Vu la requête, enregistrée le16 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme José Annick Céline Z et M. Eric A, par la SCP Debavelaere, Becuve, Tesseydre, Delanoy ; Mme Z et M. A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302788, 0302839, 0304881 du 10 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 16 avril 2003 par lequel le préfet du Pas-de-Calais leur a délivré un permis de construire une étable à veaux sur un terrain situé ... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X, Mme Y, l'association «défense de l'environnement à Hucqueliers» et la commune d'Hucqueliers devant le Tribunal administratif de Lille ;
3°) de condamner Mme Raymonde X, Mme Michèle Y, l'association
« Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » (DEH) et la commune d'Hucqueliers à leur verser la somme de 1 000 euros chacun en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la requête de l'association devant les premiers juges était tardive ; que son objet ne lui conférait pas un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire concerné ; que l'assemblée générale de l'association n'avait pas régulièrement chargé sa présidente de la représenter en justice à cette occasion ; que le terrain d'assiette du projet, situé à quelques centaines de mètres du centre du bourg d'Hucqueliers, est desservi par un chemin départemental à double sens de circulation qui dessert notamment un terrain de sport et un établissement d'enseignement, et est, par suite, fréquenté par des bus scolaires ; que les accidents du 25 janvier 2005 et du 21 février 2005 étaient isolés ; que le chemin pouvait desservir la construction projetée dans des conditions répondant à la destination de l'ouvrage ; que c'est à juste titre que le Tribunal administratif de Lille a rejeté les autres moyens soulevés en première instance ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance du 21 novembre 2005 par laquelle le président de la 1ère chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a fixé la clôture de l'instruction au 21 décembre 2005 à
16 heures 30 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2005 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 20 décembre 2005, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il s'en remet aux observations du préfet du Pas-de-Calais en première instance ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2005 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 21 décembre 2005, présenté pour Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers, par
Me Bodart ; elles concluent au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté leurs autres moyens de première instance, et à ce que Mme Z et M. A soient condamnés à leur verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ; elles soutiennent que la requête de l'association était recevable ; que le terrain d'assiette du projet, situé à quelques centaines de mètres du centre du bourg d'Hucqueliers, est desservi par un chemin départemental à double sens de circulation qui dessert notamment un terrain de sport et un établissement d'enseignement, et est, par suite, fréquenté par des bus scolaires ; que la chaussée n'étant large que de quatre mètres et les accotements très réduits, les croisements sur cette route entre, d'une part, les véhicules légers et, d'autre part, les tracteurs ou les poids lourds, déjà malaisés dans sa partie rectiligne, s'avèrent dangereux dans les virages situés dans sa partie urbanisée ; que les 25 janvier 2005 et 21 février 2005, des camions transportant du bétail ont été bloqués en raison notamment des virages et de la pente de la chaussée, et ont ainsi bloqué la circulation sur cette voie ; que, dans ces conditions, ce chemin ne peut pas desservir la construction projetée, à tout le moins pour les poids lourds provenant du bourg d'Hucqueliers, dans des conditions répondant à la destination de l'ouvrage ; que le dossier de demande de permis de construire était incomplet ; que le gestionnaire de la voie publique permettant l'accès au terrain d'assiette du projet n'a pas été consulté ; que le permis de construire portait atteinte à la salubrité et la sécurité publique ; qu'il ne prévoyait pas la possibilité de raccorder la construction aux réseaux collectifs ; qu'il porte atteinte au caractère des lieux ; que l'exploitation conduira à des prélèvements en eau excessifs ; que les dispositions du règlement sanitaire départemental ont été méconnues ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 2006 par laquelle le président de la 1ère chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a reporté la clôture de l'instruction au 3 février 2006 à
16 heures 30 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 janvier 2006, présenté pour Mme Z et M. A ; ils reprennent les conclusions de leur mémoire initial par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que l'administration était, en tout état de cause, en mesure d'apprécier le projet qui lui était soumis ; que Mme X, Mme Y, l'association
« Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers ne sont pas recevables à soulever pour la première fois en appel le moyen tiré de ce que le gestionnaire de la voie publique permettant l'accès au terrain d'assiette du projet n'a pas été consulté ; que le permis de construire ne portait pas atteinte à la salubrité et la sécurité publique ; que l'impossibilité de se raccorder aux réseaux publics n'est pas établie ; que le site n'est pas classé en zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et qu'ainsi il n'a pas été porté atteinte au caractère des lieux ; que l'exploitation ne conduira pas à des prélèvements en eau excessifs ; que le règlement sanitaire départemental n'a pas été méconnu ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 janvier 2006, présenté pour Mme Z et M. A ; ils reprennent les conclusions de leur précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 janvier 2006 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 31 janvier 2006, présenté pour Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers ; elles reprennent les conclusions de leurs précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 février 2006 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 3 février 2006, présenté pour Mme Z et M. A ; ils reprennent les conclusions de leurs précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 septembre 2006 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 25 septembre 2006, présentée pour Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain Stéphan, premier conseiller,
- les observations de Me Bodart pour l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et M. A, et de Me Mouveau pour Mme Z,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin d'appel incident :
