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07/06/2007 | FRANCE | N°06DA00382

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 07 juin 2007, 06DA00382


Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la ville d'EVREUX, prise en la personne de son maire, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville, par la SELARL Cabinet Griffiths ; la ville d'EVREUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400053 du 21 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Spie Batignolles Technologies venant aux droits de la société Spie Précontrainte à lui verser une somme de 313 154,56 euros e

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Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la ville d'EVREUX, prise en la personne de son maire, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville, par la SELARL Cabinet Griffiths ; la ville d'EVREUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400053 du 21 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Spie Batignolles Technologies venant aux droits de la société Spie Précontrainte à lui verser une somme de 313 154,56 euros en réparation des désordres affectant le Palais de Congrès Le Cadran à Evreux ;

2°) de condamner la société Spie Batignolles Technologies venant aux droits de la société Spie Précontrainte à lui verser une somme de 513 154,56 euros toutes taxes comprises au même titre ;

3°) de condamner la société Spie Batignolles Technologies venant aux droits de la société Spie Précontrainte à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la participation de la société Spie Précontrainte aux opérations d'expertise constitue une reconnaissance de sa responsabilité ; qu'elle n'a pas fait valoir, au stade du référé expertise, la tardiveté de l'action en garantie décennale, et a par suite renoncé à la possibilité de se prévaloir de l'expiration du délai de garantie décennale ; que les stipulations de l'article 5.2 du cahier des clauses administratives générales, applicable aux marchés publics de travaux, aux termes desquelles, lorsque le dernier jour d'un délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'à la fin du premier jour ouvrable qui suit, sont applicables aux modalités de computation du délai de garantie décennale ; qu'elle a posté le jeudi 28 décembre 2000 une requête à fin de désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer l'origine des désordres en litige et d'apprécier les responsabilités encourues ; que l'enregistrement de cette requête le mardi 2 janvier 2001 n'est pas imputable à un délai d'acheminement anormalement long et qu'ainsi il aurait dû être tenu compte, non de la date d'enregistrement de sa requête, mais de la date d'envoi ; que les désordres ont rendu l'ouvrage impropre à son utilisation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2006 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 4 juillet 2007, présenté pour la société Spie Batignolles Technologies venant aux droits de la société Spie Précontrainte, par la société d'avocats Lanfry et Barrabé ; elle conclut au rejet de la requête et à ce que la ville d'EVREUX soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient à titre principal que la circonstance qu'elle ait participé aux opérations d'expertise et sollicité l'extension de ladite expertise au contradictoire des entreprises sous-traitantes et de leurs assureurs, ne constitue pas une reconnaissance, par la société Spie Précontrainte, de sa responsabilité ; que la circonstance qu'elle n'ait pas fait valoir, au stade du référé expertise, la tardiveté de l'action en garantie décennale, ne constitue pas davantage une renonciation à la possibilité de se prévaloir de l'expiration du délai de garantie décennale ; que les stipulations de l'article 5.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics ne sont pas applicables aux modalités de computation du délai de garantie décennale ; que le délai de garantie décennale n'est ni un délai franc ni un délai de procédure au sens de l'article 642 du nouveau code de procédure civile ; qu'il ne peut donc être prorogé jusqu'au premier jour ouvrable au cas où il expirait un samedi, un dimanche, ou un jour férié ou chômé ; qu'en vertu de ce principe, le délai de garantie décennale ayant, au cas d'espèce, commencé à courir le 31 décembre 1990, ne pouvait être prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant et a normalement expiré le 31 décembre 2000 à minuit ; que le mardi 2 janvier 2001, date d'enregistrement de la requête de la ville d'EVREUX à fin d'expertise, le délai de garantie décennale était expiré ; elle soutient à titre subsidiaire que les désordres, par leur faible gravité, ne rendent pas l'ouvrage impropre à son utilisation ; que les dommages sont imputables à un défaut d'entretien par le maître de l'ouvrage, de nature à l'exonérer de sa responsabilité de constructeur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, présidente de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain Stéphan, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un acte d'engagement du 5 décembre 1988, la ville d'EVREUX a confié à la société Nouvelle Coignet Entreprise, la réalisation d'un palais des congrès situé Triangle du bois Jolet, à Evreux ; que la réception des travaux a été prononcée le 21 janvier 1991, avec comme date réelle d'achèvement des travaux le 31 décembre 1990 ; que, postérieurement à cette réception, des désordres affectant la couverture en dalles de la façade de l'ouvrage sont apparus ;

