Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Thierry Y, demeurant ..., par la SCP Lefranc Bavencoffe Meillier ; il demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600764, en date du 13 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du
Pas-de-Calais, en date du 14 décembre 2005, lui refusant d'exploiter une surface supplémentaire de
2 hectares 43 ares de terres sur le territoire de la commune de Bourecq ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le préfet du Pas-de-Calais, en prenant la décision attaquée, a commis une erreur de droit en retenant que l'autorisation d'exploitation de la parcelle incriminée entraînerait une rupture du bloc de culture des terres remembrées dès lors que les opérations financées sur fonds publics comme le remembrement ne concerne que les propriétaires alors que M. André Z et son épouse ne sont pas propriétaires des terres en cause mais locataires ; qu'en outre, il n'est pas démontré que les parcelles subsistantes ne pourraient plus être exploitées valablement alors que la desserte des parcelles par des voies publiques demeure possible sans éloignement excessif ; que le fait que la parcelle soit située à six kilomètres de son corps de ferme alors qu'elle est située à proximité de celui de M. Z, ne peut constituer un fondement valable pour rejeter sa demande ; que les parcelles en cause ne constituent pas une partie indissociable du corps de ferme de M. Z ; que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'excédent brut de l'exploitation de M. Z ayant été calculé sur la base d'une surface d'exploitation erronée ; que les calculs de l'excédent brut d'exploitation dépendent du type d'assolement pratiqué et la nature des emblavements qui ne sont pas ici connus, ce qui est de nature à fausser le résultat affiché ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance, en date du 27 juillet 2007, portant clôture de l'instruction au
29 octobre 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 29 octobre 2007 et régularisé
par la réception de l'original le 30 octobre 2007, présenté pour M. André Z et
Mme Dominique Z née A, demeurant ..., par Me Bué qui demande à la Cour de rejeter la requête de M. Y et de mettre à la charge de M. Y la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent, à titre principal, que la demande de première instance présentée par M. Y est irrecevable, la décision du préfet du
Pas-de-Calais, en date du 14 février 2005, n'étant que confirmative de celle du 7 décembre 2004, et cette demande ayant été présentée tardivement par rapport à cette première décision ; ils font valoir, à titre subsidiaire, que le préfet du Pas-de-Calais a suffisamment motivé sa décision ; qu'il a respecté les dispositions de l'article L. 331-3 du code rural, notamment du 4°, et de l'article 9 du schéma directeur départemental ; qu'il n'a commis aucune erreur d'appréciation, M. Z disposant d'un revenu EBE/UMO inférieur au seuil fixé par l'article 9 précité ; que, par ailleurs, l'agrandissement sollicité est de nature à remettre en cause les aménagements fonciers de la zone au mépris du 7° de l'article L. 313-3 du même code ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 29 octobre 2007 et régularisé par la réception de l'original le 2 novembre 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut au rejet de la requête de M. Y ; il soutient que le préfet du Pas-de-Calais, en prenant la décision attaquée, s'est borné à faire application du 7° de l'article L. 313-3 du code rural ; que la demande de l'appelant aurait pour effet d'aggraver les conditions d'exploitation de M. Z ; que le préfet ne s'est pas uniquement fondé sur la distance de la parcelle par rapport aux corps de ferme respectifs des intéressés ; qu'il a tenu compte des orientations du schéma directeur en ce qui concerne le confortement des exploitations dont le revenu par actif est insuffisant et l'amélioration du parcellaire des exploitations ; que l'excédent brut d'exploitation de M. Z a été calculé en tenant compte de la surface totale de l'exploitation, après reprise de 6,72 hectares par M. Z ; que le préfet du Pas-de-Calais a fait une correcte application des dispositions de l'article 9 du schéma directeur ; qu'il n'a commis aucune erreur de droit ou de fait, ni erreur manifeste d'appréciation ;
Vu l'ordonnance, en date du 5 novembre 2007, portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
M. Albert Lequien, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;
