Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Adam X, demeurant ..., par la SCP Fidèle ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0501630-0506206 en date du 12 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des cotisations sociales supplémentaires à la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1999, 2000 et 2001, ainsi que des pénalités y afférentes et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que, s'agissant du poste d'actif relatif à la présentation de la clientèle, les versements opérés en 2000 et 2001 constitueraient des compléments de prix ; que, s'agissant des apports en compte courant pour les années 2000 et 2001, ils sont la conséquence de prêts consentis à titre personnel par un client, M. Y, à M. X, leur appréhension ne pouvant, dès lors, être qualifiée d'abandon de créance au profit d'un tiers source d'une distribution de bénéfices ; que la réintégration des frais kilométriques n'est pas fondée ; que leur mauvaise foi n'est pas établie dès lors qu'il n'y a pas eu volonté de leur part d'éluder l'impôt ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient que, s'agissant de la réévaluation du poste d'actif « droit de présentation de la clientèle », les requérants ne rapportent pas la preuve que le prix de cession tel qu'il ressort de la déclaration de mutation enregistrée à la recette le 21 août 1997, aurait été déterminé sous des conditions suspensives de réalisation d'un montant déterminé de chiffre d'affaires ; que, s'agissant des apports en compte courant, la preuve de l'existence d'un prêt entre MM. X et Y n'est pas rapportée, et que dès lors M. X doit être considéré comme ayant appréhendé les sommes litigieuses ; que, s'agissant de la réintégration des frais kilométriques, la preuve de remboursements exagérés est rapportée, l'utilisation de plusieurs véhicules a bien été prise en compte par le service, et la commission des impôts directs et du chiffre d'affaires a estimé que le kilométrage annuel retenu par le service n'était pas exagéré ; que les majorations pour mauvaise foi sont pleinement justifiées au vu de l'activité de M. X, qui exerçait la profession d'avocat spécialisé en droit des affaires ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2007, présenté pour M. et Mme X, par lequel ceux-ci concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que le service, qui a fixé à une somme de 875 266 francs la limite supérieure à laquelle pouvait être évaluée la valeur du fonds cédé, a sous-évalué ledit fonds ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 29 juin 2007 et confirmé par la production de l'original le 2 juillet 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, par lequel ce dernier conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :
- le rapport de M. Manuel Delamarre, premier conseiller ;
- les observations de Me Delerue pour M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SELARL Zan Conseils, qui exerce l'activité libérale d'avocat et dont
M. X est le gérant et principal associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001 en matière d'impôt sur les sociétés et du 1er janvier 1999 au 31 janvier 2002 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'occasion de cette vérification, le service a constaté que cette société avait réalisé une réévaluation d'actif à l'occasion de la vente par M. X de son cabinet d'avocats ; que l'administration a également relevé un abandon de créance d'un client au profit de M. X ; que l'administration a enfin rejeté la déduction de frais kilométriques qu'elle a estimés injustifiés ; que l'administration a mis en recouvrement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de ces documents ; que l'administration a également considéré que lesdites sommes constituaient des revenus distribués au sens de l'article 109.1. 1° du code général des impôts appréhendées par M. X et imposées entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que M. et Mme X font appel du jugement du 12 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la réévaluation du poste d'actif « droit de présentation de clientèle » :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : « (…) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, exerçant la profession d'avocat, a cédé en 1997 sa clientèle à la SELARL Zan Conseils, anciennement dénommée « SELARL Cabinet X », pour un montant de 825 000 francs ; qu'en 2000, la société a décidé de réévaluer le droit de présentation de clientèle à la somme de 1 855 000 francs, la somme de 1 030 000 francs ayant alors été acquittée à M. X ; qu'en 2001, ce droit de présentation a finalement été évalué à la somme de 3 600 000 francs, un nouveau versement de 1 745 000 francs ayant alors été effectué à M. X ; que le vérificateur a estimé que la réévaluation libre de sa clientèle à laquelle la SELARL Zan Conseils avait ainsi procédé se traduisait par un supplément d'actif constitutif, en vertu des dispositions de l'article 38 2. du code général des impôts, de suppléments de bénéfices imposables au titre de ces exercices ; que l'administration a considéré lesdites sommes comme ayant été appréhendées par M. X et les a qualifiées de revenus distribués au sens des dispositions de l'article 109. 1.1° du code général des impôts ;
Considérant que M. et Mme X soutiennent que contrairement aux affirmations de l'administration fiscale selon lesquelles des réévaluations d'actif auraient eu lieu, les montants acquittés par la SELARL constituent des compléments de prix ; qu'en effet, la SELARL Zan Conseils a, le 29 mars 1997, passé une convention avec M. X aux termes de laquelle elle lui achetait le fonds de commerce du cabinet d'avocats X pour la somme de 900 000 francs, la convention étant assortie de conditions suspensives en ce que le prix n'était pas fixé définitivement au motif qu'il n'était pas possible de chiffrer immédiatement les avantages financiers que le promettant tirerait du travail accompli et que le promettant et le bénéficiaire convenaient de fixer définitivement le prix dans un délai maximal de cinq années à compter du jour de la signature de la promesse, soit le 29 mars 2002 ; qu'ainsi la valeur du fonds n' a pu, selon les requérants, être constatée qu'en 2002 ;
