaux classé à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ne pouvait satisfaire aux exigences résultant de la protection de ce monument et qu'en tout état de cause, l'atteinte à l'environnement patrimonial invoquée soit excessive ;
Considérant, enfin, que si les consorts X et la SCEA LE MARTIN PECHEUR font valoir que des terrains étaient disponibles sur la zone industrielle de Gisors ou sur une autre parcelle dont ils sont propriétaires et qui constitue une marnière à ciel ouvert, il n'est pas établi que ces terrains permettaient la réalisation de l'ouvrage litigieux dans des conditions équivalentes à celles du projet retenu ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X et la SCEA LE MARTIN PECHEUR ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté déclarant d'utilité publique la réalisation d'une aire d'accueil des gens du voyage ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser aux appelants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts X et de la SCEA LE MARTIN PECHEUR est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Thérèse X veuve Y, M. Bernard X, M. Michel X, M. Pierre X, Mme Monique X épouse Z, à la SCEA LE MARTIN PECHEUR et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure.
2
N°07DA00795