Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2005, présentée pour la société anonyme GARAGE DE LA VEILLERE, dont le siège est chez M. Y... X, ..., par Me X..., avocat ; la société GARAGE DE LA VEILLERE demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0001635 en date 28 décembre 2004 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 3.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'en statuant sur la dépréciation subie par les véhicules, le tribunal a donné à l'imposition contestée un fondement qui n'avait pas été invoqué par les parties ; que la notification de redressements n'est motivée ni en droit ni en fait, l'administration n'ayant à aucun moment contesté la dépréciation des véhicules ; que l'administration allègue sans le démontrer le caractère forfaitaire des provisions pour dépréciation de pièces détachées alors que le listing de calcul joint atteste de la précision du chiffrage ; que la valeur retenue pour les stocks est la valeur réelle des biens ; qu'en constatant une provision, l'évaluation s'est faite au cours du jour ; que le calcul n'est pas forfaitaire mais statistique, la société ayant mis en place un système informatique permettant de suivre l'historique de chaque pièce ; que les véhicules d'occasion, s'ils peuvent servir de véhicules de courtoisie, restent affectés à la vente et constituent des stocks et non des immobilisations ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 juillet 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les premiers juges n'ont pas statué au-delà de ce qui leur était demandé ; que la notification de redressements était suffisamment motivée ; que les provisions pour dépréciation des stocks n'étaient pas déductibles dès lors qu'elles avaient un caractère forfaitaire et que la seule durée de détention d'un bien en stock ne justifie pas par elle-même une dépréciation de celui-ci ; que n'étaient pas non plus déductibles les provisions pour dépréciation des véhicules d'occasion car les véhicules de courtoisie étaient détenus depuis plusieurs exercices et constituaient donc des immobilisations ; que le fait que ces véhicules figuraient dans le livre de police ne fait pas obstacle à la qualification des faits donnée par l'administration ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 septembre 2005, présenté pour la société GARAGE DE LA VEILLERE qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 16 janvier 2006 portant clôture de l'instruction au 16 février 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 février 2006, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui confirme ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain de Pontonx , premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si la société anonyme GARAGE DE LA VEILLERE invoque l'irrégularité du jugement attaqué en soutenant que le Tribunal administratif d'Amiens aurait donné à l'imposition résultant de la réintégration de provisions pour dépréciation de véhicules d'occasion un fondement différent de celui qui aurait été donné par les parties, il ne ressort pas des termes du jugement que tel serait le cas ; qu'ainsi le moyen manque en fait ; qu'en outre, la circonstance que les premiers juges auraient fait une réponse inappropriée au moyen soulevé par la requérante n'est pas de nature à entraîner une irrégularité du jugement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la société GARAGE DE LA VEILLERE soutient que la notification de redressements du 6 avril 1998 qui lui a été adressée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, au motif que l'administration n'a pas contesté la dépréciation des véhicules ; que toutefois cette notification de redressements indique que les véhicules dits « de courtoisie » faisant l'objet de prêts à la clientèle pour une courte durée étaient utilisés durablement par l'entreprise et n'avaient pas le caractère de stocks mais devaient être immobilisés ; que ladite notification précise ainsi les éléments de fait et de droit fondant le redressement et n'est donc pas entachée d'une insuffisance de motivation ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les provisions pour dépréciation des pièces de rechange :
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 39-1.5° et 38-3 du code général des impôts que lorsqu'une entreprise constate que tout ou partie des matières ou produits qu'elle possède en stock a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation ; que si pareille provision peut être évaluée par des méthodes statistiques, c'est à la condition que son évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée selon les catégories des produits en stock ;
Considérant que la société GARAGE DE LA VEILLERE qui exerçait l'activité de concessionnaire automobile, a constitué à la clôture des exercices 1995 et 1996 des provisions pour dépréciation à raison des pièces détachées qu'elle conservait en stock ; qu'elle a calculé le montant de ces provisions en appliquant au prix de l'ensemble des articles en stock des abattements aux taux de 50 %, 75 %, et 99 % selon que le nombre de mois écoulés depuis la dernière vente était compris entre douze et vingt-quatre mois, vingt-cinq et trente-six mois ou supérieur à trente-six mois ;
Considérant que la méthode ainsi adoptée, qui ne tenait compte ni des caractéristiques propres à chacune des différentes catégories d'articles composant les stocks ni, eu égard à cette spécificité, de leur degré inégal d'obsolescence pour une durée identique de séjour en stock, ne permettait pas une approximation suffisante de la réalité de la dépréciation de son stock ; que, dès lors, et sans qu'y fassent obstacle le moyen tiré par la société de ce que le caractère forfaitaire des provisions n'est pas démontré par l'administration ni la circonstance qu'un système informatique a été mis en place permettant de suivre l'historique de chaque pièce, l'administration était fondée à réintégrer les provisions en cause dans les bases imposables pour la détermination de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1995 et 1996 ;
En ce qui concerne les provisions pour dépréciation des véhicules d'occasion :
Considérant que l'administration a remis en cause la déduction de provisions pour dépréciation de véhicules d'occasion dits « de courtoisie » prêtés à la clientèle pour une courte durée ; que la société reconnaît qu'en raison de leur kilométrage important, ces véhicules étaient inaptes à recevoir la garantie de la marque dont la société GARAGE DE LA VEILLERE est concessionnaire rendant ainsi leur négoce très difficile ; que ces véhicules qui étaient généralement affectés pour une durée de plus d'un an à cet usage de prêt n'étaient pas étroitement liés à la vente ; qu'ainsi ces véhicules avaient le caractère d'immobilisation et non de stock ; que, dès lors, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les véhicules concernés demeuraient sur le livre de police tenu par les négociants de véhicules automobiles, la société GARAGE DE LA VEILLERE n'était pas fondée à déduire des provisions pour dépréciation de stocks que l'administration a pu, à bon droit, réintégrer dans les bases imposables pour la détermination de l' impôt sur les sociétés au titre des années 1995 et 1996 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GARAGE DE LA VEILLERE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société GARAGE DE LA VEILLERE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article ler : La requête de la société GARAGE DE LA VEILLERE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme GARAGE DE LA VEILLERE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
2
N°05DA00276