Vu l'arrêt de la Cour du 28 juillet 2005 par lequel elle a, avant de statuer sur les conclusions de la requête de la COMMUNE DU VAL DE REUIL tendant à l'annulation des décisions du directeur des services fiscaux de l'Eure en tant qu'elles refusent d'assujettir à la taxe foncière sur les propriétés bâties, au titre des années 1996, 1997, 1999 et 2000, les grand et petit tunnels, la cuve hydrobalistique, la cuve à houle, le bâtiment E et les bâtiments de stockage du bassin d'essais des carènes, ordonné un supplément d'instruction aux fins pour le ministre de la défense de produire les entiers dossiers correspondant aux commandes liées aux activités civiles ayant, au cours des années 1996, 1997, 1999 et 2000, donné lieu à des facturations de prestations de services et comportant notamment la commande des donneurs d'ordre, le dossier d'expertise, le rapport transmis aux donneurs d'ordre ainsi que la facture des prestations de services ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2005, présenté par le ministre de la défense ; il communique les dossiers correspondant aux commandes liées aux activités civiles du bassin d'essais des carènes ; il soutient qu'aucune activité n'a été exercée sur le site en 1996 et 1997 ; que les titres de perception et de facturation étaient émis par la DCN et que les opérations ont été transférées sur le compte du budget de l'Etat à partir de 2001-2002 ; que la valorisation des dossiers ne représente que les débours des frais engagés pour la réalisation des essais ;
Vu l'ordonnance en date du 30 janvier 2006 portant clôture de l'instruction au
20 février 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 février 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il déclare, qu'il n'a pas d'élément permettant de dire qu'une activité aurait été exercée en ce qui concerne les années 1996 et 1997 ; s'agissant de 1999 et 2000, il soutient que si des prestations génératrices de recettes ont été réalisées, les documents communiqués ne permettent pas d'identifier avec précision quelles installations spécifiques ont servi à la réalisation de ces essais ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2006, présenté pour la COMMUNE DU
VAL DE REUIL ; elle conclut aux mêmes fins en soutenant que, en ce qui concerne les années 1996 et 1997, malgré le démenti du ministre, des présomptions d'activités civiles du bassin des carènes demeurent comme il ressort d'articles de presse et de la fiche parue sur le site internet du ministère ; qu'en ce qui concerne les années 1999 et 2000, il ressort bien des pièces produites par le ministre que des activités rémunérées de nature civile ont bien été accomplies dans les installations du bassin des carènes ; que pour la réalisation de ces activités, le bassin des carènes a dû nécessairement également recourir à l'utilisation des bâtiments de stockage ;
Vu l'ordonnance en date du 23 février 2006 portant report de la clôture de l'instruction au 13 mars 2006 et la lettre en date du même jour par laquelle le président de la troisième chambre a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur le moyen d'ordre public tiré de ce que, en cas d'annulation des décisions attaquées, les dispositions de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales feraient obstacle à ce que soit mise en recouvrement en 2006 la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1996, 1997, 1999 et 2000 ;
Vu les observations, enregistrées le 7 mars 2006, présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui déclare acquiescer au moyen soulevé d'office et maintenir ses conclusions antérieures ;
Vu les observations, enregistrées le 13 mars 2006, présentées pour la COMMUNE DU
VAL DE REUIL ; elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle ajoute que le juge ne peut soulever d'office le moyen résultant de la prescription ; qu'aucune des parties n'ayant jusqu'alors soulevé ce moyen, elles ne peuvent le reprendre à leur compte sans méconnaître le principe d'égalité des citoyens devant la justice ; que la cessation de l'affectation exclusive des bâtiments à des activités militaires n'ayant pas été déclarée dans les quatre-vingt dix jours impartis par l'article 1406-I du code général des impôts, le droit de reprise de l'administration peut s'exercer à toute époque conformément à l'article L. 175 du livre des procédures fiscales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Jérôme Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : « Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° Les immeubles nationaux… affectés à un service public ou d'intérêt général et non productifs de revenus notamment… les magasins, casernes et autres établissements militaires… » ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier et notamment du supplément d'instruction ordonné par la Cour que les grand et petit tunnels, la cuve hydrobalistique, la cuve à houle, le bâtiment E et les bâtiments de stockage du bassin d'essais des carènes étaient affectés à des activités autres que militaires au cours des seules années 1999 et 2000 ; que ces activités ont consisté en la mise à disposition des installations du bassin d'essais des carènes pour permettre la réalisation par des entreprises d'études et d'essais, tels que la détermination du