Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société civile immobilière MATHEMI, dont le siège est sis 22 place de la République à Wasquehal (59290), représentée par sa gérante en exercice, Mme Marie-Ange X, par Me Brochen ; la société civile immobilière MATHEMI demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0305665 du 30 novembre 2006 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Lille Métropole Communauté Urbaine à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des désordres affectant l'immeuble dont elle est propriétaire sis 22 place de la République à Wasquehal, à la suite de travaux de réfection du réseau d'assainissement exécutés rue Jean Macé à Wasquehal entre mars et avril 1996 pour ladite communauté urbaine, maître d'ouvrage, par l'entreprise Quillery, maître d'oeuvre, en lui versant une somme totale de 10 306,62 euros indexée sur le coût de la construction à compter de la date d'évaluation du 8 octobre 1997 ;
2°) de condamner Lille Métropole Communauté Urbaine à lui verser la somme de 9 163,25 euros correspondant au coût de la remise en état dudit immeuble, ladite somme étant indexée sur l'indice de la construction à partir du 8 octobre 1997 ;
3°) de condamner Lille Métropole Communauté Urbaine à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers frais et dépens y compris les dépens en cours de référé expertise et les honoraires taxés de l'expert ;
Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a limité aux deux tiers la responsabilité de Lille Métropole Communauté Urbaine dans le dommage qu'elle a subi ; que si l'expert a estimé que l'immeuble dont elle est propriétaire était sensible à l'effet des vibrations de par sa structure, il a également constaté l'apparition de dommages de même nature à la même époque et dans la même rue sur un immeuble voisin et n'a pas considéré que le manque de rigidité de son immeuble pouvait exonérer même partiellement la collectivité de sa responsabilité ; que d'ailleurs aucun dommage n'est réapparu après les réparations effectuées sur l'immeuble ; que le jugement attaqué s'est livré à une mauvaise interprétation des clauses contractuelles de l'acte notarié du 31 janvier 1998 ; que ladite clause n'a pas pour conséquence d'empêcher les époux X d'agir afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice ; qu'elle n'a pas non plus pour effet d'empêcher la subrogation des époux X dans les droits des époux Y ; qu'elle oblige seulement les gérants de la société civile immobilière à reverser les indemnités à ces derniers ; que les consorts X sont donc fondés à solliciter une indemnité de 9 163,25 euros correspondant aux travaux de remise en l'état de l'immeuble quand bien même ce sont les précédents gérants qui ont dû en supporter les conséquences ; que par ailleurs, un jugement du Tribunal administratif de Lille du 17 juin 2003 a rejeté la requête des époux Y agissant en tant que gérants de la société civile immobilière MATHEMI ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 8 février 2007 fixant la clôture de l'instruction au 6 août 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2007 et le mémoire rectificatif, enregistré le 6 août 2007, présentés pour la société Eiffage Travaux Publics venant aux droits de la société Quillery, dont le siège est sis rue Gabriel Péri à Fretin (59273), représentée par ses représentants légaux, par Me Chaillet ; la société Eiffage conclut à l'irrecevabilité de la requête et à ce que la Cour la mette hors de cause et à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la société civile immobilière MATHEMI ne formule aucune conclusion à son égard ; que la société civile immobilière MATHEMI n'a pas qualité à agir dès lors qu'elle est représentée par Mme X et que l'acte de cession de parts du 31 janvier 2008 stipule que les époux X au nom de la société civile immobilière se désistent purement et simplement de toute indemnité qui pourrait résulter des dégâts faisant l'objet du rapport d'expertise du 8 octobre 1997 ; que la subrogation ne se présume pas ; qu'en outre seul le titulaire du bail commercial occupant les lieux peut agir pour réclamer une indemnité au titre des pertes de jouissance des parties professionnelles et du préjudice commercial ; qu'à titre subsidiaire, seule la responsabilité de Lille Métropole Communauté Urbaine peut être recherchée ; qu'un constat d'huissier du 4 mars 1996 démontre que les désordres affectant la librairie étaient préexistants à toute intervention de la société Quillery ; que l'immeuble de la société civile immobilière MATHEMI se situe à plus de 15 mètres du chantier ; que