Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 23 mai 2007, présentée pour la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY, dont le siège est 45 Grand Place à Cassel (59670), par Me Ramas-Muhlbach ; la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600304 en date du 29 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge totale des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2000 au
31 décembre 2002 et des pénalités y afférentes et à ce qu'une somme de 1 913,60 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais irrépétibles ;
2°) de prononcer la décharge demandée, à titre subsidiaire de limiter à la somme de 660,71 euros le montant des compléments de taxe sur la valeur ajoutée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure d'imposition a été irrégulière dès lors que le débat oral et contradictoire sur les compléments de taxe sur la valeur ajoutée relatif à la taxation d'une somme de 200 000 francs n'a pas eu lieu, cette taxation étant fondée sur des dénonciations malveillantes qui n'ont pas été communiquées au cours de la procédure ; que l'administration était tenue de communiquer les documents obtenus auprès de tiers avant la mise en recouvrement ; que le service a méconnu l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales en refusant, compte tenu des circonstances de l'espèce de lui accorder un délai supplémentaire et en confirmant le redressement avant l'expiration du délai de trente jours ; que la somme de 200 000 francs correspond à une gratification d'un client en remerciement d'un montage juridique avantageux, admise sur un plan civil et professionnel, et ne constituait pas la rémunération d'un service rendu rémunéré par ailleurs ; que la doctrine administrative reconnaît le caractère non imposable des libéralités consenties à des professionnels ; que la somme a été versée par le vendeur qui n'était légalement tenu à aucune rémunération, celle-ci pesant sur l'acquéreur ; que les émoluments d'un notaire sont tarifés et que la somme reçue qui excède ces rémunérations relève d'une libéralité ; que seule la somme de 3 371 euros correspondant aux frais de rédaction de l'acte de donation peut être considérée comme une rémunération professionnelle ; que la mauvaise foi ne peut être retenue pour une somme qui n'a jamais été dissimulée et sur laquelle M. X a interrogé l'administration sur le traitement fiscal antérieurement à l'envoi de l'avis de vérification ; que le redressement est minime au regard de la taxe sur la valeur ajoutée versée par l'étude ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, tendant au rejet de la requête ; il soutient que la requérante n'établit pas que le débat oral et contradictoire n'aurait pas eu lieu alors que la vérification a été réalisée au siège de la société où ont eu lieu de nombreux entretiens portant notamment sur les documents obtenus de l'autorité judiciaire ; que ces pièces lui ont été communiquées préalablement à l'envoi de la proposition de rectification ; qu'elle ne peut reprocher de ne pas avoir communiqué des pièces qui n'ont pas servi de fondement aux impositions ; que le moyen est donc inopérant ; que si l'administration ne peut établir d'impositions supplémentaires dans le délai de trente jours ouvert par l'article R. 57 du livre des procédures fiscales, elle peut néanmoins répondre aux observations que le contribuable a présentées dans ce même délai ; qu'en l'espèce, l'administration a respecté ces obligations ; que l'article 256-1 du code général des impôts soumet à la taxe sur la valeur ajoutée, la somme de 200 000 francs qui est directement liée à l'activité professionnelle de M. X ; que les pénalités de mauvaise foi ont été appliquées à bon droit dès lors que compte tenu de sa connaissance du droit fiscal et de sa qualité d'officier ministériel, il ne pouvait ignorer le caractère imposable de cette somme ; que la transparence invoquée sur cette somme ne peut qu'être remise en cause dès lors qu'il a attendu près de deux ans après le versement de cette somme et l'intervention de la déposition de son ancienne épouse pour saisir l'administration ; que par ailleurs, le mode de remise des sommes témoigne de la volonté de les faire échapper à l'impôt ; que le remboursement des frais irrépétibles n'est pas fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- les observations de Me Ramas-Muhlbach, pour la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Connaissance prise des notes en délibéré, enregistrées les 28 et 30 janvier 2008, ainsi que des pièces jointes, présentées pour la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification des pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque les documents auxquels elle a