Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative de Douai le 18 octobre 2007, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704089, en date du 25 septembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé sa décision, en date du 23 mai 2007, par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme Ahou Bernadette Y épouse Z, laquelle décision est assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixe comme pays de destination la Côte d'Ivoire ou tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour « conjoint de français » ;
2°) de rejeter les demandes de première instance ;
Il soutient qu'à la date de sa demande de titre de séjour, Mme Y ne justifiait pas du visa de long séjour exigé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour, en application de l'article L. 211-2-1° du même code, qu'après la décision attaquée ; qu'en tout état de cause, elle n'a apporté aucun élément probant justifiant l'existence d'une communauté de vie depuis au moins six mois avec son époux ; qu'en estimant qu'au moins une des attestations produites par Mme Y établissait que cette dernière vivait depuis environ 18 mois avec le ressortissant français qu'elle a épousé, le Tribunal s'est fondé sur une erreur manifeste d'appréciation ; que lesdites attestations sont dénuées de toute valeur probante ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 6 novembre 2007 portant clôture de l'instruction au
7 janvier 2008 à 16 h 30 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2007, présenté pour
Mme Ahou Bernadette Y, demeurant ..., par Me Kouadio, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le préfet ne démontre pas le caractère non probant des attestations produites en première instance ; que ces attestations ont été rédigées par des personnes sérieuses connaissant et fréquentant le couple Z ; que, contrairement aux allégations du préfet, la communauté de vie avant le mariage est établie par différentes pièces probantes nouvelles produites en appel ; que c'est par ignorance qu'elle n'a pas déposé de demande de visa long séjour lors de sa demande de titre de séjour ; que l'atteinte portée à sa vie privée et familiale est disproportionnée dans la mesure où, légalement, elle peut prétendre à la délivrance d'un visa de long séjour en sa qualité de conjointe de français avec lequel elle vit depuis plus de deux années ; que ses attaches sont désormais en France ; que le jugement attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 décembre 2007, présenté par le PREFET DU
PAS-DE-CALAIS, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que le Tribunal a commis une erreur d'appréciation dans les faits en faisant une confusion entre le début de la relation entre les époux Z et le début effectif de leur vie commune ; que les documents produits en appel confirment son doute quant à l'ancienneté de la communauté de vie ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2008, présenté pour Mme Y, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance du 10 janvier 2008 prononçant la réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;
- les observations de Me Kouadio, pour Mme Y Z ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS relève appel du jugement, en date du
25 septembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé sa décision en date du 23 mai 2007 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme Y, laquelle décision est assortie d'une obligation de quitter le territoire français, et fixe comme pays de destination la Côte d'Ivoire ou tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour « conjoint de français » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, le mariage de Mme Y, ressortissante ivoirienne, née le 1er janvier 1963 et entrée en France le
29 juillet 2003, contracté avec un ressortissant français le 24 mars 2007, présentait un caractère récent ; que si Mme Y produit, tant en première instance qu'en appel, plusieurs documents et attestations qui permettraient d'attester de la réalité d'une vie commune entre les époux depuis dix-huit mois au moment où le préfet a décidé de refuser de lui délivrer un titre de séjour, ces documents sont insuffisants pour établir les faits allégués ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, du caractère récent de son mariage et de l'ancienneté alléguée de sa communauté de vie avec son époux à la date de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire, du fait qu'elle n'allègue pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, et eu égard à la possibilité qu'elle a de faire régulariser sa situation administrative, par application des dispositions législatives du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du 23 mai 2007 ait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler la décision attaquée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par
Mme Y ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 12 juin 2006 régulièrement publié, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS a donné à M. Patrick A, secrétaire général de la préfecture du Pas-de-Calais, délégation pour signer la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et précise notamment que l'intéressée n'ayant pas présenté à l'administration le visa de long séjour nécessaire, ne remplissait pas les conditions de fond pour l'obtention d'une carte de séjour en qualité de conjointe de français ; que la décision est, par suite, suffisamment motivée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi susvisée du
24 juillet 2006 publiée au Journal Officiel de la République française du 25 juillet suivant : « Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour « compétences et talents » sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du
24 juillet 2006 : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...)
4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière (...) » ; que si ce 4°, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006, ne fait plus état de la nécessité d'une entrée régulière en France, il résulte des dispositions de ladite loi, éclairées par les travaux préparatoires, que cette condition a été remplacée par l'exigence de la production d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y est entrée en France le 29 juillet 2003 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 16 juillet au 10 août 2003 ; que l'intéressée, qui ne satisfaisait pas à l'obligation de production d'un visa long séjour, ne pouvait donc prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, enfin, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour doit être saisie par le préfet lorsque ce dernier envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 du même code ; que le préfet n'est tenu de saisir cette commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions énoncées par ces articles ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme Y n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation de ladite commission doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté, en date du 23 mai 2007, refusant de délivrer à Mme Y un titre de séjour et lui a enjoint, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un tel titre dans un délai d'un mois ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme Y la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 25 septembre 2007 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme Y est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Ahou Bernadette Y.
Copie sera transmise au PREFET DU PAS-DE-CALAIS.
N°07DA01586 2