le matériel utilisé pendant le chantier n'a pas pu provoquer de fissuration sur les immeubles voisins, contrairement aux conclusions de l'expert ; que la structure fragile de l'immeuble de la requérante exonère la société de toute responsabilité ; que le phénomène de tassement des sols peut se reproduire à beaucoup plus ou moins long terme ; que la société Eiffage doit être mise hors de cause ; qu'à titre subsidiaire, il n'y a pas lieu d'ordonner l'indexation de l'indemnité sur l'indice de la construction dès lors que la requérante n'établit pas qu'elle n'a pas été en mesure d'entreprendre les travaux de réfection depuis le 18 août 2000, date du dépôt du rapport de l'expert ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2007, présenté pour Lille Métropole Communauté Urbaine, dont le siège est sis 1 rue du Ballon à Lille (59034), représentée par son président en exercice, par Me Caffier ; Lille Métropole Communauté Urbaine conclut au rejet de la requête et à la condamnation de tout succombant à lui rembourser la somme de 1 433,48 euros au titre des frais et honoraires d'expertise ; elle soutient que la requête est irrecevable dès lors que les époux X, qui ne sont pas subrogés dans les droits des propriétaires précédents de l'immeuble, se sont engagés, par acte notarié du 31 janvier 1998, à se désister de toutes indemnités qui pourraient résulter des dégâts faisant l'objet du rapport d'expertise ; qu'une société civile immobilière ne peut revendiquer un préjudice commercial ; qu'à titre subsidiaire, un constat d'huissier du 4 mars 1996 démontre que les désordres affectant la librairie étaient préexistants à toute intervention de la société Quillery ; que l'immeuble de la société civile immobilière MATHEMI se situe bien au-delà de l'emprise du chantier ; que les désordres sont intervenus plusieurs mois après l'intervention de l'entreprise de travaux publics ; que la structure fragile de l'immeuble de la requérante exonère la collectivité de toute responsabilité ; que le matériel utilisé pendant le chantier n'a pas pu provoquer de fissuration sur les immeubles voisins, contrairement aux conclusions de l'expert ; que la société civile immobilière MATHEMI ne peut revendiquer ni privation de jouissance, ni perte à subir du fait des travaux de réfection en partie privative ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2008 par télécopie, après la clôture de l'instruction, et confirmé le 25 mars 2008 par la production de l'original, présenté pour la société civile immobilière MATHEMI ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- les observations de Me Brochen, pour la société civile immobilière MATHEMI, de Me Caffier, pour Lille Métropole Communauté Urbaine et de Me Le Briquir, pour la société Eiffage Travaux Publics ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société civile immobilière MATHEMI, propriétaire d'un immeuble sis 22 place de la République à Wasquehal, a constaté des désordres affectant ledit immeuble qu'elle a attribués aux travaux de réfection du réseau d'assainissement exécutés rue Jean Macé à Wasquehal entre mars et avril 1996 par la société Quillery aux droits de laquelle vient la société Eiffage Travaux Publics ; qu'elle relève appel du jugement du 30 novembre 2006 du Tribunal administratif de Lille qui, après avoir reconnu que les travaux étaient à l'origine des deux tiers des désordres et que la responsabilité de Lille Métropole Communauté Urbaine était engagée dans cette proportion, a rejeté l'ensemble des conclusions indemnitaires de la société ; que par la voie de l'appel incident, Lille Métropole Communauté Urbaine demande à être déchargée de toute responsabilité ; que la société Eiffage Travaux Publics, à l'encontre de laquelle ni la société civile immobilière MATHEMI, ni Lille Métropole Communauté Urbaine ne formulent de conclusions, demande à être mise hors de cause ;
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Eiffage Travaux Publics et Lille Métropole Communauté Urbaine :
