Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2005, présentée pour M. Gérard , domicilié ..., par la SELARL Blondel-Van Den Schrieck-Robilliart- Pambo ; il demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0300295 du 7 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de la commune de Vincly, annulé l'arrêté du 27 octobre 2002 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a accordé un permis de construire une stabulation libre sur aire paillée ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Vincly devant le Tribunal administratif de Lille ;
Il soutient que la prescription, consistant en un déplacement de l'implantation de la construction réalisée, avait un caractère limité et ne portait pas atteinte à la conception d'ensemble du projet et qu'ainsi, le préfet du Pas-de-Calais a pu légalement décider d'une telle modification, sans imposer à M. de présenter une nouvelle demande ; que si le plan masse, joint à la demande de permis de construire, n'indique pas le tracé des équipements publics ou privés, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement, il ressort des précisions apportées par le rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales annexé au permis, et du caractère très limité des équipements publics et privés prévus, que, malgré l'absence de tracé desdits équipements sur le plan de masse, le préfet du Pas-de-Calais a pu apprécier exactement la demande qui lui était soumise, et délivrer le permis de construire contesté en toute connaissance de cause ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la lettre, enregistrée le 25 février 2005, par le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ; il informe la Cour que la requête n'appelle pas d'observation de sa part ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2006 et son original en date du 27 mars 2006, présenté pour la commune de Vincly ; la commune conclut au rejet de la requête et à ce que
M. soit condamné à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la prescription, consistant en un déplacement de l'implantation de la construction réalisée, n'avait pas un caractère limité et portait atteinte à la conception d'ensemble du projet ; que le plan de masse joint à la demande de permis de construire n'indique pas le tracé des équipements publics ou privés, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement, et que cette absence n'a pu permettre au préfet du Pas-de-Calais de s'assurer du caractère suffisant de l'alimentation en eau projetée ; que la disposition des lieux ne rend pas possible les raccordements prévus, et que le réseau d'eau existant sera insuffisant pour alimenter la nouvelle construction ; que le chemin d'accès qui dessert le projet ne présente pas une largeur suffisante pour recevoir des engins agricoles, des véhicules de transport de bovins et des engins de lutte contre l'incendie ; que le lisier ne sera pas épandu dans des conditions satisfaisantes ; qu'une source se trouve à 17 mètres du projet ; que la borne à incendie la plus proche se trouve à plus 175,50 mètres ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain Stéphan, premier conseiller,
- les observations de Me Robilliart, pour M. X,
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par arrêté du 27 novembre 2002, le préfet du Pas-de-Calais a accordé à
M. Gérard , un permis de construire une stabulation libre sur aire paillée ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille, à la demande de la commune de Vincly, a annulé ledit permis ;
Sur les moyens d'annulation retenus par les premiers juges :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation ; que, dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance ; que, dans le cas où il estime, en revanche, qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens ; qu'il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges ;
Considérant, d'une part, que le permis de construire contesté est assorti de la prescription suivante : « la construction sera implantée à 20 mètres de la limite de la propriété avec la rue du Cas et non à 10 mètres comme indiqué sur le plan de masse afin que la distance de 50 mètres par rapport aux tiers soit respectée » ; que, cette prescription, consistant en un déplacement de l'implantation de la construction réalisée, avait un caractère limité et ne portait pas atteinte à la conception d'ensemble du projet ; qu'ainsi, le préfet du Pas-de-Calais a pu légalement décider d'une telle modification, sans imposer à M. de présenter une nouvelle demande ; que, par suite, le premier motif retenu par les premiers juges, selon lequel cette prescription imposait la présentation d'un nouveau projet, ne pouvait justifier la solution d'annulation ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du C de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : « Lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, le plan de masse indique les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement » ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le plan de masse joint à la demande de permis de construire n'indique pas le tracé des équipements publics ou privés, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement ; que, toutefois, le permis de construire contesté reprend les prescriptions contenues dans le rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales annexé au permis ; qu'il ressort de ce document, ainsi que des autres pièces du dossier, que l'alimentation en eau du bâtiment se fera à partir d'un branchement sur une parcelle contiguë déjà desservie ; qu'il en ressort également que le mode même de l'exploitation en stabulation libre sur aire paillée entraînera l'épandage des fumiers et lisiers dans des périmètres de protection éloignés et l'évacuation des eaux de la laiterie et de la salle de traite dans une fosse étanche ; qu'il en ressort, enfin, que les eaux pluviales seront collectées et évacuées sans stagnation en dehors des secteurs sales vers un fossé, réseau d'égout ou tout autre dispositif d'infiltration à créer sur le site ; qu'il résulte de ces indications que les équipements publics ou privés qu'implique le projet auront un caractère très limité ;
