Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 1er juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE, régulièrement représentée par son maire en exercice, et par
Me Z..., membre de la SCP Thèmes ; la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE demande à la Cour :
11) de réformer le jugement n° 04-349, en date du 17 mars 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de la SCI du Chemin des Dames, annulé, d'une part, l'arrêté, en date du 29 octobre 2003, du maire de SAINT-POL-SUR-TERNOISE lui refusant la délivrance d'un permis de construire en vue de l'aménagement de quatre logements dans un bâtiment situé
1 rue des Procureurs et, d'autre part, la décision du 7 janvier 2004 par laquelle le maire a, sur recours gracieux, confirmé son refus ;
2°) de mettre à la charge de la SCI du Chemin des Dames la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a considéré, d'une part, que le motif de l'arrêté tiré de l'atteinte à la sécurité publique, fondé sur les dispositions de l'article R. 1114 du code de l'urbanisme, n'était pas fondé et, d'autre part, que l'autre motif exposé dans le rejet du recours gracieux et tiré de l'existence d'une servitude d'alignement n'était pas opposable, faute pour cette servitude d'avoir été régulièrement publiée au plan d'occupation des sols ; que sur le premier point, la situation de l'immeuble et les prescriptions de l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation justifient l'existence d'un risque au sens de l'article précité ; que, sur le second point, la servitude d'alignement établie en 1950 par un plan d'alignement figure expressément en annexe du plan d'occupation des sols opposable à la date de la décision ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'avis de mise en demeure en date du 10 janvier 2006 adressé à la SCI du Chemin des Dames en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception postal de cette mise en demeure ;
Vu la lettre en date du 30 janvier 2006, informant les parties, en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 février 2006, présenté pour la SCI du Chemin des Dames dont le siège est situé ..., représentée par son gérant et par la SCP Cattoir, Joly ; la SCI du Chemin des Dames demande à la Cour de rejeter la requête, de confirmer intégralement le jugement et de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la requête d'appel est irrecevable en ce qu'elle ne permet pas à la Cour d'apprécier tous les motifs d'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2003 et de la décision du 7 janvier 2004 ; que le moyen d'ordre public soulevé par la Cour est donc fondé ; que la décision est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il existe une porte d'accès à l'immeuble ; que l'immeuble est suffisamment desservi au regard des exigences de sécurité ; que le projet a bénéficié de trois avis favorables de l'architecte des bâtiments de France, de la direction des services d'incendie et de secours et de la commission d'arrondissement de sécurité et d'accessibilité ; que l'immeuble remplit les conditions posées par l'arrêté du 31 janvier 1986 ; que l'impasse des Lavoirs était encore à la date de la décision attaquée une voie publique de desserte de l'immeuble ; que le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ; qu'en ce qui concerne l'existence d'une prétendue servitude d'alignement, l'arrêté du maire en date du 29 octobre 2003 n'en fait pas état, le document annexé au plan d'occupation des sols ne figurant pas parmi les pièces produites en première instance, et qu'à aucun moment l'existence de cette servitude n'a été portée à sa connaissance ; qu'elle est dès lors fondée à s'interroger sur la régularité de ce document annexé au plan d'occupation des sols ; qu'en tout état de cause, une telle servitude ne ferait pas obstacle à la délivrance du permis de construire compte tenu de la portée des travaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,
- les observations de Me Y... pour la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE et de Me X... pour la SCI du Chemin des Dames,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. (…). Elle contient l'exposé des faits et des moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge » ;
Considérant que, par son jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de la SCI du Chemin des Dames, annulé l'arrêté du maire de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE, en date du 29 octobre 2003, lui refusant la délivrance d'un permis de construire ainsi que la décision du maire du 7 janvier 2004 confirmant ce refus sur recours gracieux ; que, dans sa requête d'appel, la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE, même si elle ne critique pas la totalité des motifs d'annulation retenus par le Tribunal en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, expose les faits et les moyens qui, selon elle, suffisent à justifier le bien-fondé de ses conclusions dirigées contre le jugement attaqué ; que, par suite, sa requête qui répond aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative précité, est recevable ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 600 ;4 ;1 du code de l'urbanisme : « Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier » ; que, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 600 ;4 ;1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation ; que, dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance ; que, dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens ; qu'il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges ;
