Vu la requête, enregistrée le 14 février 2005, présentée pour le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE (CEA), dont le siège social est situé ... Fédération à Paris cedex 15 (75752), par Me Toulemont, avocat, de la SCP PDGB ; le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0404879, en date du 2 décembre 2004, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 17 juin 2004 de Voies Navigables de France rejetant sa réclamation dirigée contre les compléments de taxe hydraulique qui lui ont été réclamés au titre des années 1999, 2000, 2001 et 2002 et, d'autre part, à ce que le Tribunal ordonne à Voies Navigables de France le remboursement des sommes versées, avec intérêts et l'a condamné à verser la somme de 1 000 euros à Voies Navigables de France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de le décharger totalement des sommes ainsi mises à sa charge ;
3°) de condamner Voies Navigables de France à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la durée de l'instruction devant le tribunal administratif a été trop brève et que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; que les dispositions de l'article 2-IV alinéa 2 de la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991, modifié par l'article 35 de la loi n° 96-151 du 16 février 1996, qui prévoient un délai d'au moins trente jours avant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires ont été méconnues ; que la seconde convention d'occupation temporaire du domaine public ne comportait pas, dans la commune intention des parties, d'effet rétroactif concernant la base taxable ; que Voies Navigables de France, tiers à cette convention, ne peut se prévaloir d'une éventuelle portée rétroactive de la convention qui n'a d'effet qu'entre les parties signataires ; que la taxe hydraulique est une imposition annuelle dont le fait générateur est fixé au
1er janvier de chaque année ; que la base taxable à la date du fait générateur ne saurait être remise en cause par aucune convention ultérieure des parties ; qu'ayant acquitté l'imposition annuelle conformément à la convention initiale, il ne saurait subir de redressement ; que compte tenu de sa nature de taxe fiscale de la taxe hydraulique, il y a lieu de faire jouer la prescription prévue en la matière par le code général des impôts et du livre des procédures fiscales ; que la taxe hydraulique étant assimilable à une contribution indirecte, la prescription est annuelle en application de l'article L. 178 du livre des procédures fiscales ; qu'en revanche, la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil n'est pas applicable ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2005, présenté pour Voies navigables de France, dont le siège est ... BP 820, (62408 cedex), établissement public représenté par son président dûment habilité, par Me Y..., avocat ; il conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation du COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE (CEA) à lui verser 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'il n'y a pas eu violation du principe du contradictoire ; que le moyen tiré du prétendu non-respect de la procédure légale de redressement est nouveau et, par suite, irrecevable ; que le caractère rétroactif de la convention signée par le CNR et le CEA, où, dans son article 4, le CEA reconnaît devoir la taxe hydraulique à Voies Navigables de France, n'a pas d'incidence sur la validité et la réalité du titrage des années précédentes dans la limite de la prescription ; que le livre des procédures fiscales ne s'applique qu'aux impositions et non aux redevances, taxes parafiscales ou autres prélèvements ; que seule la prescription quinquennale est opposable en l'espèce ; que même si elle avait pu être opposée par le CEA en qualité d'établissement public, la prescription quadriennale a été interrompue par une lettre en date du 14 novembre 2003 ; que, titulaire d'ouvrages de prise d'eau, le CEA répond à la définition donnée par l'article 124 de la loi de finances pour 1991 ; qu'eu égard aux dispositions de l'article 10 du décret n°91-797 du
20 août 1991 relatif aux recettes au profit de Voies Navigables de France, la taxe hydraulique est due par les titulaires d'une autorisation d'occupation du domaine délivrée avant le 1er janvier de l'année au titre de laquelle est perçue la taxe quelle que soit l'autorité qui a délivré l'autorisation ; que le CEA est titré à partir du 1er janvier 1998 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 mai 2005, présenté pour le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE qui confirme ses précédentes écritures, par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que même si sa requête présente un moyen nouveau, celui-ci se rattache à une cause juridique déjà ouverte avant l'expiration du délai de recours contentieux et est, dès lors, recevable ; qu'étendre à Voies Navigables de France le bénéfice d'un effet rétroactif de nature contractuelle constituerait un enrichissement sans cause à son profit ; que l'article 63 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a supprimé l'ensemble des taxes parafiscales ; qu'il apporte des éléments supplémentaires permettant de déterminer la nature juridique de la taxe ; que le montant de la taxe est fixé par l'article 124 de la loi de finances pour 1991 et est uniforme sur l'ensemble du territoire ; que l'article L. 178 du livre des procédures fiscales est applicable aux taxes ; que pour justifier sa position, Voies Navigables de France se fonde sur des circulaires édictées par une autorité incompétente et qui se contredisent ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er août 2005, présenté pour Voies Navigables de France qui conclut aux mêmes fins que le précédent mémoire en défense et par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 septembre 2005, présenté pour le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 octobre 2006, présenté pour Voies Navigables de France qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2005, présenté pour le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 décembre 2005, présenté pour Voies Navigables de France qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 janvier 2006, présenté pour le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu la mesure d'instruction en date du 30 juin 2006 ;
