Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Véronique Y, épouse de M. Dominique Z, demeurant ..., par la SCP Frison, Decramer, Guéroult et associés ;
Mme Y demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0103145 en date du 28 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de M. Jean-Michel X, annulé l'arrêté du 23 mai 2001 par lequel le préfet de la Somme l'a autorisé à exploiter la parcelle ZI 32 à Villers Carbonnel pour une contenance de 2 hectares 75 ares ;
2°) de condamner M. X à lui payer une somme de 1 200 euros pour la première instance devant le tribunal administratif et de 1 200 euros en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le préfet n'a pas à viser l'intégralité des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural ; que la Cour administrative d'appel de Douai a considéré, dans un cas similaire à l'espèce, que l'arrêté était suffisamment motivé ; que la procédure suivie a été régulière ; que l'opération envisagée n'est pas contraire aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2005, présenté pour M. X, demeurant ..., par Me Sterlin, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme Y à lui payer une somme de
1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que le Tribunal a fait une juste appréciation de la situation en estimant que l'arrêté en date du 23 mai 2001 était insuffisamment motivé ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2007 par télécopie et régularisé le 23 janvier 2007 par la production de l'original, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui conclut aux mêmes mêmes fins que celles présentées par l'appelante ; le ministre fait valoir que la Cour ne pourra constater que, d'une part, la décision litigieuse comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et que, d'autre part, les situations personnelles du demandeur et du preneur en place ont été prises en compte ; que, dès lors, le Tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de droit en estimant que le préfet de la Somme n'aurait pas précisé en quoi la situation de Mme Y, par rapport à celle de M. X, justifiait l'arrêté en litige et aurait insuffisamment motivé cette décision ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 février 2007, présenté pour M. Jean-Michel X, par la SCP Croissant, De Limerville, Orts, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire pour les mêmes motifs ; il fait valoir, en outre, que le préfet n'a pas versé aux débats le procès-verbal de la commission départementale d'orientation agricole ne permettant pas ainsi de vérifier si l'avis rendu par cette commission était suffisamment motivé au regard de l'article R. 331-6 du code rural ; que le préfet a commis une erreur d'appréciation dès lors que Mme Y était déjà installée avant de présenter sa demande d'autorisation d'exploiter ; que, de même, aucune comparaison sur la situation professionnelle et familiale du demandeur et du preneur en place n'a été faite ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2007 à laquelle siégeaient
Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
M. Albert Lequien, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,
- les observations de Me Peretti pour Mme Y,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article L. 331-3 du code rural prévoit que : « L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande (...) » et mentionne les critères que l'autorité administrative prend en compte, et que l'article R. 331-6 du même code précise que : « Au vu de l'avis motivé de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet prend une décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter. Cette décision est motivée (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet, s'il n'est pas tenu de statuer expressément sur chacun des critères mentionnés à l'article L. 331-3 du code rural, doit préciser en quoi la situation du demandeur par rapport à celle du précédent exploitant, au regard de ces critères et des orientations définies dans le schéma directeur départemental des structures agricoles, justifie l'octroi de l'autorisation de cumul ;
Considérant qu'il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué en date du 23 mai 2001 que le préfet de la Somme s'est fondé sur ce que l'opération envisagée, qui vise à l'installation d'une agricultrice, est conforme aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme et a constaté qu'après reprise, l'exploitation du preneur en place conserverait une surface supérieure à deux fois l'unité de référence ; qu'il a également relevé que l'âge et la situation familiale des intéressés justifiaient l'autorisation accordée ; qu'il a ainsi suffisamment motivé sa décision au regard de l'article L. 331-3 du code rural et des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur une insuffisance de motivation pour annuler l'arrêté, en date du 23 mai 2001, du préfet de la Somme ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-1 du code rural, dans sa rédaction résultant de l'article 8-I de la loi du 9 juillet 1999 alors applicable : « Il est institué auprès du représentant de l'Etat dans le département, qui la préside, une commission départementale d'orientation de l'agriculture composée notamment de représentants des ministres intéressés, de la production agricole, des propriétaires et des fermiers-métayers, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, de l'artisanat et du commerce indépendant de l'alimentation, des consommateurs et des associations agréées pour la protection de l'environnement, ainsi que d'un représentant du financement de l'agriculture. Sa composition est fixée par décret. (…) » ; que l'article 1er du décret du 26 août 1999 modifiant l'article R. 313-1 du code rural, fixant la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture pris en application de l'article L. 313-1 du code rural, a été annulé par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 213776 en date du 28 février 2001 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Somme du
23 mai 2001 autorisant Mme Y à exploiter 2 hectares 75 ares de terres sises sur la commune de Villers Carbonnel, a été pris après consultation de la section « structures, économie des exploitations et coopératives » de la commission départementale d'orientation de l'agriculture dont la composition a été fixée par arrêtés du préfet de la Somme des 1er et 2 octobre 1999 ; que l'arrêté en date du 1er octobre 1999 portant composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et l'arrêté en date du 2 octobre 1999 fixant la composition de la section « structures, économie des exploitations et coopératives » de cette commission, ont été pris sur le fondement de l'article R. 313-1 du code rural dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 26 août 1999 ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cet article a été annulé par le Conseil d'Etat par une décision en date du 28 février 2001 ; que, par suite, comme le soutient M. X, la décision du préfet de la Somme d'autorisation d'exploiter en date du 23 mai 2001, prise après consultation, le 2 avril 2001, de la section « structures, économie des exploitations et coopératives » irrégulièrement composée, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 23 mai 2001 du préfet de la Somme l'autorisant à exploiter la parcelle ZI 32 sise à Villers Carbonnel ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Y, la somme qu'elle demande au titre des frais de même nature ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme Y à verser à M. X, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Y est rejetée.
Article 2 : Mme Y versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Véronique Y, à M. Jean-Michel X ainsi qu'au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise au préfet de la Somme.
N°05DA00007 2