- les observations de Me Lefranc, pour M. Y ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le préfet du Pas-de-Calais, par une décision en date du 14 décembre 2005, a refusé d'autoriser M. Y, âgé de 41 ans, marié et père de deux enfants à charge, exploitant une surface de 71,95 hectares, à exploiter une parcelle cadastrée section ZA n° 65 d'une superficie de 2,43 hectares sise sur le territoire de la commune de Bourecq, appartenant à la mère du requérant et louée à M. Z, 54 ans, marié et père de trois enfants, qui exploite une superficie de 63,41 hectares ; que M. Y relève appel du jugement en date du 13 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Pas-de-Calais en date du 14 décembre 2005 ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / (...) / 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / (...) / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; (...) » ; que le schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais résultant de l'arrêté préfectoral en date du 3 juillet 2003 applicable à la date de la décision attaquée retient parmi les orientations de l'article 1er, celle de maintenir le plus grand nombre d'exploitations de type familial et pour cela de conforter les exploitations dont le revenu par actif est insuffisant (§ 1) et celle d'améliorer le parcellaire des exploitations (§ 4) ; que l'article 9 de ce schéma a retenu, pour évaluer la conformité de l'opération aux orientations définies à l'article 1er, qu'« une exploitation est considérée comme ayant un revenu par actif insuffisant au sens de l'article 1er si elle dégage un ratio « excédent brut d'exploitation théorique / unité de main d'oeuvre (RBE/UMO), calculé selon les équivalences ci-dessus, inférieur à 25 000 euros » ;
Considérant que la décision attaquée repose sur une pluralité de motifs fondés tant sur les dispositions des 3°, 4° et 7° de l'article L. 313-3 du code rural que sur les orientations définies aux
1 et 4 de l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais ; que l'arrêté du 14 décembre 2005 retient, en particulier, que la reprise envisagée serait, au regard des dispositions précitées du code rural, de nature à compromettre l'autonomie de l'exploitation de
M. Z, qu'elle aurait pour effet d'aggraver les conditions d'exploitation de ce dernier et que l'opération serait contraire aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles notamment en ce qui concerne, d'une part, le confortement des exploitations dont le revenu par actif est insuffisant et, d'autre part, l'amélioration du parcellaire des exploitations ;
Considérant, en premier lieu, que pour contester les motifs tirés de ce que la reprise envisagée par M. Y serait de nature à compromettre l'autonomie de l'exploitation de M. Z ou serait contraire à l'orientation visant à conforter les exploitations dont le revenu par actif est insuffisant, l'appelant fait valoir que la décision reposerait sur un calcul erroné de l'excédent brut d'exploitation tel qu'il est prévu par l'article 9 du schéma directeur départemental ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, pour déterminer que le ratio « excédent brut d'exploitation théorique / unité de main d'oeuvre (RBE/UMO) » était en ce qui concerne le preneur en place inférieur à 25 000 euros, le préfet du Pas-de-Calais a, en l'espèce et contrairement à ce qui est prétendu, tenu compte de l'agrandissement de l'exploitation de
M. Z ; qu'il est, par ailleurs, seulement allégué que la nature des emblavements prise en considération aurait pu fausser le calcul opéré ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que pour critiquer les motifs tirés de ce que la reprise envisagée aurait pour effet d'aggraver les conditions d'exploitation de M. Z et ne permettrait pas de répondre à l'orientation d'amélioration du parcellaire des exploitations, M. Y fait valoir que le motif retenu par le préfet selon lequel la parcelle ZA 65 est située à 6 kilomètres du siège d'exploitation du demandeur alors qu'elle est située à l'intérieur d'un bloc de culture remembré exploité par M. Z reposerait sur une erreur de droit dès lors que le remembrement qui correspond à un aménagement réalisé sur fonds publics ne concerne que les propriétaires et non les locataires de terres comme en l'espèce M. Z ; qu'en tout état de cause, le préfet du Pas-de-Calais ne s'est pas principalement fondé sur la remise en cause d'aménagements réalisés sur fonds publics mais sur les inconvénients, dont la réalité est d'ailleurs en partie reconnue par M. Y, qui résulteraient pour M. Z de la reprise de la parcelle en cause sur ses conditions d'exploitation, sans que ces inconvénients soient d'ailleurs compensés par les avantages attendus pour l'exploitation de M. Y, compte tenu des autres critères pris en compte dans le cadre de la comparaison des situations du demandeur et du preneur en place ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas, en prenant la décision attaquée, commis une erreur de fait, de droit ou d'appréciation ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrecevabilité opposée en cause d'appel par M. et Mme Z à la demande de première instance, M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. Y le paiement à M. et Mme Z de la somme de 1 500 euros qu'ils réclament en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Thierry Y est rejetée.
Article 2 : M. Thierry Y versera à M. André Z et à Mme Dominique Z la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thierry Y, à M. et Mme André Z ainsi qu'au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°07DA01131