Vu la requête sommaire, enregistrée le 21 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Kadra X, demeurant ..., par la SCM Desurmont, Playoust, Deleplanque ; Mme X déclare interjeter appel du jugement n° 0305127 rendu le 6 juin 2006 par le Tribunal administratif de Lille ;
Elle soutient que l'évaluation du préjudice par le Tribunal a été insuffisante ;
Vu le mémoire ampliatif, enregistré le 5 janvier 2007, présenté pour
Mme X ; Mme X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas engagé la responsabilité du centre hospitalier de Roubaix sur le fondement d'un défaut d'information et en ce qu'il n'a fait que partiellement droit aux conclusions indemnitaires, présentées suite aux conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale pratiquée sur elle le 2 octobre 2000, tendant au versement d'une somme totale de 74 231,57 euros, ainsi qu'aux conclusions tendant à la condamnation dudit hôpital à lui verser une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à lui payer une somme totale de
152 239,57 euros, avec intérêts de droit à compter du 28 novembre 2002 ;
3°) de condamner l'hôpital à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Elle soutient que le centre hospitalier de Roubaix est non seulement responsable du fait d'une faute médicale, mais aussi du fait d'un défaut d'information médicale, à la fois pré-opératoire et post-opératoire, qui a eu, contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, des conséquences dommageables ; que le défaut d'information doit donner lieu à indemnisation ; que le préjudice économique doit être indemnisé, la requérante ayant subi une perte de chance de retrouver un emploi du fait de l'intervention chirurgicale litigieuse ; que les chefs de préjudice qui ont été indemnisés par le Tribunal l'ont été de manière insuffisante ; qu'enfin, une nouvelle intervention chirurgicale étant inévitable, la somme représentative du coût prévisible de cette opération doit lui être allouée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'avis de réception de la mise en demeure adressée en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative le 26 décembre 2006 à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2007, présenté pour le centre hospitalier de Roubaix par Me Segard ; le centre hospitalier de Roubaix demande à la Cour de rejeter la requête, par la voie de l'appel incident d'annuler le jugement attaqué et de rejeter l'ensemble des demandes présentées par Mme X, à titre subsidiaire de dire que sa responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement d'une perte de chance, à titre infiniment subsidiaire de rejeter ou limiter les demandes indemnitaires de la requérante, et de condamner
Mme X à lui payer une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ; il soutient qu'aucune faute médicale n'a été commise à l'occasion de l'intervention chirurgicale litigieuse ; à titre subsidiaire, que sa responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement d'une perte de chance ; que l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle, sur le fondement d'une perte de chance, doit être ramenée à une fraction de la somme de 3 000 euros ; que le préjudice économique n'est pas constitué ; que l'indemnisation du pretium doloris doit être ramenée à une somme de 1 200 euros au lieu de 1 500 euros ; que le préjudice esthétique est sans lien avec la prétendue faute de l'hôpital ; que le préjudice d'agrément n'est pas non plus constitué ;
Vu les observations, enregistrées le 25 janvier 2007, présentées sans ministère d'avocat par la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix, qui a été régulièrement informée de l'obligation de ce ministère ;
Vu l'ordonnance en date du 6 février 2007 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a fixé la clôture d'instruction au 16 mars 2007, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2007, présenté pour Mme X par lequel celle-ci conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :
- le rapport de M. Manuel Delamarre, premier conseiller ;
- les observations de Me Lampin, substituant Me Desurmont, pour Mme X,
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Kadra X a été opérée, le 2 octobre 2000, au sein du centre hospitalier de Roubaix pour le traitement d'un hallux valgus gauche ; que, plusieurs mois après cette intervention chirurgicale, une déviation angulaire du gros orteil gauche de la patiente identique à celle dont elle souffrait avant son hospitalisation a été constatée ; que Mme X a saisi le Tribunal administratif de Lille afin d'être indemnisée des conséquences dommageables de ladite opération ; qu'elle fait appel du jugement en date du 6 juin 2006 par lequel le Tribunal a partiellement rejeté sa demande ; que le centre hospitalier de Roubaix conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de l'ensemble des conclusions présentées par Mme X ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur Y tant dans ses conclusions que dans la littérature médicale jointe, qu'à l'occasion de l'ostéotomie de Scarf pratiquée sur Mme X, le chirurgien n'a pas effectué la libération externe du plan capsulo-ligamentaire qui était pourtant nécessaire, compte tenu des connaissances médicales relatives à une déviation angulaire de 40 %, pour diminuer sensiblement le risque de récidive qui s'est en l'occurrence réalisé ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges, contrairement à ce que soutient par la voie de l'appel incident le centre hospitalier de Roubaix, ont estimé que l'insuffisance du geste opératoire réalisé sur Mme X avait fait perdre à cette dernière une chance sérieuse de guérison et constituait une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'hôpital ;