champ de vagues ou l'étude d'optimisation du ressac de navires rapides, la validation expérimentale d'un projet de méthanier ou l'étude d'une nouvelle hélice pour des navires océanographiques ; que ces études et essais ont donné lieu en contrepartie à une facturation par la direction des centres d'expertise et d'essais du ministère de la défense ; que les installations du bassin d'essais des carènes susdécrites doivent ainsi être considérées comme productives de revenus au sens de l'article 1382 précité du code général des impôts nonobstant le fait, comme le soutient le ministre de la défense, que les sommes facturées ne représenteraient que les débours des frais engagés pour la réalisation des essais ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'utilisation des installations en cause aurait comporté une exclusion des bâtiments de stockage pour la réalisation par des entreprises desdites activités d'études et essais ; que dans ces conditions, les grand et petit tunnels, la cuve hydrobalistique, la cuve à houle, le bâtiment E et les bâtiments de stockage du bassin d'essais des carènes étaient passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1999 et 2000 ; qu'ils étaient, en revanche, exonérés de cette même taxe au titre des années 1996 et 1997 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DU VAL DE REUIL est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du directeur des services fiscaux de l'Eure en tant qu'elle refuse d'assujettir les installations susdites du bassin des carènes à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1999 et 2000 ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant, en premier lieu, que l'arrêt susvisé du 28 juillet 2005 et le présent arrêt qui rejettent les conclusions de la COMMUNE DU VAL DE REUIL en ce qui concerne les années 1996 et 1997 n'appellent aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions tendant à ce que la Cour enjoigne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'établir les rôles supplémentaires pour le recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1996 et 1997 ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il en va de même en ce qui concerne, au titre des années 1999 et 2000, le bâtiment F et le bassin B 600 ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales : « Pour les impôts directs perçus au profit des collectivités locales… à l'exception de la taxe professionnelle et de ses taxes additionnelles, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due… » ;
Considérant que si le moyen tiré de la prescription n'est, en règle générale, pas d'ordre public, il en va différemment lorsque, après annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision de l'administration fiscale portant refus de mettre en recouvrement une imposition, il est demandé au juge de l'exécution d'enjoindre à cette administration de mettre en recouvrement, nonobstant les règles de la prescription, ladite imposition, ce qu'il ne pourrait faire sans méconnaître le champ d'application de la loi ;
Considérant qu'à la date du présent arrêt, l'administration n'est plus en droit, en raison de la prescription résultant des dispositions précitées de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales, auxquelles ne font pas échec celles de l'article L. 175 du même livre autorisant la réparation à toute époque des omissions ou insuffisances d'imposition, d'établir des rôles d'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties portant sur les années 1999 et 2000 ; que dans ces conditions, les conclusions de la COMMUNE DU VAL DE REUIL tendant à ce que la Cour enjoigne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'établir les rôles supplémentaires pour le recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1999 et 2000 doivent également être rejetées en ce qui concerne les installations du bassin d'essais des carènes faisant l'objet de l'annulation ci-dessus prononcée ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la COMMUNE DU VAL DE REUIL une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 9702187-0101637 du Tribunal administratif de Rouen en date du 30 avril 2003 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande n° 0101637 de la COMMUNE DU VAL DE REUIL tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du directeur des services fiscaux de l'Eure refusant d'assujettir à la taxe foncière sur les propriétés bâties les grand et petit tunnels, la cuve hydrobalistique, la cuve à houle, le bâtiment E et les bâtiments de stockage du bassin d'essais des carènes au titre des années 1999 et 2000.
Article 2 : Est annulée la décision implicite de rejet du directeur des services fiscaux de l'Eure en tant qu'elle refuse d'assujettir à la taxe foncière sur les propriétés bâties les grand et petit tunnels, la cuve hydrobalistique, la cuve à houle, le bâtiment E et les bâtiments de stockage du bassin d'essais des carènes au titre des années 1999 et 2000.
Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DU VAL DE REUIL une somme de
1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DU VAL DE REUIL est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DU VAL DE REUIL, au ministre de la défense et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N°03DA00761