Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2006 par télécopie et régularisée le 11 avril 2006 par la production de l'original, présentée pour la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER, représentée par son maire, par le cabinet d'avocats Weyl, Porcheron, Picard ; la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0302236, en date du 7 février 2006, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. X, d'une part, annulé l'arrêté du 16 septembre 2003 du maire de la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER, le mettant en demeure de procéder, dans un délai de huit jours, à l'élagage ou au recépage des arbres situés sur sa propriété ainsi qu'à l'évacuation des arbres morts, d'autre part, l'a condamnée à verser à l'intéressé la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner M. X à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance ainsi que celle de 1 500 euros en cause d'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'une note en délibéré, produite en réponse aux conclusions du commissaire du gouvernement, ne lui ayant pas été communiquée, le Tribunal a méconnu le caractère contradictoire de la procédure et a rendu son jugement selon une procédure irrégulière ; que le Tribunal, en s'abstenant de procéder à une appréciation de l'origine du danger, a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'enfin, l'origine du danger tenant à une absence répétée d'entretien des arbres de la part de M. X et au maintien sur sa propriété d'arbres morts, ce dernier devait assumer les frais induits par la mesure de police ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2006, présenté pour M. Jean-Charles X, demeurant ..., par la SCP Huglo Lepage et associés qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la commune, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de procéder au remboursement des sommes qu'il a indûment versées correspondant au coût des travaux entrepris en application de l'arrêté litigieux, et à ce que soit mise à la charge de la commune la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que les notes en délibéré, qui ne comportent pas de circonstances de fait ou de droit nouvelles, n'ont pas à être communiquées ; que, dans les circonstances de l'espèce, le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été méconnu ; que le Tribunal n'a pas omis de statuer en s'abstenant de rechercher l'origine du danger ; qu'il est manifeste que le maire a entendu intervenir en présence d'un risque naturel ; que ces travaux d'intérêt collectif sont à la charge de la commune quel que soit le lieu de réalisation du risque et des travaux afférents ; que le maire est intervenu pour faire face à un risque naturel et que la preuve du défaut d'entretien n'est pas rapportée en l'espèce ; qu'en tout état de cause, la commune dispose d'une action récursoire contre le propriétaire qui relève de la compétence judiciaire ; que l'arrêté est entaché d'illégalité tant externe qu'interne ; que sa motivation est insuffisante et inexacte ; qu'il n'a pas eu la possibilité de faire valoir ses observations avant l'intervention de l'arrêté qui est donc intervenu sur la base d'une procédure irrégulière ; que le maire ne pouvait pas prendre son arrêté sur la base de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; qu'il existe une violation de la loi tenant à l'absence d'intérêt public au soutien de l'arrêté entrepris ; que le maire a ensuite procédé à une qualification juridique des faits erronée ; que le contenu de l'arrêté est, enfin, illégal ; que la chute d'arbres constitue l'expression avérée d'un risque naturel que la commune doit prendre en charge ; que le maire ne pouvait au titre de ses pouvoirs de police ni prescrire des obligations de moyens ni imposer des prescriptions générales et absolues ; que le délai de huit jours était manifestement insuffisant ; qu'en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il est demandé à la Cour d'enjoindre à la commune de procéder au remboursement des sommes indûment versées correspondant au coût des travaux exécutés en application de l'arrêté du 16 septembre 2003 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 février 2007, présenté pour la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER qui conclut aux mêmes fins que sa requête et, en outre, au rejet des conclusions de M. X présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen que les conclusions d'injonction sont irrecevables dès lors qu'elles constituent une demande nouvelle en appel ; que les moyens développés par l'intéressé sont une reprise de ses moyens de première instance ; que l'arrêté est motivé ; que la mise en demeure lui a bien été, en tout état de cause, adressée ; que la mesure prise sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales en cas de danger grave ou imminent, ne résulte pas de considérations tenant au statut des personnes ou des biens à protéger ; que toute considération quant au plan d'occupation des sols ou au statut des occupants est sans portée sur la légalité de l'acte ; que les pouvoirs de police ne s'exercent pas en réponse à une demande mais sur le constat d'un danger grave et imminent ; que la circonstance que la chute d'arbres constituerait l'expression d'un risque naturel ne saurait constituer un moyen révélant l'illégalité de l'arrêté du 16 septembre 2003 qui a justement été pris sur le fondement de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; que l'appréciation de l'origine du danger n'a d'incidence que sur la détermination de la personne à qui incombe la charge des mesures à prendre et des frais subséquents ; que c'est à bon droit que les mesures et les frais ont été mis à sa charge en l'espèce dès lors que la chute d'arbres résulte uniquement d'un manque d'entretien persistant de la part du propriétaire ; quant aux diverses mesures prescrites par l'arrêté, elles ne constituent pas des mesures alternatives mais cumulatives ; que le délai de huit jours laissé au propriétaire pour y procéder n'était pas, compte tenu de l'urgence et de la mise en demeure, resté infructueux, anormal ou insuffisant ; que la commune y est parvenue en ses lieux et place en