Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Rémi Y, demeurant ..., par la SCP J.P.et C.Sterlin ; M. Y demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement nee0302462 du 19 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2003 par lequel le préfet de l'Aisne a autorisé M. Xavier X à exploiter une superficie supplémentaire de
5 hectares 59 ares de terres sur le territoire des communes d'Etaves-et-Bocquiaux et Seboncourt ;
22) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté du préfet de l'Aisne du 10 octobre 2003 était suffisamment motivé dès lors que le préfet n'a pas précisé les orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles sur lesquelles il se fondait ; que l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture n'est pas motivé, en méconnaissance de l'article R. 331-6 du code rural ; que ladite commission n'a pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. X, demandeur ; que le préfet de l'Aisne a commis une erreur manifeste d'appréciation en se fondant, pour prendre sa décision, exclusivement sur un critère de superficie ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 27 mars 2006 portant clôture d'instruction au 27 juin 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2006, présenté pour M. X, par
Me Letissier ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté du préfet de l'Aisne en litige est suffisamment motivé ; que le préfet et la commission départementale d'orientation de l'agriculture ont pris en compte l'ensemble des éléments relatifs à la situation respective du demandeur et du preneur en place ; que l'arrêté précise également que, compte tenu des surfaces exploitées par le preneur en place, la reprise des terres concernées ne porterait pas atteinte à l'autonomie de M. Y ; que l'arrêté en litige précise, aussi, que la demande présentée était en conformité avec les orientations du schéma directeur départemental des structures ;
Vu l'ordonnance du 28 juin 2006 portant report de la clôture de l'instruction au
4 août 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2006, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ; le ministre conclut au rejet de la requête et à la condamnation de
M. Y à lui verser une somme de 713 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il indique que M. Y ne reprend pas en appel les moyens tirés de ce que la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture serait irrégulière et de ce que cette commission n'aurait pas examiné de manière approfondie la demande d'autorisation d'exploiter présentée ; il soutient que l'arrêté du préfet de l'Aisne est suffisamment motivé dès lors que le préfet a procédé à une comparaison minutieuse de la situation des exploitations du preneur en place et du demandeur ; que le moyen soulevé par M. Y tiré de ce que l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture serait insuffisamment motivé est lui-même dépourvu de toute motivation et est, en tout état de cause, inopérant dès lors que l'arrêté du préfet de l'Aisne en litige est suffisamment motivé ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 juillet 2006, présenté pour M. Y, par la
SCP Croissant-de Limerville ; il conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que contrairement à ce qu'indique le ministre, il n'a pas abandonné en appel le moyen tiré du défaut d'examen approfondi de la demande par la commission départementale d'orientation de l'agriculture ;
Vu l'ordonnance du 2 août 2006 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2006 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural : « L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de sa demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment, en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ;
7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique … » ; qu'aux termes de l'article R. 331-6 dudit code : « Au vu de l'avis motivé de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet prend une décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter. Cette décision est motivée » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet, s'il doit préciser en quoi la situation du demandeur par rapport à celle du précédent exploitant, au regard de ces critères et des orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles, justifie l'octroi de l'autorisation de cumul, n'est pas tenu de se prononcer expressément sur chacun des critères dont l'article L. 331-3 prescrit de tenir compte ;
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 10 octobre 2003, accordant à M. X l'autorisation d'exploiter sur le territoire des communes d'Etaves-et-Bocquiaux et Seboncourt une superficie supplémentaire de 5 hectares 59 ares de terres que M. Y mettait jusqu'alors en valeur, précise que la demande est conforme au regard des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Aisne, que la reprise envisagée représente moins de
2,15 % de la surface mise en valeur par le preneur en place et est inférieure au seuil de démembrement fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles et que le cédant conserverait après reprise 253 hectares 70 ares, soit l'équivalent de 3,3 unités de référence (UR) alors que le cessionnaire disposerait de 3,5 ; qu'ainsi, les deux exploitations peuvent être considérées comme équivalentes ; que cette motivation, qui procède à une comparaison de la situation des intéressés, tant au regard des critères mentionnés à l'article L. 331-3 du code rural que des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles, et en particulier celle relative au non-démembrement au delà de 10 ou 20 % de la surface du cédant, est conforme aux exigences des articles L. 331-3 et R. 331-6 du code rural ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission départementale d'orientation de l'agriculture n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la demande de M. X ; qu'elle disposait, pour effectuer cet examen, des renseignements portés sur le tableau de présentation des différentes demandes comportant l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et professionnelle du demandeur et du preneur en place ; que l'avis de la commission, pris au vu de l'étude des renseignements figurant sur le tableau de présentation et fondé sur la situation des parties et des biens en cause ainsi que sur la conformité de la demande au regard des orientations du schéma directeur des structures du département de l'Aisne, doit être regardé comme motivé au sens de l'article R. 331-6 précité du code rural et était de nature à permettre au préfet de prendre sa décision en toute connaissance de cause ;
Considérant, enfin, que le préfet de l'Aisne était tenu, conformément aux dispositions de l'article L. 331-3 du code rural précité, d'examiner l'incidence de la reprise envisagée au regard de la superficie exploitée par le preneur en place ; qu'en l'espèce, il a constaté que la reprise de 5 hectares 59 ares de terres dans un ensemble de 259 hectares 29 ares ne porterait pas atteinte à l'autonomie de l'exploitation de M. Y dès lors que celui-ci conserverait après reprise, 253 hectares 70 ares, soit l'équivalent de 3,3 unités de référence ; que, dès lors, le préfet de l'Aisne, qui ne s'est pas fondé sur ce seul motif, a pu légalement accorder l'autorisation demandée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2003 du préfet de l'Aisne ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. Y, d'une part, le paiement à l'Etat de la somme de 713 euros que le ministre de l'agriculture et de la pêche demande au titre des frais qu'il justifie avoir exposés et, d'autre part, le paiement à M. X de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.
Article 2 : M. Y versera à l'Etat une somme de 713 euros et à M. X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rémi Y, au ministre de l'agriculture et de la pêche et à M. Xavier X.
Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.
N°06DA00338 2