La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2007 | FRANCE | N°06DA00490

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 10 mai 2007, 06DA00490


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 avril 2006 et confirmée par la production de l'original le 10 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC, représentée par son maire en exercice, par Me Pugeault ; elle demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0201967 du 29 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M. et Mme Gérard X, après l'avoir reconnue responsable du préjudice subi par M. et Mme X, l'a condamnée à leur verser, d'une part, la somme de 11 000 euros

à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'ils...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 avril 2006 et confirmée par la production de l'original le 10 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC, représentée par son maire en exercice, par Me Pugeault ; elle demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0201967 du 29 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M. et Mme Gérard X, après l'avoir reconnue responsable du préjudice subi par M. et Mme X, l'a condamnée à leur verser, d'une part, la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi et, d'autre part, la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par les époux X en première instance ;

3°) de condamner les époux X à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que concernant la responsabilité de la commune pour carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, la demande en réparation de leur préjudice formée par les époux X est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une demande préalable ; qu'ainsi le contentieux n'est pas lié ; que la commune ne peut voir sa responsabilité sans faute engagée pour troubles anormaux de voisinage dès lors qu'en achetant en février 1996 une maison à proximité d'une salle des fêtes, les époux X ne pouvaient ignorer qu'un tel équipement, qui attire du public quelle que soit la nature de la manifestation autorisée, est générateur de nuisances du fait même de la sortie du public de la salle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2006, présenté pour la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre à titre subsidiaire, sur le fond, que la réalité du préjudice invoqué par les époux X n'est pas démontrée et qu'en tout état de cause, il ne peut s'agir d'un important préjudice réparé à hauteur de 11 000 euros ; que compte tenu des moyens techniques, financiers et en personnel très limité de la commune, le délai mis pour appliquer le décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998 ne peut être considéré comme fautif ; que compte tenu de la nature des nuisances alléguées, il ne pouvait être demandé plus au maire de BERRY-AU-BAC que l'édiction des mesures qu'il a prises, de sorte qu'aucune faute, ni simple, ni à fortiori lourde, ne peut lui être reprochée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2006, présenté pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Guillaneux, qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC à leur payer la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que la fin de non- recevoir opposée par la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC doit être rejetée dès lors qu'elle est soulevée pour la première fois en appel et que la commune n'a présenté qu'une défense au fond en première instance ; que la commune n'a mis en oeuvre aucun des moyens mis à sa disposition pour mettre fin aux nuisances, notamment sonores, qu'ils ont subies ; que la commune n'a pas contesté les diverses nuisances liées au fonctionnement de la salle polyvalente ; que la carence de l'autorité de police municipale a présenté le caractère d'une faute qui peut être qualifiée de lourde et de nature à engager la responsabilité de la commune ; que le lien entre l'existence de la salle polyvalente, son fonctionnement et la réalité du dommage est établi ;

Vu l'ordonnance en date du 16 janvier 2007 portant clôture de l'instruction au 16 février 2007 ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 janvier 2007, présenté pour la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 5 février 2007 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998 relatif aux prescriptions applicables aux établissements recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Albert Lequien, premier conseiller :

- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC est dirigée contre le jugement du 29 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M. et Mme Gérard X, après l'avoir reconnue responsable du préjudice subi par M. et Mme X, l'a condamnée à leur verser la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de tous chefs de préjudice confondus qu'ils ont subis, en raison du fonctionnement de la salle polyvalente municipale ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC :

Considérant que la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC soutient pour la première fois en appel que les conclusions des époux X tendant à l'indemnisation du préjudice qu'ils estiment avoir subi sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ; que toutefois, en concluant au fond devant les premiers juges, la commune a lié le contentieux ; que, par suite, la fin de non-recevoir qu'elle oppose en appel doit être écartée ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics (…) » ;

