Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2006 par télécopie et confirmée par la production de l'original le 11 décembre 2006, présentée pour la COMMUNE DE PARNES (60240), par le cabinet Goutal et Alibert ; la COMMUNE DE PARNES demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0400459 du 5 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, après avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Lelu, de la société Tuilerie de Pontigny Aleonard, de M. Vincent X, architecte en chef des monuments historiques et de l'Etat à lui verser les sommes de : 1°) 83 146,81 euros toutes taxes comprises réactualisées, en réparation du préjudice résultant de la dégradation de la toiture de l'église Saint Josse ; 2°) 500 euros par mois à compter du mois de mars 1997 jusqu'à réparation du préjudice ; 3°) 7 368,10 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens, a, d'une part, mis à sa charge les frais d'expertise et, d'autre part, l'a condamnée à verser la somme de 750 euros respectivement à la société Lelu et à l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner solidairement la société Lelu, la société Tuilerie de Pontigny Aleonard, l'architecte en chef des monuments historiques, M. X, à verser à la COMMUNE DE PARNES les sommes de 83 146,81 euros toutes taxes comprises réactualisées et 500 euros par mois à compter de l'apparition des désordres, à tout le moins de la fermeture au public de l'église, jusqu'à parfaite reprise de la totalité de la toiture ou règlement de la condamnation en principal ;
3°) de condamner solidairement la société Lelu, la société Tuilerie de Pontigny Aleonard, l'architecte en chef des monuments historiques, M. X, à verser à la COMMUNE DE PARNES la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens, dont les frais d'expertise ;
Elle soutient que la responsabilité décennale de la société Lelu, de la société Tuilerie de Pontigny Aleonard et de M. X doit être engagée ; que les tuiles fournies par la société Tuilerie de Pontigny Aleonard ont été spécialement conçues et fabriquées pour satisfaire, en état de service, aux exigences précises et déterminées à l'avance de rénovation de la couverture de l'église Saint Josse, selon un procédé unique, qui s'est révélé insatisfaisant ; que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le délitage des tuiles ne serait pas « de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage, ou à rendre celui-ci impropre à sa destination dans un délai prévisible », mais seulement à affecter la solidité d'éléments d'équipement qui ne seraient pas indissociables de l'ouvrage ; que seule une indemnité égale au montant des devis fournis et figurant dans le rapport d'expertise le 19 septembre 2003 à la somme de 83 146,81 euros toutes taxes comprises, qui devra être réactualisée, permettrait à la commune d'obtenir une remise en état satisfaisante de la toiture de l'église ; que l'impossibilité d'utiliser l'église dans des conditions de sécurité minimale, fermée depuis près de trois ans, conduit la commune à solliciter la réparation d'un préjudice de jouissance à hauteur de 500 euros par mois à compter de l'apparition des désordres, en mars 1997, ou à tout le moins de la fermeture au public de l'église, le 7 janvier 2004, et ce jusqu'à parfaite reprise de la totalité de la toiture ou règlement de la condamnation en principal ; qu'elle demande le remboursement de la somme de 5 822,13 euros correspondant à l'expertise relative au diagnostic d'altération des tuiles, de la somme de 9 314,45 euros correspondant aux frais d'honoraires de l'expert désigné par le tribunal administratif ainsi que 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, soit au total la somme de 25 136,58 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2007, présenté pour M. Vincent X, demeurant ..., par la SCP Frison, Decramer, Gueroult et associés qui conclut au rejet de la requête de la COMMUNE DE PARNES et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Tuilerie de Pontigny Aleonard à le garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ; il soutient que seules les tuiles fabriquées par la société Tuilerie de Pontigny Aleonard sont mises en cause par l'expert ; qu'une réunion avec toutes les parties concernées à été mise en oeuvre pour choisir la tuile devant être posée et, en fonction d'un courrier du 14 décembre 1992, le représentant de la société Tuilerie de Pontigny Aleonard a pris une part importante dans le choix de cette tuile ; qu'en outre, la société Tuilerie de Pontigny Aleonard a communiqué à l'ensemble des parties une attestation d'essai émise par le centre technique des tuiles et briques, laissant accroire que lesdites tuiles seraient résistantes au