Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2006, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS, sis 20 rue Henri Barbusse à Loos (59374), en la personne de son représentant légal, par Me Segard ; le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400700 du 11 mai 2006 en tant que le Tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de M. X, la décision du 13 décembre 2003, par laquelle la directrice du centre a infligé à ce dernier la sanction disciplinaire de licenciement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la procédure de licenciement a été régulière dans les formes suivies ; que le licenciement de l'aide médico-psychologique repose sur une faute grave ; qu'il s'est livré à des actes de maltraitance à l'encontre des patients ; qu'il a tenu à l'encontre de l'une des patientes des propos racistes ; qu'il a proféré des menaces à l'adresse de ses propres collègues pour obtenir leur silence ; qu'il n'a pas écouté les mises en garde de ses collègues sur sa manière de mobiliser les patients ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 18 juillet 2006, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS, par la SCP Cattoir Joly et Associés, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; en outre, il soutient que la demande indemnitaire est irrecevable ; que la procédure de licenciement a été suivie conformément au décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; que le comportement brutal et les incivilités de M. X sont établies par des témoignages concordants de ses collègues et de patients ; qu'il ne respectait pas la dignité des personnes âgées ; qu'il les volait et les enfermait ; qu'il négligeait son service ; qu'il adoptait envers sa hiérarchie un comportement irrespectueux ; que la sanction est justifiée eu égard à la vulnérabilité de ces patients et à la réitération des fautes commises ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2006, présenté pour M. Moktar X, demeurant ..., par Me Ismi-Nedjadi ; M. X demande à la Cour :
- d'une part, de rejeter la requête susvisée ; à cette fin, il soutient qu'il n'a pas bénéficié des garanties découlant des droits de la défense ; qu'il n'a pas été informé de ses droits ; qu'il n'a pas eu accès à son dossier avant l'entretien préalable ; que les griefs de maltraitance physique et verbale ne reposent pas sur des témoignages dignes de foi ; que les témoignages des patients ne sont ni datés ni signés ; que les allégations de brutalité dans sa manipulation des patients ne sont que l'expression de leurs douleurs articulatoires ; que ceux de ses collègues sont partiaux ; qu'ils sont démentis par les attestations favorables relatives aux emplois qu'il a précédemment occupés ; qu'il n'a pas porté atteinte au respect de l'intimité et de la dignité des personnes âgées ; que les griefs de vol et de provocation dans les chambres des patients, et d'incivilités ne sont pas établis ; que les témoignages négatifs recueillis par l'établissement auprès de patients et d'autres membres du personnel ne se retrouvent pas dans les dépositions des mêmes personnes lors de l'enquête de police ; que son irrespect allégué envers sa hiérarchie ne repose sur aucun fait précis ; que la plainte déposée à son encontre a été classée sans suite ;
- d'autre part, de réformer le jugement attaqué et de lui accorder 20 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 15 000 euros au titre du préjudice moral et du trouble dans les conditions d'existence qu'il estime avoir subis, 1 500 euros au titre du préavis, 250 euros au titre des congés payés sur préavis, 900 euros au titre de l'indemnité de jours de mise à pied et 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; à cette fin, il soutient que le contentieux est lié en appel ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai du 8 février 2007 accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la lettre du 3 décembre 2007, informant les parties, en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 4 décembre 2007 et régularisé par la production de l'original le 6 décembre 2007, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 91- 55 du 6 février 1991 modifié, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller ;
- les observations de Me Cattoir, pour le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS relève appel du jugement du 11 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 13 décembre 2003 par laquelle sa directrice a infligé à M. X, agent contractuel exerçant les fonctions d'aide médico-psychologique, la sanction disciplinaire de licenciement pour faute grave ;