accès ne présentent pas le caractère de pièces comptables ; qu'en l'espèce, il est constant que les documents obtenus par l'administration en application de l'article 101 du livre des procédures fiscales, relatifs à la plainte déposée par son associé visant les pratiques de M. X, n'avaient pas le caractère de documents comptables ; qu'il n'est au surplus pas établi qu'à l'occasion des interventions effectuées par le vérificateur dans les locaux de la société, en présence de M. X, cet agent se serait refusé à tout échange de vues avec lui, notamment sur les informations contenues dans ces documents dont la teneur a été portée à sa connaissance ; que la circonstance que ces documents n'ont pas été communiqués à l'intéressé avant la fin des opérations de vérification de comptabilité n'est pas davantage de nature à établir l'absence de débat oral et contradictoire, alors au demeurant que l'administration n'a été saisie d'une demande en ce sens qu'après la fin du contrôle, à laquelle elle a d'ailleurs fait droit en communiquant les pièces ayant fondé les redressements avant l'envoi de la proposition de rectification :
Considérant, d'autre part, qu'aux termes l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : « La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition » ; que ces dispositions, si elles ouvrent au contribuable un délai de trente jours suivant la réception de la proposition de rectification pour présenter ses observations, n'imposent pas à l'administration, lorsqu'elle reçoit ces observations dans le délai, d'attendre son terme pour y répondre ; qu'ainsi, à supposer même que la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY n'ait reçu la proposition de rectification du 4 octobre 2004 que le 18 octobre 2004, l'administration, qui n'était pas tenue de lui accorder le délai supplémentaire qu'elle avait sollicité, n'a pas commis d'irrégularité en répondant le 9 novembre 2004 aux observations présentées par elle le 2 novembre ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. » ;
Considérant que l'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée une somme de 200 000 francs remise en espèces à M. X en 2001 par un client de l'étude ; que la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY soutient que cette somme correspondrait à une donation librement consentie ne rémunérant aucune prestation alors que l'administration l'a imposée en ce qu'elle constitue la rétribution des conseils donnés par M. X et de la négociation qu'il a menée à l'occasion d'une importante cession immobilière ; qu'il résulte de l'instruction, qu'aucun honoraire n'avait été prévu ni perçu pour les activités de conseil et de négociation en cause et qu'une remise d'émoluments avait même été consentie sur l'un des actes liés à l'opération ; que, par ailleurs, la somme en cause a été versée un mois seulement après la fin de ladite opération ; que le procès verbal d'audition du client, s'il confirme le caractère spontané du versement, établit qu'il a été réalisé en contrepartie de l'important gain tiré des conseils du notaire ; que dans ces conditions, alors même que la somme en cause excèderait la rémunération susceptible d'être demandée par un notaire en rétribution d'activités de conseil, elle doit être considérée dans son ensemble comme une somme attribuée en contrepartie d'une prestation professionnelle du notaire et, à ce titre, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées ; que, par ailleurs, la société requérante ne peut utilement invoquer l'instruction 5G-2222 n° 2 et n° 3 ainsi qu'une réponse ministérielle Legros qui ne sont pas relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) » ;
Considérant que l'administration, en relevant que la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY compte tenu de sa connaissance du droit fiscal et de la qualité d'officier ministériel de M. X ne pouvait ignorer le caractère imposable de la somme en cause, établit la mauvaise foi du contribuable ; que si la société requérante se prévaut des démarches entreprises par M. X auprès de l'administration fiscale pour l'interroger sur le caractère imposable de la somme en cause, celles-ci, intervenues postérieurement à la dénonciation des faits, ne sont pas de nature à établir la bonne foi de la requérante ; que la circonstance que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée seraient minimes au regard de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par l'étude est sans incidence ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande sur les sommes restant en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile professionnelle -DEBUISER-DEMAILLYY et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
N°07DA00772 2