Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
28 décembre 2006, présentée par le PREFET DE LA SOMME ; le PREFET DE LA SOMME demande au président de la Cour d'annuler le jugement n° 0603047 du 7 décembre 2006 en tant que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 29 novembre 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Didier X ;
Le préfet soutient que son arrêté préfectoral de reconduite à la frontière n'est pas entaché d'illégalité dans la mesure où l'intéressé ne bénéficie plus d'un droit au séjour à partir de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que la requête déposée auprès de la Commission des recours des réfugiés est sans influence sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière ; que les documents apportés par
M. X à l'appui de sa demande de réexamen sont sans valeur probante ou ont déjà été examinés ; que son arrêté préfectoral de reconduite à la frontière n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisque l'intéressé ne justifie pas d'une vie commune en France avec une ressortissante française, et que, père de trois enfants issus d'une première union dans son pays d'origine, il peut y créer une véritable cellule familiale ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu l'ordonnance du 10 janvier 2007 fixant la clôture de l'instruction au 12 mars 2007, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2007, présenté pour M. Didier X, demeurant ..., par la
SCP Frison, Decramer et Associés, tendant au rejet de la requête ; il soutient que la délégation de signature du préfet au profit du secrétaire général n'a pas été portée à la connaissance des administrés par une publicité régulière ; que l'arrêté de délégation de signature n'est pas signé, contrairement à ce que prévoit l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile préalablement au rejet de sa demande de titre fondée sur l'article L. 313-11 dudit code ou l'article L. 314-11 ; que la décision de reconduite ne pouvait être prise avant que la Commission des recours des réfugiés n'ait rendu sa décision dès lors que son appel ne présentait aucun caractère dilatoire sans méconnaître le champ d'application de l'article
L. 742-6 alinéa 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision viole donc l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'il est accusé de complicité dans l'assassinat de M. Désiré Kabila et ne peut donc retourner en République Démocratique du Congo sans craindre pour sa vie, et que sa mère a également fait l'objet de menaces ; que, par ailleurs, il n'a plus aucune famille en République Démocratique du Congo n'ayant plus de contacts avec la mère de ses enfants qui a fui la République Démocratique du Congo et ses enfants et qu'il entretient une relation amoureuse avec une française ce qui rend applicable l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et lui ouvre droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est bien intégré en France et ne représente pas une menace pour l'ordre public ; qu'en ordonnant sa reconduite à la frontière le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et
M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Jean-Claude Stortz, président de chambre ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Sur le jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que
M. X, ressortissant de la République démocratique du Congo, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification de la décision du 9 juin 2006 du PREFET DE LA SOMME lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi, M. X se trouvait, à la date de l'arrêté attaqué, dans la situation prévue par les dispositions précitées qui autorisait le PREFET DE LA SOMME à décider sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : « L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Commission des recours des réfugiés. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. » ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'Office » ;
Considérant que, pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2006 du PREFET DE LA SOMME décidant la reconduite à la frontière de M. X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a retenu que la troisième saisine de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne présentait pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère dilatoire ou abusif ; que, par suite, il a estimé que l'arrêté du 29 novembre 2006 ne pouvait intervenir avant que la Commission des recours des réfugiés se soit prononcée sur le cas de M. X et ainsi méconnaissait les dispositions des articles L. 742-6 et L. 743-3 précités ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après que la demande de statut de réfugié présentée par M. X a été rejetée une première fois par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 octobre 2003 puis par la Commission des recours des réfugiés le 30 novembre 2004, l'intéressé a sollicité le réexamen de sa situation devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à deux reprises les 14 mars 2005 et 11 avril 2006 et a obtenu à nouveau deux décisions de rejet prononcées les 24 mars 2005 et 4 mai 2006 ; que M. X n'a présenté à l'appui de sa seconde demande de réexamen que des déclarations écrites non convaincantes quant aux risques qu'il encourrait dans son pays d'origine ; que s'il a produit des documents nouveaux, ceux-ci étaient insuffisamment probants pour établir l'existence de faits nouveaux de nature à justifier une nouvelle demande d'asile ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la demande du 11 avril 2006 doit être regardée comme ayant pour seul objet de faire échec à la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à l'encontre de M. X et avait ainsi un caractère abusif au sens du 4° de l'article
L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le recours formé le 18 juillet 2006 par M. X devant la commission de recours des réfugiés ne s'opposait pas à ce que le PREFET DE LA SOMME décide une mesure d'éloignement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SOMME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a retenu la violation des dispositions des articles L. 742-6 et
L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer l'annulation de son arrêté du 29 novembre 2006 décidant la reconduite à la frontière de
M. X ;
Considérant qu'il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de cette partie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de première instance et d'appel présentés contre l'arrêté de reconduite à la frontière par M. X ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 8 août 2006, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de la Somme de septembre 2006, le PREFET DE LA SOMME a donné à M. Yves Lucchesi, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que M. Yves Lucchesi n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté attaqué et que l'arrêté de délégation de signature n'aurait pas été régulièrement publié, manquent en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X ne saurait utilement faire valoir que l'acte publié au recueil des actes administratifs du département ne comporte pas la signature du préfet pour soutenir que l'original de cet acte ne serait pas revêtu de la signature manuscrite du préfet ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X conteste par voie d'exception la décision implicite rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour du 30 juin 2006 fondée sur les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ; que l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière attaqué se fonde sur le seul arrêté de refus de séjour du 9 juin 2006 ; que, par suite, le moyen tiré de la prétendue illégalité de la décision implicite rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour du 30 juin 2006 est inopérant ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : « (…) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) » ;
Considérant que M. X soutient qu'il est isolé dans son pays d'origine, que sa vie se trouve désormais en France où il entretient une relation amoureuse avec une ressortissante française et s'implique dans la vie associative ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. X n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et qu'il ne peut justifier d'une vie commune avec ladite ressortissante ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions du séjour de M. X, célibataire sans enfant en France, entré sur le territoire en octobre 2001 à l'âge de 30 ans, il n'est pas établi que l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière a porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, M. X ne pouvait prétendre, contrairement à ce qu'il soutient, à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° précité ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société Démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que, pour les mêmes raisons que celles énoncées précédemment, il n'est pas établi que l'arrêté du 29 novembre 2006 par lequel le PREFET DE LA SOMME a ordonné la reconduite à la frontière de M. X a porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le PREFET DE LA SOMME n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant, en sixième lieu, que si M. X fait valoir qu'il n'a jamais troublé l'ordre public, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que M. X, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du
29 octobre 2003, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 30 novembre 2004, puis par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du
24 mars 2005 et du 4 mai 2006, soutient qu'il a dû quitter son pays d'origine en 2001, après avoir été accusé à tort de complicité dans l'assassinat du président Laurent Désiré Kabila ; qu'il affirme avoir été torturé pendant sept mois ; qu'à l'appui de ses allégations il fournit des documents dont des articles de journaux, des lettres de sa famille et deux avis de recherche et d'arrestation émis à son encontre les 5 août 2001 et 3 décembre 2005 par l'Agence nationale de renseignement congolaise ; que, toutefois, les documents qu'il produit n'ont pas été retenus par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides comme établissant la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en République Démocratique du Congo ; que, dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément ayant valeur probante, M. X n'établit pas être personnellement menacé en cas de retour dans son pays d'origine et n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en désignant comme pays de destination la République Démocratique du Congo, le PREFET DE LA SOMME aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SOMME est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0603047 du 7 décembre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens est annulé et la demande de M. Didier X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à M. Didier X.
Copie sera transmise au préfet de la Somme.
N°06DA01764 2