Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
28 juin 2007 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 29 juin 2007, présentée pour M. Mohammed X, demeurant ..., par la SCP Laville et Demoget ; il demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0700493, en date du 24 mai 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du
30 janvier 2007 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de la notification de ladite décision ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
Il soutient que la décision et le jugement attaqués sont entachés d'une erreur de droit, la condition de communauté de vie n'étant pas exigée pour la première délivrance d'un certificat de résidence d'un an en qualité de conjoint de ressortissant français en application du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, a été signée par une autorité incompétente et ne mentionne aucune motivation spécifique en droit ni en fait ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 12 juillet 2007 portant clôture de l'instruction au
17 septembre 2007 ;
Vu la décision en date du 6 août 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2007, présenté par le préfet de la
Seine-Maritime qui demande à la Cour de rejeter le recours présenté par M. X ; il soutient que la décision attaquée a été signée par une autorité compétente et est suffisamment motivée en droit comme en fait ; que la condition de vie commune entre les époux n'étant pas remplie, M. X ne pouvait se voir délivrer un certificat de résidence de dix ans en application de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que la décision attaquée ne porte pas au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la même convention ;
Vu l'ordonnance en date du 15 octobre 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu la lettre en date du 7 décembre 2007, informant les parties, en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte refus de séjour :
Considérant que M. X relève appel du jugement, en date du 24 mai 2007, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 30 janvier 2007 refusant son admission au séjour en se prévalant de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : / (...) / 2) Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français / (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux » ; qu'aux termes de l'article 7 bis de la même convention : « (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article / (...) / » ;
Considérant que M. X a épousé une ressortissante française le 2 juin 2003 en Algérie ; que le mariage a été transcrit le 26 janvier 2005 sur les registres de l'état civil français ; que M. X est entré le 23 avril 2005 sur le territoire français sous couvert d'un passeport algérien revêtu d'un visa C portant la mention « famille de français » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement aux allégations de l'intéressé, que ce dernier a sollicité un certificat de résidence d'un an en qualité de conjoint de ressortissant français sur le fondement du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'il apparaît, en revanche, que M. X a sollicité un certificat de résidence de dix ans en application des stipulations de l'article 7 bis du même accord ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu d'examiner la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 7 bis du même accord, applicables à la demande qui lui était présentée, en rejetant cette demande après avoir constaté qu'à la date de sa décision, la communauté de vie entre les époux n'était pas effective ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de
M. X tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence doivent être rejetées ;
Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure attaquée a été signée par
M. Michel Y, sous-préfet du Havre, qui bénéficiait d'une délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 21 juillet 2006 régulièrement publié le 24 juillet suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que cette délégation donnait compétence à M. Y à l'effet notamment de signer les documents se rapportant à la police des étrangers dans les cas limitativement énumérés par cette délégation qui, à l'époque où l'arrêté a été pris, ne pouvaient mentionner le cas où l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; que si « la reconduite à la frontière des ressortissants étrangers ayant pénétré ou séjournant irrégulièrement en France » était comprise dans la délégation de signature précitée, cette catégorie de décisions, qui n'a pas disparu depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 susvisée, ne peut être regardée comme se rapportant également à l'obligation de quitter le territoire qui constitue une nouvelle mesure d'éloignement créée par la loi du 24 juillet 2006 ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de légalité externe soulevé par le requérant, M. X est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination a été signée par une autorité incompétente et doit, en conséquence, être annulée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique qu'il soit mis fin au placement en rétention administrative de l'intéressé et que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ; qu'en dehors de cette mesure, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, lorsqu'elle n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution particulière ;
Considérant qu'au cas d'espèce, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français pris à l'encontre de M. X n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ; que, par suite, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle annulation implique, d'une part, le cas échéant, qu'il soit mis fin au placement en rétention administrative de l'intéressé et, d'autre part, que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0700493, en date du 24 mai 2007, du Tribunal administratif de Rouen et la décision, en date du 30 janvier 2007, par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a fait obligation à M. X de quitter le territoire et a fixé le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime ou à l'autorité administrative compétente de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. X est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohammed X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
N°07DA00971 2