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS soutient que cette sanction a été prononcée en raison des manquements de l'agent dans l'exercice de ses fonctions, des mauvais traitements qu'il infligeait aux patients et des mauvaises relations qu'il entretenait avec certains de ses collègues ; que, dans sa requête d'appel, il verse pour la première fois au dossier des témoignages nombreux et concordants dont il résulte que M. X s'acquittait hâtivement de son service auprès des patients et dans des conditions qui ne respectaient ni leur dignité, ni leur intimité, qu'après son passage, les autres soignants devaient accomplir les tâches qui lui incombaient ; que, par ailleurs, si M. X dément s'être livré à des voies de fait sur les patients et s'il relève que les déclarations faites au cours de l'enquête administrative diligentée par la direction du CENTRE HOSPITALIER DE LOOS ne sont pas toujours reprises dans les dépositions recueillies lors de l'instruction de la plainte déposée contre lui, son comportement brutal, notamment dans sa manière de mobiliser les patients, est avéré par la crainte constamment exprimée par ces derniers d'être soignés par lui ; que, de plus, les déclarations de collègues et de patients attestent ses incivilités et sa désinvolture ; qu'enfin, divers témoignages de collègues établissent ses mauvaises relations avec son entourage professionnel ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS est fondé à soutenir que la sanction attaquée repose sur des faits établis ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens présentés par M. X tant en première instance qu'en appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article 40 du décret du 6 février 1991 susvisé : « Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité signataire du contrat. L'agent contractuel à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée, a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. Il a également le droit de se faire assister par les défenseurs de son choix. L'intéressé doit être informé par écrit de la procédure engagée et des droits qui lui sont reconnus » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 28 novembre 2003, la directrice du CENTRE HOSPITALIER DE LOOS informait M. X de son intention de prendre à son encontre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, le convoquait à un entretien le jeudi 4 décembre 2003 et lui indiquait la faculté de se faire assister, au cours de cet entretien, par une personne de son choix ; que si cette lettre ne mentionnait pas, contrairement aux dispositions précitées, son droit d'obtenir communication de son dossier, il résulte de la déclaration signée par M. X le 4 décembre 2003 qu'il a reçu en mains propres la copie de son dossier individuel et le rapport relatif aux charges pesant sur lui ; qu'ainsi, avant que ne soit prononcée, le 13 décembre 2003, la sanction de licenciement, M. X a disposé des éléments nécessaires à sa défense ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la sanction a été prononcée à son encontre au terme d'une procédure irrégulière, ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'eu égard à la nature de ses fonctions d'aide médico-psychologique, les agissements mentionnés ci-dessus de M. X constituent des fautes d'une particulière gravité, nonobstant le classement sans suite par le procureur de la République de la plainte déposée à son encontre par le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'erreur de qualification juridique des faits, doit être écarté ;
Considérant qu'en se prévalant de ses bons états de service antérieurs, M. X ne saurait atténuer sa responsabilité dans les fautes graves et répétées commises et dans le trouble que sa négligence et ses mauvaises relations avec son entourage professionnel ont causé dans le fonctionnement du CENTRE HOSPITALIER DE LOOS ; que, dans ces conditions, la sanction prononcée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les conclusions indemnitaires de M. X :
Considérant que les conclusions de M. X tendant à l'annulation du jugement du 11 mai 2006, en tant que le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes indemnitaires, soulèvent un litige distinct ; qu'ayant été enregistrées le 17 octobre 2006, soit après l'expiration du délai d'appel, elles sont irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la sanction infligée à M. X, d'autre part, que ce dernier n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le même jugement, ce Tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. X la somme que demande le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le CENTRE HOSPITALIER DE LOOS soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0400700 du 11 mai 2006 est annulé en tant que le Tribunal administratif de Lille a annulé la sanction disciplinaire de licenciement infligée par la directrice du CENTRE HOSPITALIER DE LOOS à M. X le 13 décembre 2003.
Article 2 : La demande en annulation de M. X devant le Tribunal administratif de Lille et les conclusions en appel de M. X sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE LOOS et à M. Mokthar X.
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N°06DA00834