Considérant que l'intérêt à faire appel d'un jugement s'apprécie par rapport à son dispositif et non à ses motifs ; que Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers se bornent à contester le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas retenu l'ensemble des moyens qu'elles avaient soulevé devant le Tribunal administratif de Lille, et non le dispositif du jugement qui fait intégralement droit à leurs conclusions tendant à l'annulation du permis de construire attaqué ; que, par suite, leurs conclusions à fin de recours incident ne sont pas recevables ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » devant le Tribunal administratif de Lille :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme : « Le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l'article R. 421-39 ; b) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R. 421-39 (…) » ;
Considérant que si Mme Z et M. A soutiennent que le permis attaqué a été affiché sur le terrain au mois de juin 2003, Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers ont produit à l'instance un constant d'huissier du 30 juin 2003, qui fait état d'une absence d'affichage à cette date ; qu'ainsi, en l'absence de preuve d'affichage sur le terrain, le délai de recours n'a pu courir à l'égard des tiers ; qu'ainsi, Mme Z et M. A ne sont pas fondés à opposer une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête de cette association ;
Considérant, en deuxième lieu, que ladite association, qui a été déclarée à la sous-préfecture de Montreuil-sur-Mer le 31 janvier 2003 et dont le caractère prétendument fictif n'est pas établi, a pour objet statutaire de « s'opposer à l'implantation d'un élevage industriel de veaux à Hucqueliers ; ester en justice toute solution ne trouvant pas satisfaction » ; qu'un tel objet lui confère un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire attaqué qui concerne un élevage industriel de huit cent soixante veaux de boucherie dans cette commune ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence, dans ses statuts modifiés le 25 septembre 2003, d'une stipulation réservant expressément à un autre organe le pouvoir de former une action ou de la représenter en justice, une telle action ne peut être régulièrement engagée que par l'assemblée générale de l'association ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 22 octobre 2003, l'assemblée générale de l'association a décidé d'introduire un recours contentieux contre le permis de construire litigieux et chargé Mme X, sa présidente, de la représenter en justice à cette occasion ;
Sur l'unique moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Lille :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'étable pour laquelle Mme Z et M. A ont obtenu le permis de construire a été prévue pour un élevage industriel de huit cent soixante veaux de boucherie ; que le terrain d'assiette du projet, situé à quelques centaines de mètres du centre du bourg d'Hucqueliers, est desservi par un chemin départemental à double sens de circulation qui dessert notamment un terrain de sport et un établissement d'enseignement, et est, par suite, fréquenté par des bus scolaires ; que, nonobstant la relative étroitesse de la chaussée et de ses accotements, l'existence de virages où les croisements sont malaisés, et un accident ponctuel lié au verglas, ce chemin, eu égard au faible trafic induit par l'élevage, permettait de desservir la construction projetée dans des conditions répondant à sa destination ; que, par suite, Mme Z et M. A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, pour considérer le permis de construire contesté comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation, le Tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'absence de desserte suffisante de la construction ;
Sur les autres moyens soulevés par Mme X, Mme Y, l'association
« Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers :
Considérant toutefois que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu pour la Cour administrative d'appel de Douai d'examiner l'ensemble des moyens présentés en première instance et en appel par Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme : « Lorsque la délivrance du permis de construire aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique, l'autorité ou le service chargé de l'instruction de la demande consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie (…) » ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions se rattache aux moyens de légalité externe soulevés en première instance par Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent Mme Z et M. A, elles sont recevables à invoquer ce moyen pour la première fois en appel ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies de l'état existant et des plans joints au dossier de demande de permis de construire que la construction aura nécessairement pour effet la création de trois accès sur le chemin départemental 156 ; qu'ainsi, la délivrance du permis nécessitait la consultation du gestionnaire de cette voie ; que, par une lettre du 20 janvier 2006, le département du Pas-de-Calais a informé les intimés qu'il n'avait pas été consulté dans le cadre de l'instruction de ce permis ; qu'ainsi, Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers sont fondés à soutenir que le permis de construire attaqué a été délivré à la suite d'une procédure irrégulière ;
Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'en l'état de l'instruction, aucun autre moyen soulevé par les intimés n'est, en l'état du dossier, susceptible de fonder l'annulation du permis de construire attaqué ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme Z et M. A ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 16 avril 2003 par lequel le préfet du Pas-de-Calais leur a délivré un permis de construire une étable à veaux sur un terrain situé ... ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de Mme Z et de M. A le paiement à Mme X,
Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers, de la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Z et de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme X, Mme Y, l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers » et la commune d'Hucqueliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus de leurs conclusions sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme José Annick Céline Z, à M. Eric A, à Mme Raymonde X, à Mme Michèle Y, à l'association « Défense de l'Environnement d'Hucqueliers », à la commune d'Hucqueliers, et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°05DA00571