Vu la requête, enregistrée par télécopie le 20 novembre 2006 et régularisée par l'envoi de l'original le 24 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Marat Y, demeurant ..., par Me Berthe ; M. Y demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604792, en date du 31 juillet 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 26 juillet 2006 décidant sa reconduite à la frontière et fixant l'Arménie comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation et ce, sous astreinte de 155 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière est insuffisamment motivé ; que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait ainsi que d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une reconduite sur sa situation personnelle ; que la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée au respect de son droit de mener une vie privée et familiale normale et méconnaît de ce fait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination viole les stipulations de l'article 3 de la convention précitée ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai en date du 16 octobre 2006 prononçant l'admission à l'aide juridictionnelle totale de
M. Y ainsi que les mentions attestant de sa notification ;
Vu l'ordonnance en date du 28 novembre 2006 fixant la clôture de l'instruction au
29 janvier 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2006, présenté par le préfet du Nord qui conclut au rejet de la requête de l'intéressé ; le préfet soutient que l'arrêt de reconduite à la frontière ainsi que la décision distincte fixant le pays de destination attaqués ne sont entachés d'aucune illégalité et que les moyens de M. Y ne sont pas fondés ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2007, présenté par M. Y qui conclut au maintien de l'ensemble de son argumentation ; il soutient en outre que l'état de santé de ses parents s'est aggravé de manière significative, depuis la décision de refus de titre de séjour du
26 octobre 2005 dont ils ont fait l'objet ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian,
président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y, de nationalité arménienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision en date du 26 octobre 2005 confirmée par rejet le 15 mai 2006 de son recours gracieux par laquelle le préfet du Nord lui a refusé un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; que M. Y était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant, en premier lieu, que si M. Y soutient que la motivation de l'arrêté attaqué est stéréotypée et que le préfet du Nord n'a pas pris en compte sa situation personnelle notamment vis-à-vis de ses parents, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté, en se référant aux termes de l'avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique sur l'état de santé de ces derniers et en relevant notamment que les parents de l'intéressé « font également l'objet d'une décision défavorable et distincte du 25 juillet 2006 » énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant, en deuxième lieu, que nonobstant l'état de santé des parents de
M. Y, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de l'intéressé, dépourvu de revenus réguliers, auprès de ces derniers, âgés de 55 et 50 ans et logés par le Comité d'entraide aux français rapatriés soit indispensable tant sur le plan financier que psychologique ; que, par suite, en se fondant pour prendre la décision attaquée, notamment sur la circonstance selon laquelle M. Y est célibataire, sans charge de famille et sans domicile personnel en France, le préfet du Nord n'a pas entaché son arrêté d'inexactitude matérielle des faits ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. Y fait valoir que ses parents sont malades, qu'il doit rester en France pour s'occuper d'eux dont il est le soutien indispensable, qu'il est intégré à la société française et qu'il dispose d'une promesse d'embauche, ces circonstances, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'aide et l'assistance devant être apportées aux parents de l'intéressé qui se trouvent également en situation irrégulière, ne puissent l'être par une personne extérieure et eu égard à l'entrée récente de l'intéressé sur le territoire français, ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;
Considérant, enfin que, pour les raisons exposées ci-dessus, M. Y n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant que si M. Y, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 16 octobre 2002, confirmée par la commission des recours des réfugiés le
13 septembre 2004, fait valoir qu'il serait exposé à des risques en cas de retour en Arménie, il n'assortit ses allégations d'aucune justification suffisamment probante pour établir la réalité de ces risques ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2006 par lequel le préfet du Nord a ordonné sa reconduite à la frontière à destination de l'Arménie ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. Y, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à l'appelant une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Marat Y, au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
N°06DA01519 2