Considérant qu'à supposer même, comme le soutient la requérante, que le centre hospitalier de Roubaix se soit rendu responsable d'un défaut d'information pré-opératoire ou post-opératoire, Mme X ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que ce défaut d'information aurait eu des conséquences dommageables distinctes de celles résultant de la faute médicale susévoquée ; que c'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont écarté toute indemnisation spécifique sur un tel fondement ;
Sur le préjudice :
Considérant que si Mme X soutient que l'intervention chirurgicale litigieuse aurait été à l'origine de son licenciement de son poste d'assistante dentaire et de l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait d'occuper un emploi équivalent, elle ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le préjudice économique ainsi allégué aurait un lien de causalité direct et certain avec l'opération du 2 octobre 2000 ; qu'en effet, il résulte de l'instruction que le licenciement de la requérante est justifié par une absence pour maladie d'une durée de trois mois à compter du 7 juillet 2000 et qu'il a été envisagé le 24 octobre 2000, soit avant même l'apparition de la récidive ; qu'en outre, l'expert estime que les suites de l'opération, qui n'ont pas aggravé la déviation angulaire dont souffrait à l'origine Mme X, n'ont pas rendu impossible la reprise d'un emploi d'assistante dentaire, moyennant une éventuelle gêne ; que c'est dès lors à bon droit que le Tribunal a refusé d'indemniser ce chef de préjudice ;
Considérant que le préjudice esthétique consiste en une cicatrice d'une dizaine de centimètres sur le pied gauche ; qu'une telle cicatrice, qui est inhérente à l'intervention pratiquée, est sans lien avec la faute médicale commise par le centre hospitalier de Roubaix ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges n'ont pas indemnisé ce chef de préjudice ;
Considérant que, pas plus en appel que devant les premiers juges, Mme X ne rapporte la preuve qu'elle pratiquait, avant l'intervention litigieuse, la bicyclette de manière régulière ; qu'elle ne peut donc être indemnisée de ce chef ; que, par ailleurs, la requérante ne rapporte pas non plus la preuve qu'elle pratiquait avant l'opération litigieuse la danse orientale, l'impossibilité de pratiquer une telle activité étant en tout état de cause sans lien de causalité avec l'intervention chirurgicale subie, compte tenu de l'état initial de la patiente ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont alloué une somme de 750 euros en réparation de ce préjudice ;
Considérant que l'expert a évalué le taux de l'incapacité permanente partielle à 4 % ; que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi par la requérante du fait des troubles dans ses conditions d'existence en lui allouant une somme de 3 250 euros ;
Considérant que l'expert a évalué à un niveau 2 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par Mme X ; que, dans ces conditions, les premiers juges ont pu à juste titre, et sans faire une appréciation inexacte de ce chef de préjudice, allouer à la requérante une somme de 1 500 euros ;
Considérant en revanche que, si l'expert a fixé à trois mois l'interruption temporaire de travail qui suivra la nouvelle opération de Mme X, rendue nécessaire par la faute médicale commise, la requérante ne rapporte pas la preuve que cette intervention aurait été réalisée ou serait programmée ; qu'il suit de là que le préjudice invoqué présente un caractère éventuel et ne peut donner lieu à indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a partiellement rejeté sa demande ; que le centre hospitalier de Roubaix est seulement fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par ledit jugement, les premiers juges l'ont condamné à verser à Mme X une somme incluant la réparation d'un préjudice d'agrément et de l'interruption temporaire de travail liée à la nécessité d'une nouvelle intervention chirurgicale ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce soit mise à la charge du centre hospitalier de Roubaix, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme X la somme que le centre hospitalier de Roubaix demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Kadra X est rejetée.
Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Roubaix est condamné à verser à
Mme Kadra X est ramenée à la somme de 4 750 euros. Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2002.
Article 3 : Le jugement n° 0305127 du Tribunal administratif de Lille en date du 6 juin 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Roubaix est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Kadra X, au centre hospitalier de Roubaix et à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix.
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N°06DA01156