En ce qui concerne le motif d'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2003 tiré de l'absence de violation de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie » ;
Considérant que l'immeuble pour lequel la SCI le Chemin des Dames a sollicité un permis de construire, en vue de la réalisation de quatre logements, comporte un local commercial donnant rue des Procureurs et, à l'arrière, d'autres locaux, ouvrant sur l'impasse des Lavoirs, qu'elle envisageait d'aménager en logements ; qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de la caractéristique des lieux, cette voie de desserte des logements, en impasse, étroite et comportant en son entrée un passage couvert de faible hauteur, rendrait l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie ou de secours particulièrement difficile sans que ces difficultés d'accès aux logements puissent être surmontées de manière satisfaisante à partir de la seule rue des Procureurs ; que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE a pu, après avoir indiqué que la « voie … est impropre à l'acheminement des engins de lutte contre l'incendie », légalement refuser la délivrance du permis de construire sollicité en se fondant sur les dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a retenu l'absence de violation de l'article R. 111-4 pour prononcer l'annulation de l'arrêté du
23 octobre 2003 ;
En ce qui concerne le motif d'annulation de la décision du 7 janvier 2004 tiré de l'absence d'opposabilité d'une servitude d'alignement :
Considérant que l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme dispose que : « Les plans locaux d'urbanisme doivent comporter en annexe les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et qui figurent sur une liste dressée par décret en Conseil d'Etat. / Le représentant de l'Etat est tenu de mettre le maire ou le président de l'établissement public compétent en demeure d'annexer au plan local d'urbanisme les servitudes mentionnées à l'alinéa précédent. Si cette formalité n'a pas été effectuée dans le délai de trois mois, le représentant de l'Etat y procède d'office. / Après l'expiration d'un délai d'un an à compter, soit de l'approbation du plan, soit, s'il s'agit d'une servitude nouvelle, de son institution, seules les servitudes annexées au plan peuvent être opposées aux demandes d'autorisation d'occupation du sol. Dans le cas où le plan a été approuvé ou la servitude, instituée avant la publication du décret établissant ou complétant la liste visée à l'alinéa premier, le délai d'un an court à compter de cette publication » ; que la liste susmentionnée des servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol comporte notamment les servitudes attachées à l'alignement des voies notamment communales ; qu'aux termes de l'article L. 112-6 du code de la voirie routière : « Aucun travail confortatif ne peut être entrepris sur un bâtiment frappé d'alignement, sauf s'il s'agit d'un immeuble classé parmi les monuments historiques » ;
Considérant que si, parmi la liste des servitudes d'alignement annexée au plan d'occupation des sols en application des dispositions de l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme, figure celle relative à la voie communale 152 correspondant à la rue des Procureurs et si, d'après le plan dressé en novembre 1950, l'immeuble, objet du permis, situé à l'angle de la rue des Procureurs et de l'impasse des Lavoirs, se trouve ainsi frappé d'alignement, il n'est pas soutenu et il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux d'aménagement envisagés par la SCI du Chemin des Dames consisteraient en des travaux confortatifs proscrits par les dispositions de l'article L. 112-6 du code de la voirie routière ; que, par suite, la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 7 janvier 2004 rejetant le recours gracieux par lequel le maire avait ajouté le motif tiré de l'existence d'une servitude d'alignement à ceux retenus par son arrêté initial du 29 octobre 2003 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'un seul des motifs retenus par le Tribunal administratif de Lille en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme pour prononcer l'annulation des décisions du 23 octobre 2003 et du 7 janvier 2004 du maire de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE, doit être censuré ; qu'ainsi, la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE, s'étant, par ailleurs, abstenue de critiquer les autres motifs dudit jugement et notamment celui tiré de la méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, n'est pas fondée à demander son annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI du Chemin des Dames qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE la somme de 1 500 euros que la SCI du Chemin des Dames réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE versera à la SCI du Chemin des Dames la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE, à la SCI du Chemin des Dames et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°05DA00636