Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2006 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 21 décembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602802 du 9 novembre 2006 en tant que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du
2 novembre 2006 fixant le Maroc comme pays de renvoi de Mlle Hind X ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Il soutient que les menaces de mariage forcé ne suffisent pas à établir que l'arrêté de reconduite à la frontière exposerait Mlle X à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination ne détermine pas le pays vers lequel Mlle X sera éloignée ;
Vu l'ordonnance du 10 janvier 2007 fixant la clôture d'instruction au 12 mars 2007, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2007, présenté pour Mlle X, par la société d'avocats Eden ; Mlle X demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet ;
2°) de confirmer le jugement n° 0602802 du 9 novembre 2006 en tant qu'il annule la décision fixant le Maroc comme pays de destination ;
3°) d'annuler le jugement n° 0602802 du 9 novembre 2006 en tant que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière ;
4°) de prononcer l'annulation de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du
2 novembre 2006 ;
5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mlle X soutient que la requête en appel du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est irrecevable en ce qu'elle ne comporte aucun moyen de nature à justifier l'annulation du jugement ; que la requête d'appel du préfet est, en outre, mal fondée ; que la décision fixant le pays de destination désigne le Maroc ; qu'elle est fondée à se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que le préfet ne conteste pas la réalité des faits et qu'elle est menacée en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle est fondée à se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'impossibilité de poursuivre sa vie commune dans son pays d'origine où elle est menacée par son père ; que, contrairement à ce qu'a retenu le juge de première instance, l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est entachée d'un détournement de pouvoir, en ce que l'administration a fait usage de ses pouvoirs dans le but d'empêcher son mariage avec M. Y ;
Vu le jugement, l'arrêté et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance du 12 mars 2007 portant réouverture d'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Jean-Claude Stortz, président de chambre ;
- les observations de Me Falacho, pour Mlle X ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a, d'une part, rejeté les conclusions de Mlle Hind X dirigées contre l'arrêté du 2 novembre 2006 du PREFET DE LA SEINE-MARITIME en tant que celui-ci ordonnait sa reconduite à la frontière et, d'autre part, annulé la décision distincte contenue dans ledit arrêté fixant le pays dont Mlle X a la nationalité comme pays à destination duquel elle devait être reconduite ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de renvoi ; que l'intéressée demande par voie d'appel incident l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière ;
Sur l'appel principal du PREFET DE LA SEINE-MARITIME :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mlle X ;
Considérant que, pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2006 en tant qu'il a fixé le pays à destination duquel sera renvoyée Mlle X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a retenu, d'une part, que l'intéressée avait dû fuir le Maroc pour échapper aux pressions exercées par sa famille en vue d'un mariage forcé et, d'autre part, qu'elle pourrait être exposée à de telles pressions en cas de retour dans son pays d'origine ; que le premier juge a déduit de ces circonstances que l'arrêté préfectoral avait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, d'une part, que le préfet soutient que la décision fixant le pays de destination ne détermine pas le pays vers lequel Mlle X sera éloignée ; que l'article 2 de l'arrêté du 2 novembre 2006 prononçant la reconduite à la frontière de Mlle X prévoit que : « L'intéressée sera éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité ou dans le pays qui lui aura délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel elle pourrait être légalement admissible » ; que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté de reconduite à la frontière du 2 novembre 2006 doit être regardé comme comportant une décision de renvoi de l'intéressée vers son pays d'origine, le Maroc ; que, par suite, le préfet n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination ne détermine pas le pays vers lequel l'intéressée sera éloignée ;
Considérant, d'autre part, que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui ne conteste pas leur matérialité, se limite à soutenir que les menaces de mariage forcé ne suffisent pas à établir que le renvoi de Mlle X dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le mariage forcé et par suite les menaces de contrainte à ce mariage constituent un traitement inhumain et dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen doit être rejeté ;
Sur l'appel incident :
Considérant, que si Mlle X fait valoir qu'à la date de l'arrêté attaqué elle avait formé un projet de mariage civil pour lequel la date du 12 août 2006 avait été fixée et qui avait donné lieu à une cérémonie religieuse en juin 2006, il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a fondé sa décision sur le seul motif de l'irrégularité de son séjour en France ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant revêtu un caractère précipité et ayant pour motif déterminant de faire obstacle au mariage de Mlle X ; que, par suite, il n'est pas établi que l'arrêté de reconduite à la frontière est entaché de détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 9 novembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision du 2 novembre 2006 fixant le Maroc comme pays de destination de la reconduite à la frontière de Mlle X et que cette dernière n'est pas fondée à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté dudit préfet ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des frais exposés par Mlle X et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mlle X tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 2 novembre 2006 sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle X la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Hind X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
N°06DA01682 2