Vu le mémoire en observations, enregistré le 1er août 2006, présenté par la Compagnie nationale du Rhône, dont le siège est ... (69316 Cedex 04), en réponse à la mesure d'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 septembre 2006, présenté pour le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE qui présente ses observations en complément de celles fournies par la Compagnie nationale du Rhône ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi du 27 mai 1921, et les textes subséquents et modificatifs, accordant à la Compagnie nationale du Rhône la concession de l'aménagement du Rhône ;
Vu la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991, et notamment son article 124 ;
Vu le décret n° 91-797 du 20 août 1991 relatif aux recettes instituées au profit de Voies Navigables de France par l'article 124 de la loi de finances pour 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,
- les observations de Me X... pour Voies Navigables de France,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la brièveté du délai au terme duquel le Tribunal administratif de Lille a statué sur la demande qui lui était soumise par le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE a été, dans les circonstance de l'espèce et ce nonobstant la particularité du dossier, de nature à fausser le caractère contradictoire de la procédure et à entacher, par suite, d'irrégularité le jugement rendu ;
Sur le fond :
Considérant que l'article 124 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991, prévoit, pour assurer à l'établissement public chargé des voies navigables et de leurs dépendances ainsi que de la gestion du domaine de l'Etat, l'ensemble de ses missions, qu'il perçoive notamment des taxes sur les titulaires d'ouvrages de prise d'eau, de rejet d'eau ou autres ouvrages hydrauliques destinés à prélever ou à évacuer des volumes d'eau sur le domaine public fluvial ; que, selon cet article, la taxe dite hydraulique est à taux unique par catégories d'usagers et comprend, lorsque les ouvrages sont implantés sur le domaine public fluvial de l'Etat dont la gestion est confiée à l'établissement public, deux éléments dont l'un prend en compte la superficie de l'emprise au sol des ouvrages et l'autre le volume prélevable ou rejetable par l'ouvrage ;
Considérant que, sur la base d'une convention signée le 13 novembre 1997 avec Voies Navigables de France, établissement public visé par l'article 124 de la loi de Finances pour 1991 précité, le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE, gestionnaire de la centrale nucléaire Phénix, a versé, au titre des années 1999 à 2002, à l'établissement public le montant de la taxe hydraulique due pour des ouvrages de prise d'eau et de rejet d'eau, dont la liste est reprise à l'article 1.2 de cette convention, et qui sont installés dans l'emprise du domaine public fluvial de l'Etat situé sur le territoire de la commune de Chusclan sur le Rhône ; que la Compagnie nationale du Rhône ayant obtenu, par la loi du 27 mai 1921, la concession de l'aménagement du Rhône et cette concession étant toujours en vigueur, une convention d'occupation temporaire du domaine concédé a été signée, le 30 septembre 2003, entre cette compagnie et le commissariat en vue de renouveler l'autorisation d'implantation des ouvrages de prise et de rejet d'eau (articles 1er, 6 et suivants),
-cette autorisation ayant été initialement consentie en 1976-, de décrire les « ouvrages existants et/ou nouveaux occupant le domaine concédé » (article 2), de fixer sa durée (article 3) et de régulariser la situation par rapport à Voies Navigables de France (articles 3, 4 et 5) ; qu'en particulier, l'article 3 fait courir la durée de dix ans « à partir du 1er décembre 1998 à titre de régularisation » tandis que le premier alinéa de l'article 5 (« conditions spéciales ») prévoit que : « La présente convention annule et remplace celle qui vous a été délivrée par Voies Navigables de France sous le n°51279700085 » ;
Considérant que, constatant que la liste des ouvrages de prise d'eau et de rejet d'eau utilisés par le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE n'était pas, dans la nouvelle convention du
30 septembre 2003 passée avec la Compagnie nationale du Rhône identique à celle figurant dans la convention du 13 novembre 1997 passée avec Voies Navigables de France, cet établissement public, en en déduisant une augmentation de la base taxable et en donnant à l'ensemble des nouvelles stipulations une portée rétroactive, a procédé à un rehaussement des montants de taxe hydraulique dus au titre des années 1999 à 2002 par le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE en application de l'article 124 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 ; qu'il ne résulte, cependant, ni des stipulations de la nouvelle convention, ni de la commune intention des parties signataires, ni d'aucun autre document, que la liste des ouvrages de prise et rejet d'eau mentionnés à l'article 2 de la convention du 30 septembre 2003 correspondait à des ouvrages déjà installés entre 1999 et 2002 et que la nouvelle convention aurait également entendu sur ce point régulariser la situation vis-à-vis de Voies Navigables de France ; que, dans ces conditions, faute de pouvoir justifier d'une modification des éléments ayant servi à la détermination de l'assiette de la taxe hydraulique pour les années en litige, Voies Navigables de France n'était pas fondée à procéder à un rehaussement de la taxe sur les ouvrages hydrauliques versée par le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE au titre de ces années ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de décharge des montants supplémentaires de taxe qui lui ont été réclamés au titre des années 1999 (41 420,59 euros), 2000 (91 595,22 euros), 2001 (91 913,23 euros) et 2002 (91 838,88 euros), soit un total de 316 767,92 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Voies Navigables de France la somme de 5 000 euros que le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE réclame en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme dont Voies Navigables de France demande le paiement sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0404879, en date du 2 décembre 2004, du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Il est prononcé la décharge des montants supplémentaires de taxe sur les ouvrages hydrauliques assignés par Voies Navigables de France au COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE au titre des années 1999 (41 420,59 euros), 2000 (91 595,22 euros),
2001 (91 913,23 euros) et 2002 (91 838,88 euros).
Article 3 : Voies Navigables de France versera au COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de Voies Navigables de France présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE ainsi qu'à Voies Navigables de France et à la Compagnie nationale du Rhône.
Copie sera adressée pour information au préfet du Nord.
N°05DA00180 2