Considérant que la société civile immobilière MATHEMI, propriétaire de l'immeuble en cause, demande réparation du préjudice qu'elle a subi au cours de l'année 1996 qu'elle attribue à l'exécution des travaux de réfection du réseau d'assainissement ; qu'elle a ainsi qualité à agir pour demander la réparation de ce préjudice ; que la circonstance qu'à l'occasion de la cession des parts de cette société, un acte notarié du 31 janvier 1998 stipule que les indemnités qui pourraient être allouées en réparation des désordres constatés par le rapport d'expertise du 8 octobre 1997 seraient dues aux époux Y, précédents propriétaires des parts de la société, n'a pas pour effet de rendre irrecevable la requête présentée par la société civile immobilière MATHEMI ; qu'ainsi les fins de non-recevoir opposées par la société Eiffage Travaux Publics et Lille Métropole Communauté Urbaine ne peuvent qu'être écartées ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise des 8 octobre 1997 et 14 août 2000 que des travaux de réfection du réseau d'assainissement effectués à proximité de la façade de l'immeuble appartenant à la société civile immobilière MATHEMI pour le compte de Lille Métropole Communauté Urbaine au cours des mois de mars à avril 1996 ont provoqué de nombreuses fissures et un effondrement de certaines parties du plafond du rez-de-chaussée et du premier étage de l'immeuble ; qu'il n'est pas établi que, contrairement aux constatations de l'expert, le matériel utilisé pour réaliser les travaux n'aurait pas généré de vibrations ; que, toutefois, l'expert a constaté que l'immeuble de la société requérante, de par ses fondations superficielles et sa structure fragile, était particulièrement sensible à l'effet des vibrations ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les travaux étaient à l'origine des deux tiers des dommages subis par l'immeuble et ont estimé que la responsabilité de Lille Métropole Communauté Urbaine était engagée dans cette proportion à l'égard de la société civile immobilière MATHEMI qui a la qualité de tiers par rapport aux travaux litigieux ; qu'en l'absence de conclusions dirigées contre la société Eiffage Travaux Publics, il y a lieu de mettre hors de cause ladite société ;
Sur le préjudice :
Considérant que la société requérante ne demande plus en appel que le remboursement de la somme de 9 163,25 euros correspondant aux travaux de remise en état de son immeuble ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert du 8 octobre 1997, que le coût des travaux de réfection nécessaires pour remédier aux désordres susmentionnés s'élève à un montant de 25 700 francs pour le rez-de-chaussée et 34 407 francs pour le premier étage, soit 9 163,25 euros ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'acte notarié du 31 janvier 1998 par lequel les époux Y ont cédé aux époux X leurs parts de la société civile immobilière, n'a aucune incidence sur le droit de la société civile immobilière MATHEMI, propriétaire de l'immeuble en cause, à obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi ; que par ailleurs, l'évaluation des dommages subis par la société civile immobilière MATHEMI doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et où leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à y remédier ; qu'en l'espèce, cette date est, au plus tard, celle où l'expert désigné par le Tribunal a déposé son rapport qui définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires et qu'ainsi, il n'y a pas lieu de réévaluer l'estimation des désordres sur la base demandée de l'évolution de l'indice de la construction ; qu'il résulte ainsi de ce qui précède que la société civile immobilière MATHEMI est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de l'indemniser des dommages matériels subis par l'immeuble en cause et à demander, compte tenu du partage de responsabilité précédemment indiqué, que Lille Métropole Communauté Urbaine soit condamnée à lui verser une somme de 6 108,83 euros ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par la Cour administrative d'appel de Nancy, dont le rapport a été déposé le 18 août 2000, à la charge de Lille Métropole Communauté Urbaine ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société civile immobilière MATHEMI à verser à la société Eiffage Travaux Publics la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Lille Métropole Communauté Urbaine à verser à la société civile immobilière MATHEMI la somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Lille Métropole Communauté Urbaine est condamnée à verser à la société civile immobilière MATHEMI la somme de 6 108,83 euros.
Article 2 : Le jugement n° 0305665 du 30 novembre 2006 du Tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Lille Métropole Communauté Urbaine versera à la société civile immobilière MATHEMI la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société civile immobilière MATHEMI et les conclusions de Lille Métropole Communauté Urbaine et de la société Eiffage Travaux Publics sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière MATHEMI, à Lille Métropole Communauté Urbaine et à la société Eiffage Travaux Publics.
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N°07DA00134