Considérant, toutefois, que, comme le souligne à juste titre l'administration fiscale, la loi oblige les contractants à publier, dans la quinzaine de sa date de signature, un extrait de tout acte de cession de fonds de commerce, quelle que soit sa forme, ainsi que toute attribution de fonds de commerce par partage ; que la publication dudit extrait doit être précédée, à peine de nullité, soit de l'enregistrement de l'acte contenant mutation, soit à défaut d'acte de la déclaration prescrite par l'article 638 du code général des impôts ; que, par suite, si l'acte de cession n'est pas enregistré dans la quinzaine de sa date de signature, la cession ne peut pas être rendue opposable aux tiers ; qu'en l'espèce, la déclaration de mutation en date du 21 août 1997 ne mentionne aucun acte sous seing privé constatant cette mutation, ni aucun renseignement relatif à une modification de la valeur de la clientèle cédée ; qu'aucun paiement de droits d'enregistrement n'a par ailleurs été constaté lors des réévaluations successives de la clientèle ; que le prix déclaré ne correspond pas non plus au prix provisoire de cession figurant dans la convention du 29 mars 1997 ; que, dans ces conditions, en l'absence de présentation de tout document ayant date certaine, l'administration a pu à bon droit estimer que les versements effectués par la SELARL Zan Conseils à M. X au titre des années 2000 et 2001, étaient constitutifs d'une réévaluation du poste d'actif « droit de présentation de clientèle » et non de compléments de prix, procéder aux redressements d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés contestés sur ces mêmes années et qualifier en conséquence les versements litigieux de revenus distribués ;
Considérant que la circonstance que le service aurait indiqué qu'une somme de
875 266 francs constituait la limite supérieure à laquelle pouvait être évaluée la valeur du fonds cédé, n'est pas de nature à établir que la valeur de 825 000 francs retenue par l'administration résultant de la déclaration du 23 juillet 1997 auprès de la recette divisionnaire des impôts de Lille serait insuffisante ;
Considérant que c'est donc à bon droit que l'administration a qualifié les versements effectués en 2000 et 2001 à titre de réévaluation du droit de présentation de clientèle non de compléments de prix mais de suppléments de bénéfices imposables ;
En ce qui concerne l'abandon de créance :
Considérant que des sommes de montants respectifs de 500 000 francs et 400 000 francs ont été versées sur le compte courant de M. X en 2000 et 2001 par M. Y, qui est un client de la société ; que le service a estimé qu'à défaut de preuve contraire quant à la nature de ces apports en compte courant, M. X devait être regardé comme ayant appréhendé lesdites sommes ;
Considérant que M. et Mme X font valoir que les inscriptions en compte courant d'associés litigieuses résultent de prêts consentis à titre personnel par M. Y à M. X, et non du paiement d'honoraires dus par ce client de la SELARL Zan Conseils ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a constaté que l'inscription en compte-courant de la somme de 500 000 francs pour l'année 2000 résultait de diverses écritures comptables ; que la facture de débours comptabilisée le 3 octobre 2000 pour le compte client de M. Y a été annulée, sans justificatif, puis créditée sur le compte courant d'associé de M. X ; que le versement de la somme de 400 000 francs a été révélé le 13 février 2001 par le débit du compte bancaire de la société requérante et par le crédit du compte courant d'associé ; qu'ainsi les sommes versées par M. Y, qui ont transité par les comptes de la société avant d'être finalement créditées sur le compte courant d'associé de M. X, ont été appréhendées par ce dernier ; que les justificatifs produits par M. et Mme X, qui consistent en une reconnaissance de dette en date du 9 octobre 2002 et en des attestations, émises par M. Y, de remboursement de prêt pour des sommes de 15 000 euros et 7 000 euros en date du 16 novembre 2004, sont toutes postérieures aux redressements en cause et n'établissent pas le lien éventuel entre ces remboursements et les sommes litigieuses ; qu'ainsi, elles sont dépourvues de valeur probante ;
Considérant qu'il suit de là que c'est à juste titre que l'administration, après avoir constaté que M. X était bénéficiaire d'un abandon de créance, la SELARL Zan Conseils ayant substitué dans ses écritures à la dette qu'elle avait envers un tiers, une dette de même montant envers son gérant et associé principal, a qualifié de revenus distribués les sommes ainsi appréhendées par M. X et les a imposées entre les mains de celui-ci en application des dispositions de l'article 109.1.1° du code général des impôts ;
En ce qui concerne les frais kilométriques :
Considérant que l'administration a refusé la déduction de certains frais kilométriques remboursés à M. X au titre des trois années vérifiées au motif qu'il n'était pas justifié qu'ils avaient été exposés dans l'intérêt de l'entreprise ;
Considérant que, si les requérants contestent le kilométrage retenu par l'administration pour les différents véhicules utilisés par M. X, ils ne produisent à l'appui de ces affirmations aucun document probant susceptible de les étayer ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'administration avait pu refuser la déduction de ces frais des résultats de l'entreprise et les qualifier en conséquence de revenus distribués à M. X ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant que l'administration, en relevant que M. X, gérant et principal associé de la SELARL Zan Conseils, qui est avocat d'affaires spécialisé en droit commercial et en droit des sociétés, ne pouvait ignorer que l'absence de constatation de réévaluation d'actif se soldant par une inscription au compte courant d'un associé alors qu'aucun produit correspondant n'a été constaté par la société est prohibée et que les sommes versées par M. Y à la société puis virées sur le compte courant de M. X constituent un abandon de créance, doit être regardée comme établissant la mauvaise foi des requérants telle qu'entendue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que
M. et Mme X demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme Adam X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Adam X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
N° 06DA01663 2