quatre jours ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER relève appel du jugement du Tribunal administratif de Rouen, en date du 7 février 2006, en tant qu'il annule l'arrêté du 16 septembre 2003 du maire, mettant en demeure M. X de procéder, à ses frais, dans un délai de huit jours, à l'élagage ou au recépage des arbres situés sur sa propriété ainsi qu'à l'évacuation des arbres morts ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que, conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de la note en délibéré qui lui est transmise au cours de son délibéré avant de rendre sa décision, et de la viser sans l'analyser ; qu'il lui appartient cependant de l'analyser lorsqu'il en tient compte ; qu'il ressort de la minute des visas du jugement figurant au dossier de première instance que la note en délibéré, produite par M. X, a été visée par la juridiction et qu'elle en a pris, par suite, connaissance ; que ladite note ne comportait pas l'exposé de moyens ou de circonstances de faits nouveaux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en s'abstenant de l'analyser, et de la transmettre à la commune, le Tribunal ait entaché son jugement d'irrégularité ; que, dès lors, la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER n'est pas fondée à soutenir que le jugement du Tribunal administratif de Rouen serait, pour ce motif, irrégulier ;
Considérant, en second lieu, que les premiers juges, après avoir rappelé de manière suffisamment précise les circonstances de l'intervention de l'arrêté du maire attaqué, ont admis que, sur le fondement de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, l'exécution des mesures prescrites par le maire présentait un caractère collectif et que ces mesures devaient, par suite, être réalisées par les soins de la commune et à ses frais ; que, par suite, la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER n'est pas fondée à soutenir que le jugement, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments présentés par les parties, serait entaché d'une insuffisance de motivation ou d'un défaut de réponse à un moyen en ce qui concerne l'origine du risque auquel il fallait parer ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales énonce que : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (…) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (…) tels que (…) les éboulements de terre ou de rochers (…) ou autres accidents naturels (…) » ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 2212-4 du même code : « En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances » ;
Considérant que les études menées en 2000 et 2001 par le bureau d'études Antea sur les risques liés à l'état de la falaise située sur le territoire de la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER aux lieux-dits « Château d'Orcher et la Pissotière à Madame » ont fait notamment apparaître que la végétation arbustive existante pouvait jouer un rôle important dans la diminution des risques ou, au contraire, constituer un aléa quand elle se situe en bordure de falaise sous forme de grands arbres ; que le maire a alors demandé par courrier adressé le
26 octobre 2001 aux propriétaires de parcelles jouxtant la falaise, dont M. Jean-Charles X, de « procéder à l'élagage ou au recépage des arbres situés en tête de falaise ainsi qu'à l'évacuation des arbres morts » ; qu'à la suite de la chute d'un arbre, en juillet 2003, provenant de la propriété de M. X, sur une maison située en contrebas de la falaise, le maire a, par son arrêté attaqué du 16 septembre 2003, mis en demeure, sur le fondement des articles combinés L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, M. X de procéder, à ses frais, dans un délai de huit jours à l'élagage ou au recépage des arbres situés en tête de falaise ainsi qu'à l'évacuation des arbres morts ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, un danger grave persistant affectant la falaise, ayant au demeurant le caractère d'un accident naturel au sens du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, autorisait le maire à faire usage des pouvoirs que lui confère en pareil cas l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; que, toutefois, si, dans un tel cas, l'exécution des mesures de sûreté sur des propriétés privées peut être ordonnée par le maire, ces mesures ont un intérêt collectif et doivent, dès lors, être exécutées par les soins de la commune et à ses frais ; que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER ne pouvait légalement mettre à la charge de M. X l'obligation de faire procéder à l'élagage ou au recépage des arbres situés sur sa propriété ainsi qu'à l'évacuation des arbres morts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du maire de la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER en date du 16 septembre 2003 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; que l'annulation de l'arrêté du maire de la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER, en date du 16 septembre 2003, prive de base légale les titres exécutoires qui ont pu être émis pour demander à M. X de rembourser le coût des travaux accomplis sur sa propriété en application de l'arrêté litigieux ; que, toutefois, la commune disposant, le cas échéant, d'une action récursoire contre le propriétaire, le présent arrêt n'implique pas nécessairement le remboursement des sommes versées par M. X à la commune ; que, par suite, le point de savoir si les sommes auraient été versées indûment constitue un litige distinct de celui tranché par le présent arrêt ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, par voie de conséquence du rejet des conclusions de l'appelante, les conclusions, présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER, partie perdante, doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER la somme de 1 500 euros qui sera versée à M. X en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER versera à M. Jean-Charles X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. X est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE GONFREVILLE L'ORCHER et à M. Jean-Charles X.
Copie sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°06DA00494