Vu la requête, enregistrée le 14 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mokrane X, demeurant ..., par Me Pawletta ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0404531 du 2 décembre 2004, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 12 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de la suspension de son permis de conduire ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'il est resté sans permis de conduire du 4 mars 2003 au 10 octobre 2003, que pendant cette période, sa recherche d'un emploi a été rendue plus difficile et qu'il a subi, en outre, un trouble de jouissance d'agrément ; que le préfet a commis une faute lourde en s'abstenant de vérifier, avant de prendre son arrêté de suspension du permis de conduire, que le procès-verbal qui lui était soumis et qui révélait un taux d'alcoolémie supérieur aux normes légales, concernait bien une personne qui conduisait au moment où le test a été effectué ; que le préfet a également commis une faute en refusant de tirer toutes les conséquences de la décision de relaxe prononcée par le juge pénal, en refusant de lui restituer son permis de conduire et en lui imposant une visite médicale préalable ;
Vu l'ordonnance du 20 mars 2006 fixant la clôture d'instruction au 20 avril 2006, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la lettre du 7 février 2006 par laquelle le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a été mis en demeure de produire ses conclusions en réponse à la requête de M. X et a été informé qu'à défaut, il serait réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant en vertu de l'article R. 612-6 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Jean-Claude Stortz, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 224-2 du code de la route en vigueur à la date de l'arrêté contesté : « Lorsque l'état alcoolique est établi au moyen d'un appareil homologué, comme il est dit au premier alinéa de l'article L. 224-1, ou lorsque les vérifications mentionnées aux articles L. 234-4 et L. 234-5 apportent la preuve de cet état, le représentant de l'Etat dans le département peut, dans les soixante-douze heures de la rétention du permis, prononcer la suspension du permis de conduire pour une durée qui ne peut excéder six mois (…) » ; qu'aux termes de l'article R. 221-13 du code de la route : « I. - Le préfet soumet à un examen médical: 1º Tout conducteur ou accompagnateur d'un élève conducteur auquel est imputable l'une des infractions prévues par les articles L. 234-1, et L. 234-8 ; 2º Tout conducteur qui a fait l'objet d'une mesure portant restriction ou suspension du droit de conduire d'une durée supérieure à un mois pour l'une des infractions prévues au présent code, autres que celles visées au 1º ci-dessus. II. - Lorsque le titulaire du permis de conduire néglige ou refuse de se soumettre, dans les délais qui lui sont prescrits, à l'une des visites médicales prévues au présent article, le préfet peut prononcer ou maintenir la suspension du permis de conduire jusqu'à production d'un certificat médical favorable délivré à la demande de l'intéressé par la commission médicale prévue à l'article R. 221-11 » ; qu'aux termes de l'article L. 221-14 du code de la route : « I. - Postérieurement à la délivrance du permis, le préfet peut prescrire un examen médical : 1º Dans le cas où les informations en sa possession lui permettent d'estimer que l'état physique du titulaire du permis peut être incompatible avec le maintien de ce permis de conduire. Cet examen médical doit être réalisé par la commission médicale prévue à l'article R. 221-11 ; au vu du certificat médical, le préfet prononce, s'il y a lieu, soit la restriction de validité, la suspension ou l'annulation du permis de conduire, soit le changement de catégorie de ce titre » ;
Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 4 mars 2003, le préfet du département du Nord agissant dans le cadre de la procédure d'urgence instituée par l'article L. 224-2 du code de la route, a prononcé la suspension du permis de conduire de M. X pour une durée de 6 mois et décidé de soumettre sa restitution à une visite médicale favorable, par le motif que le procès verbal des services de police de Roubaix dressé le 4 mars 2003 établissait à la charge de l'intéressé l'infraction de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique et d'absence du port de la ceinture de sécurité ; qu'à l'appui de sa demande d'indemnité, M. X invoque l'illégalité de la décision du 4 mars 2003 ;
Considérant que dans l'exercice des pouvoirs de suspension du permis de conduire à titre provisoire et en cas d'urgence, définis par l'article L. 224-2 du code de la route, les décisions illégales prises par le préfet ne sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat que si elles constituent des faits revêtant le caractère d'une faute lourde ;
Considérant que, par un jugement du 26 septembre 2003, le Tribunal de grande instance de Lille, statuant sur les faits rappelés ci-dessus, a relaxé M. X, compte tenu de l'absence de preuve que l'intéressé se soit rendu coupable des faits de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique qui lui étaient reprochés ; que si, en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux faits constatés par le juge pénal, la décision du 4 mars 2003 doit être regardée comme dépourvue de fondement, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu du procès-verbal qui lui était soumis et des deux contrôles ayant révélé chez M. X un taux d'alcoolémie d'au moins 0,93 milligrammes par litre d'air expiré, l'erreur commise par le préfet du Nord ait été constitutive d'une faute lourde ;
Considérant, en second lieu, que M. X soutient que le préfet a également commis une faute en refusant de tirer toutes les conséquences de la décision de relaxe prononcée par le juge pénal en refusant de lui restituer son permis de conduire et en lui imposant une visite médicale préalable ; que, toutefois, le délai de deux semaines écoulé entre la relaxe de l'intéressé et la restitution du permis de conduire ne permet pas, dans les circonstances de l'espèce, de caractériser l'existence d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet du Nord disposait d'informations lui permettant d'estimer que l'état physique de M. X pouvait être incompatible avec le maintien de son permis de conduire ; qu'ainsi le préfet du Nord a pu légalement en application des dispositions du 1° de l'article R. 221-14 du code de la route prescrire à M. X une visite médicale préalablement à la restitution de son permis de conduire ; qu'il n'a donc pas commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la suspension de son permis de conduire pendant une période de 6 mois et de l'obligation qui lui a été imposée de se soumettre à un examen médical ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 précité du code de justice administrative fait obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mokrane X et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
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N°05DA00181