Vu la requête, enregistrée le 29 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Pierre Y, demeurant ..., par la SCP Croissant-de-Limerville, Orts ; M. Y demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0403023 en date du 6 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2004 par lequel le préfet de l'Oise a autorisé M. Charles-Henri X et la SCEA des Fermes du Parc et Tournelles à exploiter 2 hectares 5 ares de terres situées sur le territoire de la commune de
Nanteuil-le-Haudouin ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le motif de l'octroi de l'autorisation est l'installation de M. X alors que le préfet motive notamment sa décision par la circonstance que la reprise est conforme aux « orientations du schéma qui vise au maintien d'unités de plus de 71 hectares pour la région considérée puisque le fermier en place conservera 148 hectares » ; que l'arrêté attaqué est ainsi empreint d'une contradiction ; que cette motivation n'est pas au nombre des orientations fixées par le schéma directeur des structures de l'Oise ; que la décision est également entachée d'une erreur de droit ; que le préfet a commis une erreur d'appréciation en considérant que la reprise ne compromettait pas l'autonomie de son exploitation ; que cette opération ne ferait, au contraire, qu'accentuer le déséquilibre flagrant entre les deux exploitations ; que la parcelle en litige est indispensable à l'équilibre économique de son exploitation et ce d'autant que l'un de ses enfants est en attente de s'installer ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 19 septembre 2006 portant clôture de l'instruction au
19 décembre 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 décembre 2006 par télécopie et régularisé le
18 décembre 2006 par la production de l'original, présenté pour M. Charles-Henri X, demeurant 21 rue de la Couture à Nanteuil le Haudoin (60440), par la SCP Drye, de Bailliencourt, Cambier, le Tarnec et Borgeaud, qui conclut au rejet de la requête, à la condamnation de
M. Y à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que le moyen, d'ailleurs nouveau en appel, selon lequel la décision du
24 novembre 2004, serait empreint d'une contradiction de motifs, n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que l'un des objectifs du schéma directeur est d'éviter le démembrement des exploitations viables c'est à dire de favoriser le maintien des exploitations de plus de 71 hectares ; que le déséquilibre des exploitations n'est pas au nombre des motifs de nature à justifier un refus d'autorisation d'exploiter ; que le recours n'a d'autre objet que de retarder la restitution des terres ; que cet abus de procédure lui est préjudiciable et justifie qu'il sollicite, à titre de réparation, la condamnation des époux Y ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le l9 décembre 2006 par télécopie et régularisé le
2 janvier 2007 par la production de l'original et qui a été communiqué aux parties en litige, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ; il conclut au rejet de la requête et fait valoir que deux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Oise, à savoir l'installation d'un agriculteur et le maintien d'une exploitation viable, peuvent être présentées simultanément ; que le préfet, en se référant à la structure du preneur en place, n'a fait que se conformer aux dispositions des 3° et 4° de l'article L. 313-3 du code rural ; que le préfet de l'Oise a pu, à bon droit, se référer à deux orientations lesquelles ne sont pas hiérarchisées, sans qu'une contradiction de motifs ne soit encourue et sans entacher sa décision d'illégalité ; que le préfet s'est borné à faire une application combinée de deux articles du schéma directeur départemental ; que le fait pour le demandeur de disposer d'une superficie plus élevée que celle du preneur en place ne justifie pas un refus d'autorisation d'exploiter ; que l'appelant n'apporte aucun élément de nature à démontrer les conséquences économiques défavorables de la reprise sur son exploitation ; que le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation en examinant la situation respective des parties en litige ; que le préfet n'a pas à prendre en compte la circonstance qu'un des enfants de M. Y est dans l'attente de s'installer pour se prononcer sur une demande d'autorisation ;
Vu l'ordonnance en date du 21 décembre 2006 portant réouverture d'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 8 janvier 2007, présenté pour M. Y, concluant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu la lettre en date du 4 avril 2007 par laquelle la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. OlivierYeznikian, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article L. 331-3 du code rural prévoit que : « L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande (…) » et mentionne les critères que le préfet est tenu de prendre en compte ; que l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Oise au nombre des orientations de la politique d'aménagement des structures d'exploitation, retient l'objectif de maintenir le maximum d'exploitations viables, c'est à dire susceptibles de fournir le revenu de référence ; qu'en vertu du a) de l'article 5 du même schéma, l'unité de référence en polyculture-élevage est dans la partie du territoire concernée de 71 hectares ;
Considérant, d'une part, qu'en retenant que la reprise sollicitée par M. X « correspond aux orientations du schéma qui vise aux maintiens d'unités de plus de 71 hectares pour la région concernée puisque le fermier en place conservera 148 hectares », le préfet de l'Oise n'a entaché sa décision ni de contradiction ni d'erreur de droit dans la mesure où tant l'exploitation du preneur en place que celle du demandeur sont supérieures au seuil de viabilité tel que défini par le schéma directeur mentionné ci-dessus ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y, âgé de cinquante neuf ans, qui exploitait les terres en litige d'une contenance de 2 hectares 5 ares, pouvait continuer, en dépit de la reprise, à exploiter 148 hectares, soit une surface supérieure à deux fois le seuil de viabilité ; que la reprise envisagée par M. X était, par ailleurs, de nature à permettre, conformément à l'une des orientations du schéma directeur des structures agricoles du département de l'Oise, l'installation d'un jeune agriculteur dans le cadre d'une société civile d'exploitation agricole ; que la circonstance qu'un des deux enfants de M. Y souhaiterait s'installer dans l'avenir comme agriculteur, est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué, laquelle doit être appréciée à la date d'intervention dudit arrêté ; qu'en estimant que l'autorisation accordée à M. X n'était pas de nature à compromettre l'autonomie économique de l'exploitation du cédant, le préfet n'a pas, contrairement à ce que soutient M. Y, commis d'erreur d'appréciation nonobstant la circonstance que cette opération accentue le déséquilibre entre les superficies exploitées par le demandeur et le preneur en place ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Oise du 24 novembre 2004 ;
Sur les conclusions reconventionnelles de M. X tendant à lui verser une indemnité de
2 000 euros pour procédure abusive :
Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles, de surcroît présentées pour la première fois en cause d'appel, tendant à ce que le demandeur soit condamné à payer à la personne mise en cause des dommages-intérêts pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions susvisées de M. X ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner M. Y à verser à
M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.
Article 2 : M. Y est condamné à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions reconventionnelles de M. X sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre Y, à M. Charles-Henri X ainsi qu'au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
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N°06DA01193