Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER, représenté par son gérant,
M. Pierre Levier, dont le siège est 1 rue de la Madeleine à Rollot (80500), par la SCP JP. Sterlin-
C. Sterlin ; il demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n°0302194, en date du 4 avril 2006, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme, en date du 2 juillet 2003, prononçant le remembrement de ses terres ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
Il soutient que le remembrement opéré entraîne une aggravation de ses conditions d'exploitation ; que l'attribution du lot ZX 32 au centre hospitalier universitaire d'Amiens a eu pour effet d'enclaver ces terres au sein de ses propres attributions ; que cette enclave n'existait pas préalablement aux opérations de remembrement ; que les attributions en lots de bois ne sont pas équivalentes aux parcelles de bois apportées ; que certaines terres attribuées sont de nature argileuse et très humides et sont, par suite, incultivables ; que la création d'un chemin afin de désenclaver le lot ZX 32 est inutile ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance, en date du 19 juin 2006, portant clôture de l'instruction au 29 septembre 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2006 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 2 octobre 2006, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui demande à la Cour de rejeter la requête du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER ; il soutient que l'aggravation des conditions d'exploitation s'apprécie non pas parcelle par parcelle, mais entre l'ensemble des apports et des attributions ; que le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER a bénéficié d'un bon remembrement et d'une équivalence en surfaces et en points ; que, préalablement aux opérations de remembrement, la parcelle ZX 32 était déjà enclavée entre deux îlots appartenant au requérant ; que la surface et le nombre de points en bois du requérant ont été augmentés ; que la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme pouvait se substituer à la commission communale pour créer un chemin d'exploitation dès lors que cette création avait pour but de désenclaver une parcelle ; que la création de ce chemin n'a pas modifié l'équivalence en valeur de productivité réelle entre les apports et les attributions du requérant ;
Vu l'ordonnance, en date du 2 octobre 2006, portant réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2006, présenté pour le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER, par la SCP Croissant, de Limerville, Orts, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2008 à laquelle siégeaient M. André Schilte, président de la Cour, M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur, M. Alain de Pontonx et Mme Agnès Eliot, premiers conseillers :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER relève appel du jugement, en date du 4 avril 2006, du Tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juillet 2003 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Somme a, à la demande du centre hospitalier universitaire d'Amiens, attribué le lot ZX 32 audit centre hospitalier et le lot ZX 38 au GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER, et a décidé la création d'un chemin d'exploitation afin de désenclaver le lot ZX 32 ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code rural alors en vigueur : « Le remembrement, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre. / Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire » ;
Considérant que le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER soutient que l'enclavement de la parcelle ZX 32 (anciennement cadastrée AD 52) au lieu-dit le champ Jaillon, réattribuée au centre hospitalier universitaire d'Amiens, qui se trouverait située entre deux « îlots » lui appartenant, a créé une situation nouvelle qui aurait eu pour effet d'aggraver ses conditions d'exploitation ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER qui disposait, avant remembrement, de trente-trois îlots dispersés a obtenu après remembrement un important regroupement de ses terres en quinze îlots ; qu'en particulier, les trois parcelles dispersées du champ Jaillon ont été regroupées en un seul îlot qui, malgré la forme de la parcelle nouvelle résultant notamment de la réattribution du terrain au centre hospitalier universitaire d'Amiens, reste, eu égard à ses dimensions, cultivable ; qu'il est constant, en outre, que la nouvelle parcelle ZX 32, desservie par un chemin d'exploitation dont la création a été également décidée par la commission départementale d'aménagement foncier, n'est pas enclavée au sein des terres attribuées au GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER ; que, dans ces conditions, la situation nouvelle des terres attribuée au GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER n'a aggravé les conditions d'exploitation ni au regard du compte, ni même au sein de l'îlot du champ Jaillon ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-4 du code rural alors en vigueur : « Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées. /(...)/ Sauf accord exprès des intéressés, l'équivalence en valeur de productivité réelle doit, en outre, être assurée par la commission communale dans chacune des natures de culture qu'elle aura déterminées. Il peut toutefois être dérogé, dans les limites qu'aura fixées la commission départementale pour chaque région agricole du département, à l'obligation d'assurer l'équivalence par nature de culture /(...)/ » ;
Considérant que la règle d'équivalence ne s'apprécie pas par rapport à la décision prise antérieurement par la commission communale, mais uniquement par rapport à la situation initiale avant remembrement ; qu'en outre, cette appréciation ne se fait pas parcelle par parcelle ou classe par classe de terrains, mais au regard de l'ensemble du compte ; qu'en l'espèce, il est constant que le compte n°10 du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER a reçu, pour des apports de
94 ha 87 a 53 ca de terres d'une valeur de productivité agricole de 850 862 points, 95 ha 74 a 57 ca de terres d'une valeur de productivité agricole de 846 908 points ; que, s'il est soutenu que la parcelle ZX 38 (anciennement cadastrée AD 40) qui lui a été attribuée au sein de l'îlot du champ Jaillon serait incultivable compte tenu des terres argileuses et de l'humidité des sols, une telle circonstance n'est, en tout état de cause, pas établie ; qu'en outre, compte tenu de sa surface très réduite de 18 a 47 ca, elle n'est pas à elle seule de nature à rompre la règle d'équivalence ou à aggraver les conditions d'exploitation ; qu'il en va de même des parcelles classées en classe P7 de terres, situées dans le secteur du champ Jaillon, compte tenu de leur faible surface, qui ont été réattribuées en échange d'apports dans la même classe de terres ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-8 du code rural dans sa rédaction alors en vigueur : « La commission communale d'aménagement foncier a qualité pour décider à l'occasion des opérations et dans leur périmètre : / 1° L'établissement de tous chemins d'exploitation nécessaires pour desservir les parcelles ; /(...)/ » ;
Considérant que le chemin d'exploitation contesté, créé pour desservir la parcelle ZX 32 réattribuée au centre hospitalier universitaire d'Amiens, était nécessaire afin d'éviter l'enclavement de ce terrain ; que la circonstance qu'il aurait été prélevé en partie sur des parcelles d'apport du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que, comme en l'espèce, la règle d'équivalence entre les apports et les attributions du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER a été respectée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE LEVIER et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise au préfet de la Somme.
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N°06DA00725