Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Chantal , épouse Y, demeurant ..., par la SCP Brunet, Campagne, Gobbers ; Mme demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0404955, en date du 12 juillet 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que le conseil régional du Nord/Pas-de-Calais et le chef d'établissement du lycée Michel Servet à Lille soient déclarés responsables de la chute de son fils Jean-Lou Z survenue le 4 octobre 2001 et, d'autre part, à leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 19 818,37 euros en réparation du préjudice que lui a causé le décès de son fils et de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de faire droit à sa demande présentée en première instance ;
3°) de condamner le conseil régional du Nord/Pas-de-Calais et le chef d'établissement du lycée Michel Servet à Lille à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que son fils Jean-Lou Z, qui était interne au sein du lycée professionnel Michel Servet, a décidé de mettre fin à ses jours en se défenestrant du quatrième étage du lycée ; que l'administration de l'établissement n'a pas respecté les normes prévoyant un dispositif limitateur d'ouverture en vue de prévenir la défenestration, comme l'établit le rapport d'enquête ; que ce défaut d'entretien normal a concouru au décès de son fils ; que le lien de causalité entre la faute de l'administration et le décès est donc établi ; qu'elle est fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de ce décès ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 3 janvier 2008 à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens qui n'a pas donné de réponse ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2008, présenté pour la région
Nord/Pas-de-Calais, représentée par le président du conseil régional en exercice, par Me Dutat, qui conclut au rejet de la requête de Mme ; elle soutient que la jurisprudence retient la théorie de la cause adéquate, qui conduit à identifier la cause déterminante du dommage, de préférence à la théorie de l'équivalence des conditions, dont se prévaut la requérante ; qu'en l'espèce, la cause directe et exclusive du dommage a été la volonté de la victime de mettre fin à ses jours ; que cette circonstance exonère la région de toute responsabilité ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2008, présenté pour le lycée professionnel et CFA Michel Servet, sis 1 rue Michel Servet à Lille (59000), par la SCP Reisenthel, qui conclut au rejet de la requête de Mme et à sa condamnation à lui verser la somme de 2 990 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la responsabilité du lycée ne peut être recherchée dès lors que l'entretien et l'aménagement de l'ouvrage public relève de la compétence de la collectivité de rattachement de l'établissement scolaire entraînant la seule éventuelle responsabilité de la région ; qu'aucun désordre, défectuosité ou manquement à la sécurité n'a été relevé à l'endroit du chef d'établissement ; qu'en aucun cas la requérante ne peut soutenir que la défenestration de son fils a eu pour cause le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et en rendre responsable le chef d'établissement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
M. Albert Lequien, premier conseiller :
- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;
- les observations de Me Reisenthel, pour le lycée professionnel Michel Servet, et de
Me Dutat, pour la région Nord/Pas-de-Calais ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions mettant en cause la responsabilité personnelle du proviseur :
Considérant que la requête de Mme est dirigée contre le jugement du 12 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que le conseil régional du Nord/Pas-de-Calais et le chef d'établissement du lycée Michel Servet à Lille soient déclarés responsables, sur le fondement du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public, de la chute de son fils Jean-Lou Z survenue le 4 octobre 2001 et, d'autre part, à leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 19 818,37 euros en réparation du préjudice que lui a causé le décès de son fils ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 4 octobre 2001, M. Jean-Lou Z, alors âgé de vingt ans, qui était élève de terminale au lycée technique Michel Servet, en qualité d'interne, a chuté sur la terrasse qui se situait au premier étage, après être passé par une fenêtre de sa chambre, située au quatrième étage de l'établissement ; que, transporté d'urgence au centre hospitalier de Lille, il est décédé vers 21 heures ; que Mme soutient que les fenêtres de la chambre de son fils ne répondaient pas aux normes de sécurité en vigueur, et notamment aux prescriptions techniques du ministère de l'éducation nationale, selon lesquelles « le dispositif limitateur d'ouverture doit permettre l'anti-défenestration » ; qu'il résulte des termes mêmes de l'enquête de police que les dispositifs de verrouillage des trois fenêtres, qui s'ouvraient de bas en haut par système de bascule, étaient absents ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'enquête de police, que si ce défaut du système de fermeture des fenêtres est constitutif d'un mauvais entretien des locaux dont la responsabilité incombe au conseil régional, le décès du jeune homme n'est pas consécutif à une chute accidentelle, mais résulte de sa volonté délibérée de mettre fin à ses jours, exprimée de manière claire par des documents écrits de sa main qui ont été retrouvés dans sa chambre ; que le comportement de Jean-Lou Z, qui était majeur à la date des faits, doit ainsi être considéré comme la cause déterminante de son décès ; que, par suite, en l'absence de lien de causalité entre le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, constitué par le mauvais entretien des fenêtres, et le décès du jeune Jean-Lou Z, Mme n'est pas fondée à demander réparation du préjudice que lui a causé le décès de son fils ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Nord/Pas-de-Calais et du chef d'établissement du lycée Michel Servet à Lille qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du lycée professionnel Michel Servet tendant à la condamnation de Mme , au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le lycée Michel Servet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Chantal , épouse Y, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens, au chef d'établissement du lycée professionnel Michel Servet et à la région Nord/Pas-de-Calais.
N°07DA01553 2