Considérant, d'une part, que si la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC soutient que sa responsabilité ne saurait être admise en l'absence de préjudice réel, il résulte de l'instruction que l'organisation de nombreuses manifestations de 1996 à 2002 dans cette salle des fêtes a été à l'origine d'un important préjudice pour M. et Mme X dont la maison est située à proximité immédiate de cet équipement ; qu'en 2001, le Tribunal de police de Laon a, par un jugement confirmé par un arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, condamné pour tapage nocturne l'organisateur d'une soirée dans cette salle ; qu'il résulte des courriers du préfet de l'Aisne du 28 août 2001 et de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale de l'Aisne du 18 septembre 2001, qu'alors que les valeurs limites d'émergence ne doivent pas dépasser 5 dB le jour et 3 dB la nuit, les mesures ont fait apparaître des pics à 5,3 dB le jour et 18,4 dB la nuit ; que la nuisance sonore est donc caractérisée ; que la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC n'a, par ailleurs, pas appliqué la réglementation issue du décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998 relatif aux prescriptions applicables aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée ; que l'existence d'autres nuisances liées au fonctionnement de cet équipement, telles le bruit des voitures, l'irruption dans le jardin des demandeurs de personnes participant à des soirées dans la salle, des dégradations de biens et de dépôt d'ordures n'est pas contestée par la commune ; que la circonstance, à la supposer établie, que M. et Mme X seraient les seuls riverains à s'être plaints de cette situation n'est pas de nature à limiter la responsabilité de la commune ;

Considérant, d'autre part, que si la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC soutient que sa carence n'est pas réelle, il ressort des pièces du dossier que son action s'est limitée à la pose de rideaux destinés à atténuer le bruit et à celle de panneaux d'interdiction de stationnement en mai 2000 ; que l'accomplissement des formalités réglementaires en matière de police des établissements recevant du public ne peut tenir lieu des diligences destinées à éviter les nuisances sonores manifestes générées par cet équipement ; que la commune, dans un contexte de vive tension entre les requérants et elle, n'a manifestement pas souhaité intervenir ; qu'il n'est pas soutenu ni même allégué qu'elle ait procédé au contrôle du respect des consignes contenues dans le règlement d'utilisation de la salle des fêtes, notamment en matière de bruit et de stationnement, alors que ce document précisait que « la commune se réserve le droit de contrôler et de faire respecter le règlement » ; qu'ainsi, en ne prenant pas les mesures de police appropriées en vue de prévenir et de mettre fin aux troubles, l'autorité municipale a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC ;

Sur le préjudice :

Considérant que M. et Mme X demandent l'indemnisation de leur préjudice moral et des conséquences qu'a eu cette situation dans leurs conditions d'existence et sur celles de leur fille de quatre ans ; que, nonobstant la circonstance que les époux X ne justifient pas avoir subi un préjudice financier particulier, lié aux carences de la commune, à l'occasion de la vente de la maison qu'ils occupaient à BERRY-AU-BAC, ladite vente était intervenue en raison des tensions créées par ces nuisances qui se sont notamment traduites par une agression à l'encontre de Mme X ; qu'ils ont dû entreprendre diverses actions en justice contre la commune pour faire valoir leurs droits ; que si l'autorisation d'ouvrir la salle des fêtes a été accordée à compter du 30 mars 1995 et que M. et Mme X ont acquis leur maison en février 1996, ce n'est que postérieurement à leur arrivée que la fréquence et l'intensité des nuisances se sont sensiblement développées ; qu'ils ne peuvent dès lors être considérés comme ayant délibérément accepté de prendre un risque de nature à engager leur responsabilité propre en s'installant à côté de cet équipement ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif a fait une juste appréciation en condamnant la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC à verser aux époux X une somme de 11 000 euros, tous chefs de préjudice confondus ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser aux époux X une somme de 11 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme X qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC à verser aux époux X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE BERRY-AU-BAC versera aux époux X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE BERRY-AU-BAC et à M. et Mme Gérard X.

Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.

2

N°06DA00490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA00490
Date de la décision : 10/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : PUGEAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-05-10;06da00490 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award