Considérant que le 2 janvier 2001, la ville d'EVREUX a saisi le Tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer l'origine des désordres en litige et d'apprécier les responsabilités encourues, puis, le 10 janvier 2004, d'une demande tendant à la condamnation de la société Spie Précontrainte, venant aux droits de la société Nouvelle Coignet Entreprise, à lui verser la somme de 313 154,56 euros en réparation des désordres sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs ; que la ville d'EVREUX fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Considérant que la circonstance que la société Spie Précontrainte ait participé aux opérations d'expertise et sollicité l'extension de ladite expertise au contradictoire des entreprises sous-traitantes et de leurs assureurs, ne constituait pas une reconnaissance, par ladite société, de sa responsabilité ; que la circonstance que la société Spie Précontrainte n'ait pas fait valoir, au stade du référé expertise, la tardiveté de l'action en garantie décennale, ne constitue pas davantage une renonciation à la possibilité de se prévaloir de ce moyen ;

Considérant que le marché litigieux se réfère expressément au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux annexés au décret du 21 janvier 1976 ; que l'article 45 dudit cahier des clauses administratives générales fixe le point de départ de la garantie décennale à la date d'effet de la réception ; que le procès-verbal de réception de l'ouvrage mentionne qu'il prend effet au 31 décembre 1990 ; que, dès lors, le délai d'action en garantie décennale a commencé à courir à compter de cette date ;

Considérant que les stipulations de l'article 5.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux aux termes desquelles, lorsque le dernier jour d'un délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'à la fin du premier jour ouvrable qui suit, sont relatives aux modalités de décompte des délais susceptibles d'être impartis au maître d'ouvrage, à la personne responsable du marché, au maître d'oeuvre où à l'entrepreneur dans le cadre de l'exécution du marché ; que ces stipulations ne sont pas applicables aux modalités de computation du délai de garantie décennale ;

Considérant que le délai de garantie décennale n'est ni un délai franc ni un délai de procédure au sens de l'article 642 du nouveau code de procédure civile ; qu'il ne peut donc être prorogé jusqu'au premier jour ouvrable au cas où il expirerait un samedi, un dimanche, ou un jour férié ou chômé ; qu'en vertu de ce principe, le délai de garantie décennale ayant, au cas d'espèce, commencé à courir le 31 décembre 1990, ne pouvait être prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant, et a normalement expiré le 31 décembre 2000 à minuit ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que la ville d'EVREUX a posté le jeudi 28 décembre 2000 une requête à fin de désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer l'origine des désordres en litige et d'apprécier les responsabilités encourues ; que l'enregistrement de cette requête le mardi 2 janvier 2001 n'est pas imputable à un délai d'acheminement anormalement long du courrier mais à la circonstance que sa requête ne pouvait être enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Rouen du samedi 30 décembre 2000 au lundi 1er janvier 2001 ; qu'ainsi, la ville d'EVREUX, à qui il appartenait de tenir compte de ce calendrier, ne peut se prévaloir d'un délai d'acheminement anormalement long ; que, par suite, le mardi 2 janvier 2001, date d'enregistrement de cette requête, le délai de garantie décennale était expiré ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la ville d'EVREUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Spie Batignolles Précontrainte, aux droits de laquelle vient la société Spie Batignolles Technologies, à lui verser une somme de 313 154,56 euros en réparation des désordres affectant le Palais de Congrès Le Cadran à Evreux ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la ville d'EVREUX le paiement à la société Spie Batignolles Technologies venant aux droits de la société Spie Précontrainte de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ville d'EVREUX est rejetée.

Article 2 : La ville d'EVREUX versera à la société Spie Batignolles Technologies venant aux droits de la société Spie Précontrainte la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ville d'EVREUX et à la société Spie Batignolles Technologies venant aux droits de la société Spie Précontrainte.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

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N°06DA00382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 06DA00382
Date de la décision : 07/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Alain Stéphan
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL CABINET GRIFFITHS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-06-07;06da00382 ?
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