gel, ainsi que le veut la norme NFP31-306 ; que, le 21 juillet 1999, la société Tuilerie de Pontigny Aleonard reconnaissait sa responsabilité, en proposant de prendre en charge la part de responsabilité initialement imputée à la maîtrise d'oeuvre ; que, dans ces conditions, seule la responsabilité de la société Tuilerie de Pontigny Aleonard peut être mise en cause ; que c'est à tort que la COMMUNE DE PARNES prétend que des tuiles, de par leur nature et au moindre défaut, seraient de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2007, présenté pour la société Lelu, dont le siège est 103 rue Louis Clotuche à Pimprez (60170), par la SCPA Devauchelle, qui conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, en cas de condamnation prononcée à son encontre, elle appelle en garantie M. X et la société Tuilerie de Pontigny Aleonard ; elle soutient que la cause exclusive des dommages est due à un vice de fabrication des tuiles qui ne satisfait pas à la norme NF P 31-306 ; que le délitage des tuiles n'est pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination et l'expert ne l'a d'ailleurs pas retenu ; que les travaux de remise en état préconisés par l'expert se limitent au remplacement des tuiles et ne portent en rien sur les éléments constitutifs de la toiture ; que, de même, l'expert judiciaire n'a retenu aucune impropriété à la destination, la fermeture de l'église étant strictement liée à la durée de la procédure et au fait que la commune n'a pas estimé devoir avancer les fonds pour exécuter les travaux de reprise des tuiles, ce qui est regrettable car cela aurait stoppé l'évolution des désordres ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2007, présenté par le ministre de la culture et de la communication qui conclut au rejet de la requête de la COMMUNE DE PARNES ; il soutient que, dans les mémoires présentés en appel, aucune des parties ne sollicite que la responsabilité de l'Etat soit engagée et ne conclut à sa condamnation ; qu'il s'en rapporte aux conclusions développées en première instance par la direction régionale des affaires culturelles de Picardie au nom du préfet de région ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2007, présenté pour la société Lelu qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2007, présenté pour la société Tuilerie de Pontigny Aleonard, dont le siège est 29 route d'Auxerre BP 2 à Pontigny (89230), par la SCPA Thuault, Chambault, Ferraris, qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que les communes sont exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et l'indemnisation de la commune ne pourra être limitée qu'au montant des travaux hors taxes ; que le contrôle par le centre technique des tuiles et briques a permis de mettre en évidence la conformité des tuiles en cause à la norme
NF P 31-306 ; que dans le cadre d'une utilisation normale et avec une pente d'au moins 42°, le comportement du produit aux cycles gel dégel est normal ; que les désordres constatés ont une double origine, à savoir le choix de la couleur de la tuile impliquant une modification de sa composition et un non-respect des DTU relatifs à l'utilisation desdites tuiles ; que, dans ses conclusions, l'expert n'évoque à aucun moment une impossibilité d'utiliser l'église en raison de « conditions de sécurité minimale », et ce jusqu'au 7 janvier 2004, date de la fermeture par arrêté ; que l'exfoliation ou le délitage des tuiles entraînait une détérioration des matériaux sans remettre en cause la sécurité, jusqu'en 2004 ; que n'apportant aucun justificatif de débours effectifs au titre des frais de défense, la commune sera déboutée de sa demande ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 7 mars 2008 et confirmé le 10 mars 2008 par la production de l'original, présenté pour la COMMUNE DE PARNES qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et fait valoir, en outre, que, contrairement à ce que soutient le ministre, elle n'a pu s'opposer à l'exécution des travaux décidés dans le cadre d'un protocole transactionnel dont elle n'avait même pas connaissance ; qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, la COMMUNE DE PARNES ne peut se faire rembourser ou même imputer la taxe sur la valeur ajoutée payée aux constructeurs pour la réalisation des travaux de réfection d'un immeuble et l'indemnisation qui lui est due doit ainsi être fixée à la somme de 112 119,88 euros, qui couvre le montant des travaux ; qu'il y a urgence à exécuter les travaux de reprise de la toiture ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment les articles 1792 et 2270 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2008 à laquelle siégeaient M. André Schilte, président de la Cour, M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur, MM Albert Lequien et Alain de Pontonx, premiers conseillers :
- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;
- les observations de Me Cahitte, pour la société Lelu ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE DE PARNES a fait restaurer en 1993 la toiture de l'église Saint Josse dont elle est propriétaire en faisant procéder à la pose de tuiles ; que, dès l'année 1997, les tuiles neuves ont commencé à se déliter ; que la COMMUNE DE PARNES relève appel du jugement du 5 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de la garantie décennale, à la condamnation solidaire de la société Lelu, de la société Tuilerie de Pontigny Aleonard, de M. X, architecte en chef des monuments historiques et de l'Etat à lui verser les sommes de 83 146,81 euros toutes taxes comprises réactualisées, en réparation du préjudice résultant de la dégradation de la toiture de l'église Saint Josse et 500 euros par mois à compter du mois de mars 1997 jusqu'à réparation du préjudice, au titre des troubles de jouissance ;
Sur les conclusions présentées par la COMMUNE DE PARNES au titre de la garantie décennale :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens, déposé le 19 septembre 2003, que les dommages en cause résultent d'un vice de fabrication des tuiles, conduisant à leur non-conformité à la norme
NF P 31-306 relative aux prescriptions de résistance au gel et au dégel ; qu'en effet, l'exfoliation de l'ensemble des tuiles en partie haute et basse de la toiture est intervenue à la suite des cycles naturels gel, dégel ; que toutefois, s'il n'est pas contesté que le vieillissement précoce des tuiles constitue une anomalie, il résulte des énonciations même de l'expertise judiciaire réalisée en 2003, soit neuf ans après la réception des travaux prononcée sans réserve le 30 septembre 1993 qui marque le point de départ du délai de la garantie décennale, qu'à cette date, aucun défaut d'étanchéité n'avait été constaté ; qu'en outre, les tuiles prélevées dès 1997 sur le toit de l'église pour essais dans le laboratoire du centre d'étude du BTP, et soumises à des tests de gélivité, n'ont été affectées, sur un seul des quatre lots de sept tuiles de l'échantillon, que de pertes de masse sèche, suivant les tuiles, respectivement de 12,5, 1,7, 17,9, 14,5, 7, 2,3 et 2,9 % de la masse avant essai, aucune rupture en flexion sous 50 da N n'étant toutefois relevée ; que les désordres relevés en février 2003 et affectant les tuiles de la partie haute du versant Nord de la nef étaient moins graves ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les altérations relevées, soit dès le mois de mars 1997, soit en février 2003, évoluaient inéluctablement de manière à compromettre, avant l'expiration du délai décennal de garantie, la solidité de l'ouvrage, ou à le rendre impropre à sa destination ;
Considérant que si l'église a été fermée par arrêté du maire le 7 janvier 2004, soit peu après l'expiration dudit délai décennal, il n'est pas établi que cette fermeture était liée à l'état de la toiture du bâtiment ; qu'en outre, si l'architecte des bâtiments de France a constaté en juillet 2006 que la couverture du bâtiment n'était plus imperméable, ce qui provoquait des infiltrations de nature à menacer la solidité de la charpente, cette circonstance est postérieure à l'expiration du délai de garantie ; qu'ainsi, les désordres constatés ne rentrent pas dans le cadre de la garantie dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la COMMUNE DE PARNES en tant qu'elles sont dirigées contre la société Tuilerie de Pontigny Aleonard, que la COMMUNE DE PARNES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a refusé de l'indemniser du préjudice résultant de la dégradation de la toiture de l'église Saint Josse ;
Sur les conclusions tendant au versement à la COMMUNE DE PARNES d'une somme de 500 euros par mois au titre des troubles de jouissance :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les dépens :
Considérant qu'il y a lieu de confirmer le Tribunal administratif d'Amiens qui a mis les frais d'expertise à la charge de la COMMUNE DE PARNES ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Lelu, de la société Tuilerie de Pontigny Aleonard et de M. X qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que demande la COMMUNE DE PARNES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE PARNES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE PARNES, à la société Lelu, à la société Tuilerie de Pontigny Aleonard, à M. Vincent X et au ministre de la culture et de la communication.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
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N°06DA01603