Considérant qu'il ressort des précisions apportées par le rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, annexé au permis, et du caractère très limité des équipements publics et privés prévus, que, nonobstant l'absence d'indication desdits équipements sur le plan de masse, le préfet du Pas-de-Calais a pu apprécier exactement la demande qui lui était soumise, et délivrer le permis de construire contesté en toute connaissance de cause ; que, par suite, le second motif retenu par les premiers juges, selon lequel cette absence n'avait pu permettre au préfet du Pas-de-Calais de s'assurer du caractère suffisant de l'alimentation en eau projetée, ne pouvait, davantage que le premier motif, justifier la solution d'annulation ;
Sur les autres moyens soulevés devant les premiers juges :
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel de Douai, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la Commune de Vincly devant le Tribunal administratif de Lille ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-10 du code de l'urbanisme : « En l'absence de réseaux publics et sous réserve que l'hygiène générale et la protection sanitaire soient assurées, le réseau de distribution d'eau potable est alimenté par un seul point d'eau ou, en cas d'impossibilité, par le plus petit nombre possible de points d'eau ; le réseau d'égouts aboutit à un seul dispositif d'épuration et de rejet en milieu naturel ou, en cas d'impossibilité, au plus petit nombre possible de ces dispositifs. / En outre, ces installations collectives sont établies de manière à pouvoir se raccorder ultérieurement aux réseaux publics prévus dans les projets d'alimentation en eau et d'assainissement » ; qu'aux termes de l'article R. 111-11 du même code : « Des dérogations à l'obligation de réaliser des installations collectives de distribution d'eau potable peuvent être accordées à titre exceptionnel, lorsque la grande superficie des parcelles ou la faible densité de construction ainsi que la facilité d'alimentation individuelle, font apparaître celle-ci comme nettement plus économique, mais à la condition que la potabilité de l'eau et sa protection contre tout risque de pollution puissent être considérées comme assurées… » ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la disposition des lieux ne rendrait pas possible les raccordements prévus, et que le réseau d'eau existant sera insuffisant pour alimenter la nouvelle construction n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé et la portée ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que M. devra se conformer strictement aux prescriptions du rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales annexé au permis, notamment en matière d'alimentation en eau potable ; qu'ainsi, en délivrant le permis de construire contesté, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en ce qui concerne les raccordements et le réseau d'alimentation en eau potable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès…. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'eu égard à la destination de la construction projetée, le chemin d'accès qui la dessert, présente, nonobstant son mauvais état allégué, une largeur suffisante pour recevoir des engins agricoles, des véhicules de transport de bovins et des engins de lutte contre l'incendie ; qu'ainsi, en délivrant le permis de construire contesté, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté une appréciation manifestement erronée sur la desserte et la sécurité des accès de la construction projetée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique » ;
Considérant que la commune de Vincly ne peut utilement invoquer les conditions d'épandage du lisier à l'encontre d'un permis de construire ; que le moyen tiré de l'existence d'une source et d'un petit cours d'eau, non répertoriés sur les plans, n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé et la portée ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un équipement de défense incendie est situé à 125 mètres de la construction projetée ; qu'ainsi, en délivrant le permis de construire contesté, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté une appréciation manifestement erronée sur l'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique qui résulterait du projet ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. est fondé à demander l'annulation du jugement du 7 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de la commune de Vincly, annulé l'arrêté du 27 octobre 2002 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a accordé un permis de construire une stabulation libre sur aire paillée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 octobre 2004 du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la commune de Vincly devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gérard , à la commune de Vincly et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°05DA00082