Vu le recours, enregistré le 6 février 2006, régularisé le 11 avril 2006 par télécopie et confirmé le 13 avril 2006 par la production de l'original, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES ; le ministre demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0202507 du 17 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de la caisse mutuelle complémentaire d'action sociale (CMCAS) du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin, d'une part, a annulé la décision du directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Picardie du 8 octobre 2002 refusant de donner une suite favorable à sa demande d'immatriculation au registre national des mutuelles et, d'autre part, a enjoint au préfet de la région Picardie de transmettre au conseil supérieur de la mutualité le dossier de demande d'inscription au registre national des mutuelles de ladite caisse mutuelle de Saint-Quentin et de lui en délivrer récépissé, et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la caisse mutuelle complémentaire d'action sociale du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin ;
Il soutient que c'est au Tribunal administratif de Paris qu'il appartenait d'examiner la demande et non au Tribunal administratif d'Amiens qui est, en l'espèce, incompétent ; que l'exception d'incompétence du directeur régional des affaires sanitaires et sociales (DRASS) de Picardie a été soulevée par le demandeur et non par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales lui-même ; que le préfet de région s'est borné à refuser de transmettre la demande d'immatriculation au secrétaire général du conseil supérieur de la mutualité dès lors qu'il a estimé que la demande était manifestement sans objet ; que la mention du régime spécial de sécurité sociale des industries électrique et gazière ne figure pas dans la nomenclature prévue par l'arrêté du 8 février 2002 et n'est pas conforme aux dispositions de l'article R. 414-2 du code de la mutualité ; que les CMCAS ne relèvent pas de l'article L. 111-1 du code de la mutualité qui énonce de manière limitative les activités que peuvent exercer les mutuelles ; que les CMCAS n'ont pas à être immatriculées puisqu'elles ne sont pas des mutuelles ; que les CMCAS ne relèvent pas du régime général mais d'un régime spécial au sens de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale ; que la possibilité des CMCAS d'adhérer à une union mutualiste constitue une dérogation aux règles générales du code de la mutualité, et est fondée sur l'article 47 de la loi de 1946, qui renvoie au décret le soin de définir le statut de ces organismes ; que les CMCAS sont régies par les dispositions de l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité dans la mesure où il n'est pas dérogé à ces dispositions par celles du statut national du personnel des industries électrique et gazière ; que la jurisprudence du Conseil d'Etat ne confère pas aux CMCAS la qualité de mutuelle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2006, présenté pour la caisse mutuelle complémentaire d'action sociale (CMCAS) du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin, dont le siège est 26 boulevard Victor Hugo, BP 444 à Saint-Quentin cedex (02109), qui conclut au rejet du recours ; elle soutient que l'appel de l'Etat est irrecevable dès lors qu'il a été enregistré le 6 février 2006 sans être signé par le ministre mais par un directeur adjoint de la DRASS de Picardie ; que si le ministre a transmis un mémoire de son administration le 11 avril 2006, il a été adressé postérieurement au délai de deux mois pour faire appel et au surplus sans être signé ; que la lettre d'envoi du 11 avril 2006 est signée par un fonctionnaire qui n'a pas reçu délégation à cet effet ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 5 décembre 2006, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient en outre que son recours est recevable dès lors qu'il a été régularisé conformément à la demande de la Cour ; que le recours en appel a bien été signé par M. X, sous-directeur des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire qui a reçu par arrêté du 13 juin 2005 (JO du 17 juin 2005) délégation à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom du MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 12 janvier 2007, présenté pour la caisse mutuelle complémentaire d'action sociale (CMCAS) des industries électrique et gazière de Saint-Quentin, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 31 janvier 2007 par télécopie et régularisé le 2 février 2007 par la production de l'original, présenté le 2 février 2007 pour la (CMCAS) du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes motifs et demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de
3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient en outre que le Tribunal administratif d'Amiens était bien compétent pour statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre un acte émanant d'une autorité qui a son siège dans le ressort dudit Tribunal ; que le préfet est incompétent en matière d'immatriculation au registre national des mutuelles ; que les CMCAS ont la qualité de sociétés mutualistes au sens des dispositions du code de sécurité sociale, gérant un régime spécial légalement obligatoire applicable aux agents des industries électrique et gazière ; que les dispositions du nouveau code de la mutualité ne modifient en rien la nature juridique des CMCAS ; que la liste des régimes légaux figurant à l'article L. 111-1 4° du code de la mutualité ne peut qu'être indicative par rapport à la définition générale de l'objet des mutuelles figurant au premier alinéa de cet article ; que l'activité des CMCAS relève incontestablement des articles L. 211-3 à L. 211-7 du code de la sécurité sociale, expressément visés par l'article
L. 111-1-4° du code de la mutualité ; que les CMCAS entrent bien dans la catégorie des mutuelles de l'article L. 112-3 du code de la mutualité, alors même qu'elles ne sont pas entièrement soumises au code de la mutualité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la mutualité ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Albert Lequien, M. Jean-Eric Soyez et Mme Agnès Eliot, premiers conseillers :
- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES est dirigé contre le jugement du 17 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de la caisse mutuelle complémentaire d'action sociale (CMCAS) du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin, a annulé la décision du directeur régional des affaires sanitaires et sociales (DRASS) de Picardie du 8 octobre 2002 refusant de donner une suite favorable à sa demande d'immatriculation au registre national des mutuelles ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la CMCAS du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin tirée de l'irrecevabilité du recours :
Sur l'exception d'incompétence du Tribunal administratif d'Amiens soulevée par le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 312-1 du code de justice administrative : « Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée (…) » ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions spéciales visées à l'article R. 312-1 précité, et alors que la décision contestée n'a pas été prise par une autorité qui a son siège à Paris, le Tribunal administratif d'Amiens est compétent pour statuer sur les conclusions de requêtes dirigées contre des actes émanant du directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Picardie qui a son siège dans son ressort ; que, par suite, l'exception d'incompétence soulevée par le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES doit être écartée ;
Sur la légalité de la décision du 8 octobre 2002 du DRASS de Picardie :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111.1 du code de la mutualité : « I. - Les mutuelles sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif. Elles acquièrent la qualité de mutuelle et sont soumises aux dispositions du présent code à dater de leur immatriculation au registre national des mutuelles prévu à l'article L. 411-1. » ; qu'aux termes de l'article R. 414-1 du même code : « Les organismes qui envisagent d'acquérir la qualité de mutuelle et les unions ou fédérations demandent leur immatriculation au registre national des mutuelles prévu à l'article L. 411-1. » ; qu'aux termes de l'article R. 414-2 de ce code : « La demande d'immatriculation conforme à un modèle fixé par arrêté du ministre chargé de la mutualité est signée par le président de l'organisme. (…) La demande est accompagnée des statuts et du procès-verbal de l'assemblée générale constitutive. Le préfet de région la transmet immédiatement au secrétaire général du Conseil supérieur de la mutualité qui procède, sans délai, à l'immatriculation de la mutuelle, de l'union ou de la fédération. Le préfet de région délivre aux organismes régis par le présent chapitre un récépissé de la demande d'immatriculation dans les cinq jours ouvrables suivant le dépôt d'un dossier complet. Ce récépissé comporte le numéro d'immatriculation au registre national des mutuelles. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la Caisse Mutuelle Complémentaire d'Action Sociale du personnel des industries électrique et gazière de Saint Quentin a demandé le
3 octobre 2002 au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Picardie de transmettre le dossier de demande d'immatriculation, dont le caractère complet n'est pas contesté, au registre national des mutuelles ; que, par décision en date du 8 octobre 2002, le directeur régional des affaires sanitaires et sociales a refusé de donner une suite favorable à la demande d'immatriculation au registre national des mutuelles, au motif que l'organisme ne présentait pas le caractère d'une mutuelle au sens de l'article L. 111-1 du code de la mutualité ; qu'il n'appartient pas au préfet, qui ne dispose pas, en application des dispositions précitées du code de la mutualité, du pouvoir de se prononcer sur une telle qualité, de refuser de transmettre le dossier de demande d'immatriculation au registre national des mutuelles ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de la Caisse Mutuelle Complémentaire d'Action Sociale (CMCAS) du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin, d'une part, a annulé la décision du directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Picardie du 8 octobre 2002 refusant de donner une suite favorable à sa demande d'immatriculation au registre national des mutuelles et, d'autre part, a enjoint au préfet de la région Picardie de transmettre au conseil supérieur de la mutualité le dossier de demande d'inscription au registre national des mutuelles de ladite caisse mutuelle de Saint-Quentin et de lui en délivrer récépissé, et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la caisse mutuelle complémentaire d'action sociale (CMCAS) du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin, une somme de 750 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la caisse mutuelle complémentaire d'action sociale du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin une somme de 750 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES et à la caisse mutuelle complémentaire d'action sociale du personnel des industries électrique et gazière de Saint-Quentin.
Copie sera transmise au préfet de la région Picardie, préfet de la Somme.
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N°06DA00173